Poulet aux prunes

Par Wherethemoviesare

Poulet aux prunes, réalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, avec Mathieu Amalric, Edouard Baer, Maria de Medeiros, Jamel Debbouze, Golshifteh Farahani… sortie cinéma 10/2011

Ce qu’il y a de merveilleux dans les histoires de Marjane Satrapi, c’est la façon dont sont mêlés réalité et fantaisie, vérité et burlesque, sérieux, rires et larmes. Ceux qui ont vu Persepolis savent que le style est unique, le discours personnel et habité, la réflexion ouverte et sensée. J’ai eu le privilège de voir, longtemps avant sa sortie officielle le 26 octobre 2011, le nouveau long-métrage des deux dessinateurs / réalisateurs / scénaristes Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, Poulet aux prunes. Et je dois dire que le cinéma porte à merveille leurs intentions, aussi bien peut-être que la BD originale.

Nous sommes à Téhéran, en 1958, et Nasser Ali Khan, violoniste surdoué, se laisse mourir. Son violon, celui que son maître lui a remis, a été brisé et aucun autre ne jouera jamais de la même façon, avec la même intensité. Son amour de jeunesse l’a à peine reconnu dans la rue, celui pour lequel il a joué toute sa vie sans jamais le revoir jusqu’alors… le cœur de Nasser Ali, lui aussi, est brisé. Sa femme et ses deux enfants sont impuissants, il mourra en huit jours, mais en attendant la mort dans son lit, il a le temps de penser à ce qu’a été sa vie et à ce que sera le monde sans lui.

Les thématiques m’inspirent : de la musique, des personnages blessés, de la mélancolie amoureuse et de la philosophie existentielle… Nous sommes loin des enjeux « géopoliticoreligieux » que pouvait décrire et ironiser Persepolis. Cette fois nous sommes dans un conte inspiré, humain, noir et fantasque à la fois. Azraël, l’ange de la mort qui viendra chercher Nasser Ali, incarné par Edouard Baer, raconte le « comment », puis le « pendant », puis la conclusion. Le « pendant » correspond aux huit jours séquencés en huit chapitres qui racontent, chacun sur une tonalité différente, une cause ou une conséquence de la mort de Nasser Ali. C’est cette diversité, cette richesse narrative, qui fait ce qu’il y a de si exceptionnel dans Poulet aux prunes. Ce mélange des langages cinématographiques pour raconter une grande histoire issue de plusieurs petits faits. Même s’il faut aimer l’originalité de cette réalisation mi-féérique mi-brouillon, si singulière et pourtant si géniale. Et côté casting, nous avons un immense Matthieu Amalric pour porter le rôle principal, une Maria de Medeiros exagérée mais touchante, et une Golshifteh Farahani à la beauté dévastatrice.

Poulet aux prunes prend sur la forme et le fond des allures d’Amélie Poulain avec un je ne sais quoi de « perse » et un propos merveilleusement noir. Mais c’est son grand final qui m’a le plus retourné émotionnellement. Je ne veux rien dévoiler, je veux simplement dire que j’ai eu les larmes aux yeux. C’est une fin déroutante, d’une beauté rare et éblouissante.

8/10

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