Miauw les gens.
Troy Davis, devenu un symbole de la lutte contre la peine capitale, a été exécuté mercredi aux États-Unis après avoir clamé son innocence jusqu'au bout, mais sans pouvoir remporter son ultime marathon judiciaire. Juste avant l'injection mortelle au pénitencier de Jackson, en Géorgie, dans le sud-est du pays, cet Afro-Américain de 42 ans a répété qu'il n'était pour rien dans la mort du policier blanc pour laquelle il a été condamné en 1991. "Ce n'était pas de ma faute, je n'avais pas d'arme", a déclaré Troy Davis, selon une journaliste locale qui a assisté à l'exécution aux côtés de parents de la victime. "À ceux qui s'apprêtent à m'ôter la vie, que Dieu vous bénisse", a-t-il ajouté. Initialement prévue à 19 heures locales (1 heure), l'exécution a été retardée de plus de quatre heures, dans l'attente d'une décision de la Cour suprême des États-Unis, qui a finalement autorisé sa mise à mort. Le décès a été constaté à 23 h 8 (5 h 8, jeudi à Paris), une quinzaine de minutes après le début de l'exécution.
Les centaines de manifestants présents à l'extérieur de la prison ont accueilli la nouvelle dans un profond abattement après avoir espéré pendant des heures un improbable geste de la plus haute juridiction du pays. Le gouvernement français a rapidement réagi pour regretter l'exécution. "Nous déplorons vivement que les nombreux appels à la clémence n'aient pas été entendus", a fait savoir le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
L'avocat de Davis s'est battu jusqu'au bout
Condamné à mort pour le meurtre du policier Mark MacPhail, tué par balle sur un parking de Savannah en 1989, Troy Davis avait déjà échappé à trois exécutions grâce à de multiples recours judiciaires évoquant des doutes quant à sa culpabilité. Lors du procès, neuf témoins l'avaient désigné comme l'auteur du coup de feu, mais l'arme du crime n'avait jamais été retrouvée et aucune empreinte digitale ou ADN n'avait été relevée. Depuis, sept témoins s'étaient rétractés, certains d'entre eux affirmant avoir été incités par la police à accuser Troy Davis.
La décision de la Cour suprême a mis fin à une journée d'intenses efforts de l'avocat de Troy Davis, qui a réclamé une suspension de l'exécution en assurant avoir "de nouvelles preuves" exonérant son client. La requête déposée mercredi matin par Me Brian Kammer citait notamment "un faux témoignage" du médecin légiste qui a autopsié le corps du policier décédé. Mais cette requête a été rejetée successivement en première instance puis par la Cour suprême de Géorgie et enfin par la Cour suprême des États-Unis. La veille, le comité des grâces de Géorgie avait rejeté un précédent recours, ouvrant la voie à l'exécution. Troy Davis s'était ensuite adressé par écrit à ses partisans depuis le couloir de la mort, où il se trouvait depuis 20 ans, affirmant que "le combat pour la justice" ne s'arrêterait pas avec lui.
Des centaines de manifestations de soutien dans le monde
Le président Barack Obama avait fait savoir mercredi soir qu'il se refusait à intervenir. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, a indiqué qu'il n'appartenait pas au président de "peser sur des affaires spécifiques comme celle-ci, qui est une procédure d'État fédéré". Interrogée sur la chaîne de télévision CNN, Anneliese MacPhail, la mère du policier tué en 1989, a dit attendre "soulagement et paix" de l'exécution de Troy Davis, après "l'enfer" qu'elle a vécu depuis la mort de son fils.
Présenté par ses partisans comme le prototype du Noir condamné à tort, Troy Davis jouissait de l'appui de personnalités comme l'ancien président Jimmy Carter, le pape Benoît XVI ou l'actrice Susan Sarandon, et des centaines de manifestations de soutien ont eu lieu partout dans le monde. Le New York Times avait dénoncé "les nombreuses graves erreurs" commises dans le dossier Davis, qui, selon le quotidien, prouvaient de nouveau "la barbarie de la peine de mort". Quelques heures avant Troy Davis, au Texas (Sud), Lawrence Brewer, un Américain de 44 ans membre du Ku Klux Klan condamné pour un meurtre raciste, était lui aussi exécuté. Les États-Unis ont pratiqué 46 exécutions en 2010.
Source, Le point
En 2008, il avait écrit cette lettre.
"Je veux vous remercier tous pour vos efforts et votre dévouement en faveur des droits de l'homme et de la bonté humaine ; lors de ces dernières années, j'ai éprouvé tant d'émotions, de joie, de tristesse... sans jamais perdre la foi. C'est grâce à vous tous que je suis en vie aujourd'hui (...) Ma soeur Martina me dit (...) qu'elle n'arrêtera jamais de se battre pour me sauver la vie et prouver au monde que je suis innocent de ce crime terrible.
Je suis ému, quand je découvre des mails du monde entier, venant d'endroits que je n'imaginais même pas connaître un jour, de personnes parlant des langues et exprimant des cultures et des religions que je ne pouvais seulement espérer découvrir un jour (...) Ce n'est pas une affaire qui concerne la peine de mort, ce n'est pas une affaire qui concerne Troy Davis, c'est une affaire qui touche à la justice et à l'esprit humain (...).
Je ne peux pas répondre à toutes vos lettres, mais je les lis toutes. Je ne peux pas vous voir tous, mais j'imagine vos visages. Je ne peux pas vous entendre parler, mais vos lettres m'emmènent aux quatre coins du monde. Je ne peux pas vous toucher physiquement, mais je sens votre chaleur tous les jours que j'existe.
Donc merci, et
souvenez-vous que je suis dans un endroit où l'exécution peut seulement détruire votre état physique, mais grâce à ma foi en Dieu, à ma famille et à vous tous, je suis spirituellement libre
depuis longtemps, et peu importe ce qui arrivera dans les jours et les semaines à venir, ce mouvement pour abolir la peine de mort, pour rechercher la vraie justice, pour faire éclater un système
qui ne réussit pas à protéger ses innocents, doit être accéléré.
Il y a tant d'autres Troy Davis. Ce combat pour abolir la peine de mort ne sera pas gagné ou perdu à travers moi, mais à travers notre force à avancer et à sauver chaque personne innocente emprisonnée à travers le monde. Nous devons démanteler ce système injuste, ville par ville, État par État, et pays par pays. J'ai hâte d'être avec vous, peu importe que ce soit physiquement ou spirituellement, et ce jour-là, j'annoncerai : 'Je suis Troy Davis, et je suis libre !' 'Ne cessez jamais le combat pour la justice, et nous gagnerons !'"
Source, Le Point