Rentrée des classes pour CPA, “déplacé” de Damas à Beyrouth pour des raisons qui sont facile à deviner… L’occasion de modifier un peu la formule de ces chroniques, moins synthétiques mais davantage en lien avec l’actualité, à l’image de ce qui vient ci-dessous… Les commentaires sont toujours bienvenus !
Au moment de la rédaction de ces lignes (tôt ce mercredi matin), il n’y avait toujours pas grand chose dans les médias, en dehors du monde arabe, à propos d’une nouvelle pourtant de très grande importance pour la région. Une requête matinale sur Google en français avec les termes Wadah Khanfar (وضاح خنفر), sans doute le plus influent de tous les journalistes arabes, ne renvoyait encore qu’au site de Radio mosaïque en Tunisie. Pourtant, depuis 24 heures, une bonne partie des médias arabes commentaient la démission de celui qui fut, pour une grande part, l’artisan du succès d’Al-Jazeera durant toutes ces dernières années. Celui que le magazine Forbes considérait il y a peu encore comme “une des personnes les plus puissantes au monde a en effet quitté la chaîne pour laquelle il travaillait pratiquement depuis sa création en 1996 et dont il était devenu le directeur général en 2006.
Démission surprise, que rien ne semblait annoncer même si l’intéressé affirme qu’il y pensait depuis plusieurs mois. On notera malgré tout qu’elle arrive le lendemain ou presque de la publication d’un document Wikileaks mentionnant le fait que l’ex-directeur général d’Al-Jazeera, à la demande des USA, avait accepté de sérieusement édulcorer un reportage sur les exactions de leurs troupes en Irak.
Une nouvelle surprise des Wikileaks qui oblige à s’interroger sur le bien-fondé des analyses qui affirment régulièrement que la plus puissante des chaînes d’information dans le monde arabe est passée sous l’influence de l’opposition religieuse (les “islamistes”), notamment sous le règne de Khanfar… De ce point de vue, son éviction serait un coup d’arrêt à ce que certains analysent comme “l’islamisation des médias arabes” (?). Une lutte d’influence symbolisée par le départ de Wadah Khanfar, qui ne pourrait que profiter à son “rival”, Azmi Bishara (عزمي بشارة , autre Palestinien, ancien député à la Knesset israélienne aujourd’hui directeur du Doha Institute, un think tank financé par les autorités du Qatar).
Quand on regarde Al-Jazeera (en langue arabe) aujourd’hui, on est surtout frappé par le fait que la chaîne est certes très engagée sur les révolutions arabes, mais de manière extrêmement partisane. Sa couverture des événements, guère éloignée d’un simple discours de propagande dans certains cas, fait qu’elle apparaît de moins en moins comme la meilleure chaîne d’information de la région, et de plus en plus comme le bras armé médiatique de la politique extérieure du Qatar. Ce que pourrait bien conformer la nomination du nouveau directeur général, cheikh Ahmed Jassem Ben Mohamed Al Thani, un homme venu des milieux de l’industrie pétrolière, sans la moindre expérience des médias, mais fort proche du régime…