Vue sur le rio S.Boldo depuis le sotoportego de la calle de Mezo
à l'arrière les ponti Storto et les ponti Storto et del Modela
Le labyrinthe n'est pas une construction mythique qui mènerait à un centre secret, ni une figure de notre perplexité. Epousant la configuration des îlots, il rassemble dans un espace réduit les combinaisons les plus complexes des voies aquatiques et terrestres.
Qu'y cherche le voyageur, sinon à voir ce qui peut se voir. Il veut gagner cet endroit, et il lui faudra faire maints détours avant d'y arriver, découvrant des signes qu'il n'attendait pas. Chaque instant en appelle d'innombrables autres, et cette manière d'initiation, cette dérive contrôlée, est un jeu de masques où alternent le visible, l'invisible.
Il voit des grilles murées sur leur silence, des fenêtres scellées avec la brique. Les perrons sur l'eau ne conduisent nulle part. Il croit s'être fourvoyé dans une impasse, mais se présente une issue : un dégagement dans un boyau latéral, un pont en répit des calli tortueuses et obscures, une trouée de lumière sous un porche, la bouffée d'air soudaine d'un campiello. Et comme cela se répète plus ou moins, jamais identique ni tout à fait différent, il peut se figurer ce qu'il ne peut atteindre.
Le voyageur doit trouver son allure, construire sa marche. Tout se conjugue dans une sorte de présent éternisé qui énivre. Les murs racontent une histoire qu'il suppose, en partie, ressembler à la sienne - surfaces aux suggestions inépuisables, ce ne sont que des murs qui font des vagues... Et les ponts aussi rythmet sa traversée : il ne cesse de monter, de descendre...
©Bernard Neau, Venise Miroir des Signes