J'ai dit que j'avais fait une promenade durant le week-end sans préciser où. D'abord, nous avons fait une halte à Lodève. Ce lieu est déprimant et je n'ai pas le souvenir de l'avoir vu sous le soleil, même lorsque, il y a quelques années, je n'habitais pas si loin que ça de ce bourg et que je m'y rendais plus fréquemment. Donc, samedi, le ciel était gris, comme d'habitude. Mais, ce qui nous poussa à nous rendre à Lodève, de faire un détour par des routes d'une tristesse à pleurer, c'est qu'il y avait la promesse de voir une belle exposition. D'ailleurs, c'est souvent le cas, dans ce lieu. Donc, nous avons fait un crochet sur la route pour voir l'exposition consacrée à Berthe Morisot.
Ciel gris, paysages alentour déprimants, mais une exposition très intéressante.
Je ne vais pas, ici, parler de sa peinture, d'autres l'ont fait mieux que moi. Ce qui est intéressant, c'est le rôle qu'elle a joué dans le mouvement impressionniste. D'abord, ce courant pictural était méprisé. Le
Larousse de 1886 en donne cette définition :
IMPRESSIONNISME :
Une catégorie de peintres dépourvus, pour la plupart, d'originalité et de talent, qui, ne pouvant être admis aux expositions annuelles des beaux-arts, réunissent leurs productions dans un local privé et les soumettent ainsi à l'appréciation du public.
Même s'il est souvent nécessaire de se référer aux définitions du dictionnaire, il n'est pas interdit de garder son esprit critique, vis à vis de certaines définitions, elles mêmes, faites par des êtres humains, qui donc ne peuvent pas faire preuve absolument d'objectivité, ni d'assez de recul par rapport à un fait artisitique ou historique. On a vu recemment la polémique qu'a soulevée la définition que donne le Petit Robert du colonialisme.
Le fait d'être une femme n'a pas simplifié son accession au statut de peintre. Au XIXè siècle, la femme devait se cantonner dans un rôle domestique et non professionnel. Être peintre, n'était pas la solution de facilité. Sa peinture n'était vue par ses confrères (du moins certains) ou par les critiques comme inférieure à celles de ses collègues hommes. On pouvait la trouver
"jolie" mais on ne lui accordait pas les mêmes qualificatifs qu'à ses confrères. Elle écrivit :
Je ne vois pas qu'il n'y ait jamais un homme traitant une femme d'égale à égal et c'est tout ce que j'aurais demandé, car je sais que je le vaux.
Ce sexisme existe aujourd'hui encore. Annette Messager en parlait il y a quelques mois lors d'une interview avec Laure Adler. Elle disait qu'aux Beaux-Arts, il y avait autant de filles que de garçons, mais par la suite, bien peu d'entre elles continuaient. Les contraintes familiales font passer l'art (aux yeux de la société surtout) en deuxième position. Elles abandonnent, on ne leur donne pas le temps, on ne voit pas ça d'un très bon oeil. Une femme ne pourrait pas abandonner ses enfants pour assouvir un besoin d'expression artistique, alors que l'homme qui le fait est plutôt classé dans les artistes tourmentés. Notre société a-t-elle tant bougé depuis l'époque de Berthe Morisot ?
L'exposition dure jusqu'au 29 octobre. Il ne faut pas hésiter à aller à Lodève. Les oeuvres présentées sont abondantes, bien documentées. C'est l'occasion de découvrir cette artiste toujours en retrait dans notre mémoire par rapport à ses amis impressionnistes.
Et avec ça, je ne vous ai toujours pas dit de quel port il s'agissait.