"La demoiselle d'honneur" de Claude Chabrol
(Sortie le 17 novembre 2004, 1H50, Avec Benoît Magimel, Laura Smet, Aurore Clément Bernard Le Coq etc)
Un film de Chabrol, c’est bien souvent la promesse d’un voyage dans la noirceur humaine, mais un voyage jamais ennuyeux et cette « demoiselle d’honneur » n’a pas dérogé à la règle. Ce voyage là nous emmène à nouveau dans l’univers de Ruth Rendell qui avait déjà inspiré « La Cérémonie » en 1995.
Dès les premières minutes du film le spectateur est happé par cet univers aux frontières du fantastique, dans une ambiance diabolique qui se reflète autant dans les tenues vestimentaires que dans le jeu ambivalent des acteurs interprétant des protagonistes dont on ne parvient à dire s’ils sont diaboliques ou angéliques, une ambiance mise en exergue par des travellings avant fantomatiques ou un décor angoissant, une cave de laquelle émane une lumière rouge et à laquelle on descend comme en Enfer… Tout concourt à créer une atmosphère qui, bien qu’inquiétante, donne envie au spectateur de s’y plonger davantage encore pour découvrir les clefs de cet univers alors si proche et si lointain. Chabrol sait mieux que quiconque montrer la passion et ses ravages et filmer la petite bourgeoisie de province et ses travers, ses défauts, ses petitesses ici notamment incarnés par la lâcheté de Bernard Lecoq. Dans cet univers Senta (anagramme de Satan) n’en apparaît que plus fascinante parce-que n’obéissant à aucune règle, aucune morale si ce n’est celles qu’elle s’est dictée ou plutôt que la passion (la folie ?) lui a dictées. Alors lorsque le taciturne Philippe fait la connaissance de cette étrange demoiselle d’honneur au mariage de sa soeur, il se laisse envoûter ignorant jusqu’où cela le mènera. Entre ironie et noirceur, portrait caustique de la province et peinture de la passion, nous donnant l’impression que tout peut basculer à tout instant comme dans « La cérémonie » et nous tenant donc constamment en haleine, Chabrol a signé un film caustique et inquiétant, envoûtant, savoureux et inclassable qui vaut réellement le détour. Saluons enfin le jeu de Laura Smet ambiguë à souhait et de Benoît Magimel, comme toujours magistral.