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Lettre sans correspondance 1

Publié le 22 septembre 2011 par Xavierlaine081

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Voilà nous y sommes. Mes pas n’ont fait que croiser une boite aux lettres géantes, devant des portes fermées. Mes yeux ont lu avec attention les bribes de Jules Mougin[1], en priant qu’il ne prenne pas ombrage de se trouver affiché aux vitrines du commerce triomphant. Je n’avais aucune raison de passer par le centre où se préparait la fête, à grand coups de marteaux et dans la fébrilité d’une foule bénévole. 

Pour une fois, j’avais pris mes précautions. Par l’entremise de mon libraire préféré, j’avais obtenu dès le mois de juillet la liste provisoire des auteurs invités et de leurs ouvrages et avais commencé mes emplettes, à en faire frémir banquiers et comptables. 

Et j’ai lu, lu avec l’espérance éphémère de me rendre libre, ne serait-ce que pour errer un peu par les rues, attentif à cette exubérance littéraire tombée du ciel sur ma ville d’ordinaire si calme et déserte. 

J’ai imaginé lire ce qui me tenait à cœur, dans un élan de liberté totale, puisque l’an dernier, je m’étais senti si mal accueilli. Alors j’avais rêvé m’installer ici ou là et lire, pour le plaisir de lire à haute voix, sans autre ambition que ce partage. 

D’autres choses sont venues qui auraient pu soulever un peu d’enthousiasme si… 

Parce que, je ne sais pas vous, mais moi, j’ai de plus en plus l’impression de ne rien comprendre à l’engrenage qui m’emporte : ce sentiment de devoir toujours travailler plus, en gardant un œil constamment au compteur bancaire, craignant la menace du coup de téléphone meurtrier me demandant de trouver les sous qui font défaut, et cette difficulté constante à jouer les équilibristes pour éviter une chute dont rien ne permettrait plus, à mon âge de dire qu’il serait possible de s’en remettre… 

Alors voilà, fatigué, je me suis offert une semaine de farniente à domicile en juillet, et les charmes d’un camping perdu en haute montagne, dans l’arrière-pays, et la contrainte brille laissant la passion faire grise mine à ses côtés. 

Certains viendront me dire que la passion n’est pas comptable et peut-être auront-ils raison. Reste qu’au cauchemar de devoir me justifier sur ma vie, je préfère un fragile équilibre, même s’il me faut monter la côte en danseuse. 

Alors, prendre encore du sans solde pour aller écouter les écrivains que j’ai eu le bonheur de lire, au risque d’être déçu comme j’ai pu déjà l’être : pfff ! 

Et plus j’écris, et plus je m’interroge sur cette nécessité médiatique de faire du bruit, de faire parler de soi, de devenir le support du livre comme marchandise, l’homme sandwich de sa propre création, le footballeur que des équipes éditoriales se disputent… 

La littérature est-elle bien là ? Ou, devant le tapage, s’est-elle déjà réfugiée ailleurs, dans des souterrains de liberté où bien sûr, celui qui écrit les mots avec ses doigts en bave, langue tirée pour tenir debout contre vents et marées, dans un monde qui ne connaît de la création que son versant de rentabilité économique. L’homme de lettre est-il compatible avec l’homo économicus ? 

Je ne sais pas, je n’ai pas la réponse, juste la question… 

Xavier Lainé

Manosque, 21 septembre 2011 


[1] Exposition « Jules Mougin, le facteur étoilé », Fondation Carzou, rue des Potiers, de 10h à 18h, jusqu’au 30 octobre


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