Et une entorse de plus au slogan de campagne de Nicolas Sarkozy, qui promettait une « République irréprochable » : le Président a nommé à la Cour des comptes une de ses conseillers, Cécile Fontaine, en s’asseyant à la fois sur l’avis défavorable du chef de la juridiction et sur ses usages historiques.
Rue Cambon à Paris, où siège l’institution comptable suprême de la France, ce double camouflet – absolument légal – n’est pas passé du tout. Au point que l’association des magistrats et anciens magistrats de cette Cour plutôt discrète a publié un communiqué, révélé par Marianne2.fr.
Pour comprendre ce qui pèche dans l’arrivée de Cécile Fontaine, énarque de 40 ans, jusqu’ici « conseillère défense,
finances publiques et réforme de l’Etat » à la présidence de la République, il faut revenir sur le processus de son arrivée.
« Les avis défavorables sont extrêmement rares »
Quand l’exécutif souhaite nommer quelqu’un à la Cour des comptes, il utilise le « tour extérieur », qui l’oblige
à soumettre cette nomination à l’avis du patron de l’institution.
Le premier président Didier Migaud a donc sollicité l’avis du procureur général, puis ceux des huit présidents de chambres. Migaud a ensuite décidé de rendre un avis défavorable. Négatif donc, mais seulement consultatif, ce dont a profité l’Elysée.
Tenu au devoir de réserve, l’ancien député socialiste ne s’exprimera pas sur cette nomination controversée. Le président de l’association des magistrats, Jean-Luc Lebuy, rappelle à Rue89 que « les avis défavorables sont extrêmement rares » :
« A ma connaissance, le dernier remonte à 1999, quand Pierre Joxe était premier président. L’exécutif l’avait respecté en nommant finalement le candidat au Conseil d’Etat. »
Il s’agissait du chiraquien Patrick Stefanini, ex-directeur adjoint du cabinet de Juppé à Matignon, condamné plus tard dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Elle gagne dix à quinze ans d’avance sur ses collègues
L’avis de Didier Migaud n’a pas à être publiquement motivé ; il figure simplement dans le décret de nomination de Cécile Fontaine. Officieusement,
cette décision rarissime de s’opposer à l’exécutif a été prise pour deux raisons :
- la nouvelle magistrate comptable pourrait être amenée à contrôler des dossiers qu’elle a gérés quand elle était à l’Elysée ou dans les six cabinets ministériels (tous à Bercy) où elle a successivement travaillé entre 2004 et 2007 ;
- elle arrive directement au grade de conseiller-maître, six jours après avoir fêté ses 40 ans.
Soit six jours après l’âge minimum légal. Mais ce niveau, les magistrats l’atteignent normalement autour de 45 ans quand ils ont rejoint la Cour des comptes à leur sortie de l’ENA, et entre 50 et 55 ans quand ils sont nommés au tour extérieur, comme l’ex-conseillère de Sarkozy.
Selon un magistrat qui requiert l’anonymat, il ne faut pas voir dans cette règle une coquetterie corporatiste :
« C’est une question d’expérience. Normalement, un conseiller-maître est soit un magistrat de la Cour ayant fait ses preuves, soit un haut-fonctionnaire ayant au minimum dirigé une administration centrale.
Je n’ai rien contre Cécile Fontaine, mais elle est loin d’avoir l’expérience requise. »
Un projet de loi, issu d’un travail de Philippe Séguin et validé par le gouvernement, prévoyait de porter l’âge minimal pour atteindre le grade de conseiller-maître à 45 ans. Heureusement pour Sarkozy et Fontaine, il n’a pas abouti.
« Je veux que les nominations soient irréprochables »
A la Cour des comptes et ailleurs, on s’amuse à reprendre l’un des slogans phares de la campagne de Nicolas Sarkozy en
2007 : « Je veux une République irréprochable. » Moins de trois semaines après la nomination d’une autre conseillère de l’Elysée, Catherine Pégard, à la tête du château
de Versailles.
Dans le cas de Cécile Fontaine, trois phrases sont particulièrement appropriées :
- « Je veux que les nominations soient irréprochables. »
- « Je veux changer la pratique de la République. »
- « Au fond, je souhaite, si vous me faites confiance, être le Président d’une démocratie moderne, qui sera exemplaire au regard du monde. »
Sur ce dernier point, notons que si elle est bien une autorité indépendante de l’exécutif, la Cour des comptes ne peut pas imposer ses avis au pouvoir. « C’est une règle que nos homologues des juridictions étrangères, où c’est le contraire, ne comprennent pas », regrette Jean-Luc Lebuy.
Par Augustin Scalbert pour Rue89
Merci à : Section du Parti socialiste de l'île de ré