Palmarès des César 2005: décryptage...

Par Sandra.m
Après une ouverture starissime par la présidente de cérémonie Isabelle Adjani qui a par ailleurs courageusement tenu à rappeler le regain inquiétant d’antisémitisme en France, les César, 30ème du nom, ont débuté à un rythme effréné grâce à un Gad Elmaleh en pleine forme et un judicieux orchestre de jazz mais le rythme s’est malheureusement essoufflé en deuxième partie de soirée. Saluons tout d’abord le César du meilleur jeune espoir de Gaspard Ulliel, nominé pour la 3ème fois et enfin justement récompensé (à nouveau je ne saurais trop vous recommander Les Egarés de Téchiné). Le prix de la meilleure musique aux Choristes me semble également justifié, celle-ci étant protagoniste du succès du film (plus de 8 millions d’entrées en France). Les 4 prix attribués à l’Esquive (meilleur réalisateur, meilleur film, meilleur scénario, meilleure jeune espoir féminin pour Sara Forestier) me paraissent néanmoins exagérés (voir mon article précèdent sur les César) eu égard à la qualité relative de certains de ces aspects (à l’exception de la jeune actrice remarquable même si son interprétation frôle parfois la caricature) même s’il est tout à fait compréhensible que les votants aient voulu récompenser un film qui demeure très réussi malgré des moyens fort restreints. Peut-on néanmoins dire que A. Kechiche a fait preuve de plus de virtuosité stylistique de J.P Jeunet dans Un long dimanche de fiançailles? Il me semble que malgré la disproportion entres leurs moyens (et leur succès public, "L'esquive" ayant totalisé 300000 entrées mais ayant néanmoins remporté un indéniable succès critique) il soit difficile de l’affirmer, tout comme il est d’ailleurs difficile de comparer ces deux films. Peut-être l'Académie a-t-elle voulu saluer ainsi la direction d'acteurs, par ailleurs exemplaire dans "L'esquive" puisque A. Kechiche y met brillamment en scène des acteurs débutants ou amateurs?Un long dimanche de fiançailles aura de toute façon néanmoins récolté 5 César, essentiellement des César techniques ceux-ci étant en revanche guère contestables, cet aspect du film étant réellement admirable, et un César du meilleur second rôle pour Marion Cotillard en plus de celui de Gaspard Ulliel. Le prix du meilleur second rôle masculin est par ailleurs revenu à Clovis Cornillac. Le prix du meilleur acteur est revenu à Mathieu Amalric pour Rois et Reines pour son rôle d’Ismaël (voir mon article dans « actualité cinématographique » et dans « chronique littéraire »), celui de la meilleure actrice à Yolande Moreau pour Quand la mer monte qu’elle a co-réalisé avec Gilles Porte, ce César venant s’ajouter à celui du César du meilleur premier film, l’Académie saluant ainsi la mémoire de son producteur récemment suicidé, Humbert Balsan. Les Choristes, quant à eux ne repartent qu’avec deux César (meilleure musique et meilleur son). Souhaitons leur plus de chance aux Oscars pour lesquels le film totalise deux nominations (meilleure chanson et meilleur film étranger). Pour cette dernière catégorie il leur faudra faire face à Mar Adentro d’Alejandro Amenabar. Un long dimanche de fiançailles est également nommé deux fois (meilleur décor et meilleure photographie). Le prix du meilleur film de l’Union européenne a été attribué ex aequo à La vie est un miracle de Kusturica (prochain président du festival de Cannes) et Just a kiss de Ken Loach, deux habitués des récompenses festivalières et nationales, des récompenses amplement méritées. Le prix du meilleur film étranger est revenu à Sofia Coppola pour son sublime Lost in translation , une errance et un dépaysement dans Tokyo que je vous recommande vivement. Les deux « recalés » de la cérémonie sont donc 36 quai des Orfèvres d'Olivier Marchall(voir article dans « actualité cinématographique ») et Podium, premier film de Yann Moix , l’Académie ayant préféré saluer un cinéma indépendant et se démarquer ainsi du public, et souligner la dichotomie au sein de la production cinématographique et par la même peut-être faire un clin d’œil aux intermittents auxquels Lambert Wilson a par ailleurs consacré une sobre intervention. Philippe Noiret et Gérard Depardieu ont joué à merveille les complices de cérémonie, ce dernier venant remettre le César de la meilleure actrice, faisant ainsi un clin d’œil à son intervention impromptue et surprenante de l’an passé. L’hommage enlevé à Will Smith par Monica Belluci et celui légèrement plus décalé à Jacques Dutronc par Sandrine Bonnaire sont également venus ponctuer cette cérémonie inégale à l’image d’un cinéma français qui jongle judicieusement entre films indépendants et grosses productions, les César ayant préféré mettre l’accent sur les premiers : Quand la mer monte , L’esquive , Rois et reines . Les critères de ces César semblent donc s’être centrés sur la production : indépendante, courageuse, aux moyens restreints et relevant parfois du parcours du combattant. Rappelons enfin que Les choristes , certes très classique, n’en demeure pas moins une réussite exemplaire et rappelons également qu’il s’agissait d’un premier film…certes produit par Jacques Perrin…ceci expliquant peut-être cela… Enfin cette cérémonie était dédiée à Jacques Villeret et aux journalistes pris en otage en Irak, de nombreux intervenants arborant un badge à leur effigie nous rappelant ainsi que le cinéma français et ses protagonistes savent encore être « engagés » et que le septième art français est un univers en prise avec l’actualité et le quotidien à l’image des films primés. Sandra.M