Malgré une taille limitée, celle d’une longue nouvelle, et une intrigue très simple, Billy Budd est rapidement devenu l’une des œuvres les plus étudiées et les plus commentées de la littérature mondiale, suscitant des débats aussi passionnés que contradictoires. La violence de la lutte entre critiques ne doit pas surprendre : Melville a tout fait pour livrer à une modernité demi-habile, pensant que tout problème a sa solution, une de ces situations sur lesquelles elle ne peut que se casser les dents. Qu’est-ce que le mal ? Quelles sont ses stratégies pour se répandre ? Comment limiter son empire ? Quel sens donner à la beauté d’un être ? Comment accueillir la grâce échue à un autre ? Autant de questions que le texte soulève, que la pensée instrumentale nous a désappris à poser et qui, lorsqu’elle les rencontre, la rendent comme folle. Autant de questions essentielles pour une vie humaine, et dont la littérature est peut-être la mieux à même, par ses ambiguïtés, à pouvoir traiter sans fausseté.
Le présent ouvrage se met à l’école de Billy Budd, non par souci exégétique, mais pour saisir l’occasion qui nous est donnée, en explorant l’œuvre ultime de Melville, de secouer la niaiserie ambiante, et de mieux habiter notre condition.
Olivier Rey, dans ce texte plein de finesse et de profondeur, fait ressortir de manière lumineuse et dans un style limpide la vision de l’homme que suggère Melville.