En proposant des services contre paiement en or, une société de courtage suisse redonne à l’or un véritable rôle de devise.
Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse
La nouvelle inattendue est tombée hier. Une société de courtage suisse, Six Securities Services, acceptera désormais les règlements en or. Mieux, elle donnera même des cotations en or.
Le règlement en or des transactions boursières – une première mondiale – sera bientôt possible en Suisse, a annoncé lundi à Zurich la société Six Securities Services, spécialisée dans les opérations post-marché (règlement et livraison des titres boursiers).
« C’est le premier système de livraison contre paiement en or dans le monde », indique la société dans un communiqué.
Concrètement, les clients désireux de régler des transactions boursières contre paiement en or devront disposer d’un compte en XAU (unité en or) auprès de Six Securities. Ils devront également s’assurer que leur compte est bien approvisionné.
La valeur d’une unité XAU est égale à celle d’une once troy d’or évaluée en dollars.
Sur la base de cette innovation, la Bourse suisse et Scoach Switzerland, la Bourse des produits structurés, prévoient d’introduire en octobre la cotation et le négoce de produits structurés libellés en XAU.
Selon un porte-parole de Six Securities, la société a décidé de lancer ce nouveau service en raison du gros intérêt en ce moment des investisseurs pour l’or, à la suite des « incertitudes sur les marchés ».
« Nous avons déjà trois devises de règlement, l’or est la nouvelle devise », a-t-il déclaré.
(communiqué AFP)
L’or est la nouvelle devise. Limpide.
Depuis la fin de la convertibilité-or et l’avènement de la monnaie-papier, les pouvoirs publics ont beaucoup lutté pour que l’or, moyen de paiement historique et naturel employé par l’humanité pendant des siècles, disparaisse.
Bien sûr, il n’était pas question de le faire littéralement disparaître, simplement de rendre inutilisable en tant que monnaie. Entre les États maintenant le monopole de la frappe, et une dévaluation continue de la monnaie fiduciaire donnant une valeur incommensurable au moindre gramme d’or, le métal précieux se retrouva peu à peu cantonné au célèbre rôle de « valeur refuge » sous forme de bijoux ou de lingots, en tous cas inutilisable sans passer par l’intermédiaire d’une monnaie fiduciaire.
En proposant des services contre paiement en or, l’ouverture de Six Securities Services lui permet d’endosser à nouveau son rôle de devise. L’or n’est plus une masse inerte.
Les agents du marché financier ont désormais la possibilité de faire des transactions d’actions ou d’obligations en dépensant de l’or-monnaie. Outre l’économie de change, la manœuvre leur permet également de travailler sans jamais s’exposer au risque des monnaies fiduciaires, dollar, euro ou livre sterling, adossées à rien et soumises à d’énormes manipulations monétaires.
Honnêtement, il faudrait être fou pour stocker des euros ou des dollars plutôt que de l’or. À moins d’y être obligé, comme le commun des mortels. Si vous êtes un professionnel de la finance, désormais, ce n’est plus le cas.
Je prédis un franc succès à la monnaie-or dans ce premier cercle – remplissant par là l’analyse de Hayek sur la Loi de Gresham. La bonne monnaie chassera la mauvaise à vitesse grand V.
Les cyniques ne manqueront pas de se gausser en clamant que tout ceci ne mène pas à grand-chose, qu’on est loin de payer son chariot de commission avec de l’or, etc. Ils ne réalisent peut-être pas que la brèche est ouverte. C’est tout ce qui compte. Si l’offre de Six Securities Services est appréciée, la concurrence proposera rapidement une offre équivalente, et l’usage de la monnaie-or se répandra comme un feu de brousse dans le monde de la finance.
Dès lors, le grand public sera affecté à son tour, ce n’est qu’une question de temps. Si les traders achètent et vendent des actions avec de l’or, si le cours des actions est indiqué en or, bref, si l’or est la monnaie de facto dans le monde professionnel, pourquoi les particuliers ne pourraient pas avoir un compte boursier libellé en or?..
Petit à petit, l’usage de la monnaie-or se répandra. Il y aura des obstacles, bien sûr. Dans la vieille Europe, on peut s’attendre à ce que les pouvoirs publics freinent des quatre fers pour empêcher leurs administrés d’utiliser une monnaie meilleure que les billets fraîchement imprimés qu’ils fourguent par palettes entières. Tel ou tel sage lancera un avertissement solennel, jugeant qu’il ne faut pas ajouter la « spéculation sur l’or » à la « spéculation financière », déclarations suivies du hochement de tête approbateur d’un public conquis. Les éditorialistes vilipenderont les utilisateurs de monnaie-or et les désigneront comme de maléfiques financiers apatrides. On connaît la chanson.
Il n’empêche. Ceux qui le peuvent choisiront, et je ne donne pas cher de la monnaie fiduciaire.
Ce qui sera un moment perçu et dénoncé comme un acte de défiance envers les Banques Centrales occidentales est en fait un changement complet de paradigme.
La prochaine mondiale ne sera pas le dollar, l’euro ou une nouvelle devise bâtie sur un panier de monnaies-papier (qui a dit « château de cartes »?) mais bien l’or.
Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Si en Europe ou aux États-Unis on brame pour sauver le papier, d’autres acteurs économiques se positionnent déjà pour demain, y compris des banquiers centraux. Cela paraît étonnant, mais n’oubliez pas que tous ne sont pas aussi stupides que ceux qui officient sous nos latitudes. Ainsi, la Corée du Sud a triplé ses réserves d’or cet été. La Chine n’est pas en reste. Ni la Russie. Les lignes bougent.
Si l’or redevient monnaie mondiale, il ne faut pas se voiler la face, il n’y en aura pas pour tout le monde.
Dommage que la BNS ait soldé la moitié de son or à vil prix il y a dix ans, n’est-ce pas, avec l’assentiment de l’entier de la classe politique! Mais ce qui est fait est fait. Saluons donc en passant la toute récente initiative de l’UDC pour que la BNS reconstitue ses réserves d’or. La Suisse a une petite chance de ne pas rater le train.
Oh, une dernière chose – contre de la monnaie papier, le cours actuel de l’or est élevé, c’est indéniable. Mais si vous pensez que l’or est cher, attendez de voir combien l’once vaut dans un an.
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