Ce soir, sur les coups de neuf heures, je décide d’aller faire un petit tour question de prendre l’air. Prendre l’air est un peu fort car il fait encore une température caniculaire. J’emmène mon chien pour cette promenade vespérale. L’allée couverte de platane est déserte. Le restaurant qui se trouve non loin est fermé « exceptionnellement » comme il est écrit sur l’ardoise. Au club de tennis, les courts sont vides. Seule une poignée de personnes sur la terrasse du Club House est plantée muette devant un poste de TV. Enfin, le jardin public, bondé habituellement les soirs d’été est quasiment vide. Une maman et son bambin. Ils jouent avec un ballon de football. Tiens ! Bizarre. Un peu plus loin, un couple d’amoureux s’acharne sur la borne d’appel des taxis. Où veulent-ils aller ainsi ? Peu importe, ils ne sont pas prêts qu’on leur réponde. Et des touristes, hollandais, ils sont quatre, ils errent dans les rues vides. Cherchent-ils un restaurant ? Ils ont l’air tous fermés. Seuls les bars affichent un peu de vie. Des terrasses pleines et silencieuses regardant tous dans la même direction. Pour améliorer l’ordinaire, on ne lésine pas. Ce soir, c’est brochette et verre de rosé à 10 €, suspens compris. Puis, des cris, des applaudissements sortent des fenêtres. Non, ils ne sont pas tous morts. Et enfin, quelques têtes apparaissent, quelques uns s’aventurent jusque dans la rue. C’est la mi-temps. Des discussions s’engagent entre voisins. « Attention à la défense. » « C’est pas gagné » Par chance, je viens de tomber sur deux entraîneurs-sélectionneurs-tacticiens de l’équipe de France de foot. Notre pays en compte quelques millions, plus ventripotents les uns que les autres. Quelques-uns brandissent un drapeau bleu-blanc-rouge. À l'heure où on expulse des sans-papiers, on peut encore s'enorgueillir d'être français ? Heureusement que les lois scélérates et sarkoziennes n'existaient pas, à l'époque, car il n'est pas sûr qu'on ait un Zidane, ou les autres, pour nous marquer des buts aujourd'hui.
Mon chien est fatigué et je rentre chez moi. Je vais aller me coucher. Proust m’attend. Tiens, en cette période où il est de bon ton d’être fan de foot, alors qu’on fait parler quelques intellos, vivants ou morts, pour qu’ils affirment leur foi en ce sport, je suis bien incapable de dire ce que Proust en pensait. On n'a pas besoin d'alibi supplémentaire pour nous vendre cet abrutissement mondial…