En ce moment, on fait beaucoup de bruit autour de Loris Gréaud et de son exposition "Cellar Door" au Palais de Tokyo.
La difficulté avec Loris Gréaud, c'est qu'il n'a pas 30 ans, qu'il a déjà bénéficié d'une exposition personnelle au Centre Pompidou et qu'il est représenté par une galerie très importante (la galerie Yvon Lambert). Du coup, lorsqu'on va voir son expo, on se dit que si l'on n'en voit pas l'intérêt, c'est parce qu'il y a quelque chose qu'on n'a pas compris.
La difficulté supplémentaire, encore plus pernicieuse, c'est qu'on aurait tendance à trouver cette expo pas si mal.
Mais en réalité, pour résumer les choses, si on trouve cette expo pas mal, c'est simplement parce qu'elle constitue un moyen assez agréable de boboïser un dimanche après-midi printannier.
Et pour résumer encore plus les choses, c'est une exposition que je range dans le genre "prétentieux".
Je m'explique.
Voici ce qu'en dit le petit livret explicatif:
"Cellar Door est une proposition artistique inédite: gigantesque organisme généré par une partition distendue dans l'espace et le temps. L'exposition est une forme mutante, cristallisée autour d'une obsession: la production et la fabrication d'un atelier. L'atelier de l'artiste n'est pas présenté dans sa version commune, celle de l'usine à rêves, mais à la manière d'une usine rêvante, objet délirant, doué d'une pensée et d'une parole, qui se réinvente en permanence."
En réalité, on entre dans un espace clos, aménagé spécialement, plafond bas, murs sombres, porte d'entrée qui s'ouvre seule. Derrière des vitres, un studio d'enregistrement donne l'impression qu'on se trouve dans une espèce de QG, ou dans un cerveau high-tech.
Mais tout cela, c'est beaucoup de pompe pour pas grand chose.
Par exemple, cette sculpture de néons (image ci-dessus) que, de Dan Flavin à Jeppe Hein, on a l'impression d'avoir vue cent fois. Mais comme il s'agit d'une "Distorsion de l'espace", on se dit qu'elle a sans doute quelque chose de particulier ...
Mais l'artiste californien Richard Jackson a déjà imaginé le pistolet à peinture, en infiniment plus efficace et truculant.
Reste la forêt, qui est l'élément le plus séduisant de l'exposition.
Certes les arbres sont faits de poudre à canon aglomérée. Quand on le sait, on se dit "tiens?". Mais le problème c'est qu'on se met aussi assez vite à penser à Disney Land, en se disant qu'ils font ce même genre de décor, en plus convainquant.
Certes, l'univers SF qui est ici en jeu (et dont la généalogie remonte à Philip K.Dick) n'est pas dépourvu d'intérêt. Il répond à beaucoup d'obsessions actuelles (l'idée d'un espace qui est dans le nôtre sans y être, un lieu de nulle part auquel on est raccordé à notre insu, auquel on n'échappe pas, et qui, au fond, serait notre matrice).
Mais une fois qu'on en a lu la description sur le mur d'entrée ("Voici l'histoire du Studio, un vaste atelier dispersé dans l'espace et le temps, etc"), on se demande, une fois qu'on est sorti de cette gigantesque installation, ce que celle-ci nous a aporté de plus.
Loris Gréaud s'est fait plaisir, il a fait comme les enfants, pour qui il suffit d'un recoin obscur derrière un rideau pour imaginer toutes sortes d'histoire. Seulement, Loris Gréaud est un artiste. Donc on ne lui demande pas seulement de délimiter un recoin obscur, on voudrait aussi qu'il crée.
Mais j'oubliais! Il ne s'agit pas d'une oeuvre, mais seulement d'une "proposition", selon les termes du texte d'introduction. On peut se rassurer ...
(Images: courtesy Loris Gréaud et galerie Yvon Lambert, Paris, New York)