Magazine Cinéma
C’est de Paris que je reprends le récit de mes pérégrinations cannoises en espérant que mes souvenirs seront aussi fidèles que possibles à la réalité…ou à l’irréalité festivalière.
Cela deviendrait presque une habitude, délectable habitude néanmoins : vers 9H partir déambuler sur la Croisette direction le palais des festivals en se laissant guider par les premiers rayons revigorants du soleil, croiser déjà des hordes de festivaliers harassés (déjà aussi) , se plier aux contrôles de sécurité du palais, aller chercher au guichet son invitation ou ses invitations pour le(s) film(s) du jour, s’enorgueillir brièvement de sa chance et se réjouir du programme du jour puis se laisser emporter à nouveau dans le tourbillon festivalier avec cette délicieuse sensation que la vie s’y apparentera éternellement. Cette journée là n’est pourtant pas habituelle comme le laisse présager la présence majestueuse du Queen Mary 2 au large destiné à accueillir Georges Lucas qui y recevra le trophée du festival… Evidemment il fallait un bateau à la démesure de ses réalisations, la goélette locale aurait été trop discrète. Ce jour-là est donc celui de « Star Wars : episode 3-revenge of the Sith». Une sorte de frénésie incontrôlable semble s’être emparée de la Croisette. Dommage que les films en compétition ne suscitent pas une telle effervescence et une telle mise en scène. Les marches ont en effet revêtu leurs apparats de fête en accueillant un orchestre interprétant la musique originale du film tant attendu. Je ne partage pas vraiment l’engouement général, ou plutôt l’enivrement général devrais-je dire. Rarement une telle foule se sera pressée aux abords du palais, grisée par la présence de l'équipe du film: Portman, Lucas mais aussi celle de nombreux invités comme Sharon Stone. Beaucoup plus discrète sera la montée des marches du film en compétition qui y succédera : « Quando sei nato non puoi piu nasconderti » ( Une fois que tu es né…) de Marco Tullio Giordana. Je monte les marches à nouveau, marches aussi embouteillées que le métro aux heures de pointe pour cause de retard pris par la projection précédente, puis, fébrile, je prends place, non loin de l’équipe du film, espérant que ce film sera enfin celui qui réveillera Cannes qui me semble endolorie depuis le début du festival. Je songe avec nostalgie aux applaudissements effrénés et joyeusement interminables à l’issue de la projection du « Pianiste » de Polanski, de l’émotion palpable à l’issue de celle d’ « Elephant » de Gus Van Sant, à la tension précédant les premiers extraits de « Gangs of New York » de Scorsese, à la projection jubilatoire de « Playtime » de Tati, à tous ces instants qui ont laissé une trace indélébile dans ma mémoire de cinéphile et de festivalière, et où la salle vivait, vibrait à l’unisson. Je regrette même les sifflets suscités par Haneke et Vincent Gallo les années passées…Cannes semble avoir oublié ses élans passionnés…mais il reste encore une semaine de festival pour qu’elle émerge du brouillard duquel « Star Wars » l’a momentanément sortie.
Dans « Une fois que tu es né », un jeune garçon de 13 ans tombe à l’eau depuis le yacht familial et est récupéré par l’équipage d’un chalutier bondé de clandestins qui se dirige vers l’Italie, un voyage périlleux après lequel rien ne sera jamais plus pareil. J’aurais aimé me laisser emporter sur les flots par l’utopie de cette histoire, émouvante certes, mais je suis toujours restée sur la rive tant l’intrigue est abracadabrantesque et tant les personnages sont archétypaux avec idéalistes d’un côté et matérialistes de l’autre, un parcours initiatique à la morale stéréotypée effleurant timidement le thème de l’immigration ou celui de l’action humanitaire. Encore raté pour les débordements d’enthousiasme tant espérés…Peut-être les applaudissements se prolongent-ils un tout petit peu plus longtemps mais ce n’est pas encore la cavalcade exaltée. Je doute fort que le film figure au palmarès mais demain est le premier jour du reste du festival...alors tout est encore possible.
Sandra.M
(photo: le Queen Mary II au large de Cannes )