A 3 jours du scrutin, le moins que l’on puisse dire c’est que les élections sénatoriales passent totalement inaperçues dans les médias. Mode de scrutin ? Consignes sarkozystes ? Et pourtant l’enjeu est de taille puisque la Haute Assemblée pourrait basculer à gauche et créer ainsi un contre pouvoir à la politique de la droite.
Jean-Pierre DEMERLIAT, Sénateur de la Haute-Vienne, dont le siège n’est pas renouvelable, a accepté de nous en parler.
Le Sénat à gauche ?
C’est possible, c’est souhaitable, c’est même indispensable !
Dimanche prochain 25 septembre se dérouleront des élections sénatoriales dont le résultat pourrait résonner comme un coup de tonnerre. En effet, le Sénat, présidé par un sénateur de droite depuis 1968, pourrait bien basculer à gauche.
Déjà, lors du précédent renouvellement triennal, à la suite des élections municipales et cantonales de mars 2008 qui virent une progression importante de la gauche, et notamment des Socialistes, le nombre de sénateurs d’opposition avait progressé de manière significative.
Cette année, suite à la réforme de 2003 qui limite le mandat à 6 ans au lieu de 9 et qui prévoit par conséquent le renouvellement des sénateurs par moitié tous les trois ans, la progression de la gauche sera, quoi qu’il arrive, encore plus importante : les grands électeurs sénatoriaux sont aujourd’hui encore plus remontés contre la politique de Sarkozy qui étrangle les collectivités locales, contre sa réforme territoriale qui prévoit notamment une modification de l’intercommunalité imposée à la hussarde par l’exécutif et ses représentants et sa révision générale des politiques publiques (RGPP) qui limite considérablement les marges de manœuvre des élus locaux.
Dimanche soir, les sénateurs d’opposition peuvent donc être majoritaires au Palais du Luxembourg.
Mais est-ce pour cela que le Sénat se dotera le 1er octobre prochain d’un président de gauche ? Ce n’est pas certain. En effet, au Sénat, les clivages politiques sont moins tranchés qu’à l’Assemblée nationale. Cela tient principalement au mode d’élection de ses membres : les grands électeurs, dont un grand nombre sont des élus ruraux, se disent souvent « apolitiques » -c’est-à-dire plutôt de droite- mais qui ne se sentent pas liés par des engagements partisans et qui peuvent donc apporter leur soutien -ou combattre- en fonction de leur humeur, de la sympathie ou de l’antipathie qu’ils éprouvent envers les candidats.
En conséquence, entre les blocs de gauche et de droite assez cohérents, il existe « un marais » d’électrons libres que l’on trouve principalement au sein du RDSE (Rassemblement Démocratique et Social Européen) constitué par des radicaux de gauche et de droite et des élus ne se sentant à l’aise nul part ailleurs. Ainsi, un observateur peu averti pourrait s’étonner de trouver côte à côte au sein du même groupe, Jean-Pierre Chevènement, le rédacteur du projet socialiste de 1971, chantre à l’époque de l’appropriation collective des moyens de production et d’échange et de la planification démocratique, et le duc Aymeri de Montesquiou-Fezensac, radical UMP, -homme sympathique au demeurant- mais dont l’engagement sarkozyste est inébranlable.
Les intentions de vote de certains sénateurs, mal identifiés au plan politique, ne sont pas gravées dans le marbre et peuvent évoluer dans un sens ou dans l’autre.
Moins nombreux que les députés, les sénateurs se connaissent tous, beaucoup d’entre eux sont là depuis longtemps, aussi les amitiés, les complicités, les compagnonnages, les inimitiés, les jalousies, les rancœurs, les aigreurs peuvent faire s’égarer quelques bulletins lors de l’élection du président de la Haute Assemblée.
Enfin, dans beaucoup de départements, principalement à droite, mais aussi à gauche, des candidatures dissidentes se sont déclarées. On voit ainsi dans un département pas trop éloigné du nôtre, un baron de la mitterrandie qui n’a plus hélas, pour lui-même et ses camarades, son guide pour lui indiquer le bon chemin, promouvoir une fois de plus des candidatures dissidentes dont le leader jure ses grands dieux qu’il ne votera pas pour le candidat socialiste…
Néanmoins, si la gauche est majoritaire, gageons qu’elle saura conduire un des siens à la présidence du Sénat.
Cette élection espérée, possible, modifierait profondément le paysage politique. Tout d’abord, cela montrerait de manière éclatante le désaveu qui frappe le président actuel ; ensuite cela permettrait de retarder l’adoption des lois malsaines proposées par la majorité actuelle, enfin notre candidate ou notre candidat à la présidentielle bénéficierait d’un appui supplémentaire considérable.
Après l’élection d’une ou d’un Président socialiste au printemps 2012, le travail législatif serait grandement facilité, le Sénat ne retarderait plus l’adoption des lois comme il l’a fait par le passé, notamment lorsque Lionel Jospin était Premier ministre.
La politique choisie par les Français pourrait être ainsi plus rapidement mise en œuvre par le gouvernement de gauche.
De profondes révisions de la constitution seraient également possibles, le Sénat n’y opposant plus son « veto ».
Il n’est donc pas étonnant que le pouvoir actuel et les médias qui sont à ses ordres observent un quasi-silence sur ces élections, ses enjeux et les conséquences qui en découleraient. On voit même un « journaliste », à quelques heures du grand jour, s’intéresser non pas à ces élections mais au coût des billets d’avion d’une mission sénatoriale…
Le Sénat, avec une majorité de gauche, présidé par un président de gauche, sera d’un grand poids pour œuvrer dans la bataille présidentielle et un soutien précieux pour le prochain gouvernement de la gauche rassemblée.
Jean-Pierre DEMERLIAT
Tags: élections, Jean-Pierre Demerliat, Sénat