La désobéissance civile

Je m'étais promis de faire l'acquisition d'un manuel sur les champignon afin de pouvoir mettre un nom sur ceux que j'avais rencontrés. Alors, j'entrais dans une petite librairie dont j'ignorais, jusque là, l'existence. Dans la rue du Valat à Laguiole, la devanture est à l'ancienne. Une bonne part des rayons est consacrée au régionalisme, un rayon jeunesse est pas mal fourni non plus, mais aussi, il y a un secteur sciences humaines qui est assez pourvu. Il trahit peut-être la formation initiale de la jeune libraire ? Je venais chercher un livre sur les champignons et a priori n'étais pas intéressée par ce rayon. Mais, le piège d'une librairie fait qu'il y a toujours quelque chose avec laquelle on accroche. Là, ce fut le cas. C'est le titre qui m'a attirée : La désobéissance civile d'Henry Thoreau. À l'heure d'une campagne électorale où on nous rabat les oreilles avec l'ordre juste et d'autres concepts aussi peu excitants, en lisant la quatrième de couverture, et en particulier cette phrase : " Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins.", je me suis : "c'est de ça dont j'ai besoin en ce moment." Thoreau écrit : Je pense que nous devons être des hommes, des sujets ensuite. Il dénonce les lois faites par les États, les gouvernements et qui n'ont rien à voir avec les aspirations d'un peuple, ou plus spécialement des Hommes. Tous les serviteurs de l'état ne sont plus des Hommes. La masse des hommes sert l'État de la sorte, pas en tant qu'hommes, mais comme des machines, avec leurs corps. Ils forment l'armée de métier, ainsi que la milice, les geôliers, policiers, posse comitatus, etc. Dans la plupart des cas, il n'existe aucun libre exercice du jugement ou du sens moral ; mais ils se mettent au niveau du bois, de la terre et des pierres ; et l'on pourrait réaliser des hommes de bois qui rempliraient aussi bien cette fonction. Ils ne méritent pas plus de respect que des épouvantails ou un étron. Ils ont la même valeur que des chevaux ou des chiens. Pourtant, ce sont de tels êtres qu'on juge communément de bons citoyens. D'autres -comme la plupart des législateurs, politiciens, juristes, ministres ou fonctionnaires- servent l'État surtout avec leur tête ; et, comme ils font rarement la moindre distinction morale, ils risquent tout autant de servir le Diable, sans en avoir l'intention, que Dieu. J'ai trouvé très intéressant ce passage sur les serviteur de l'État. J'ai pensé à tous ces jeunes, autour de moi, qui le bac en poche, se précipitent, largement encouragés par les parents, avec plus ou moins de succès vers science-po. En cas d'échec, on se tourne vers le droit (ça débouchera bien vers un concours administratif !). Cet engouement de la jeunesse pour ces filières m'étonne. Envisager à 20 ans, de faire carrière dans une administration, à l'échelon le plus élevé si c'est possible est le rêve d'une génération ? Non, les manifs contre le CPE n'étaient pas un début de révolte. On peut dormir tranquille. Les meneurs intégreront une administration, pourquoi pas une préfecture, le bureau où on décide d'expulser des sans-papiers ? J'y vais fort mais pourquoi pas. On peut me sortir le discours que dans une société, il faut une adminsitration qui fasse appliquer les lois etc, etc. Mais, si à 20 ans on en est là, c'est à désespérer de l'avenir. L'idée de désobéissance civile est utilisée aujourd'hui par les faucheurs d'OGM et d'autres associations altermondialistes. C'est aussi la désobéissance civile qui empêche certaines expulsions décrétées par de "bons" serviteurs de l'État et exécutées par ceux que Thoreau surnoment les épouvantails ou les étrons. Il n'est qu'à lire cet article de Libé pour avoir un exemple concret de ce qu'il dénonce. Cela reste, cependant, très marginal. L'ordre juste est plus dans l'air du temps et les candidats à l'élection présidentielle ne s'y sont pas trompés.