La fille qui avait assisté à une réunion Tupperware patronnée par Sainte-Fistule

Publié le 20 septembre 2011 par La Chose

Parce qu’une blogueuse populaire et adulée ne fréquente évidemment pas les mêmes cercles que toi et qu’elle aime te le faire subtilement sentir.

Hier, je suis allée à la réunion des parents d’élèves de Sainte-Fistule.
Les parents d’élèves de Sainte-Fistule, c’est souvent des gens qui rigolent pas beaucoup, j’ai remarqué ça. Tous les ans, ils se retrouvent avec les nouvelles maîtresses pour discuter du programme scolaire, du prix de la cantine et des problèmes de boisson du Père Gontran, qui est le curé de la paroisse de Sainte Fistule et aussi le professeur d’éducation religieuse (mais c’est pas obligatoire, c’est pour ça que Phlegmon a pris l’option piscine à la place).
La réunion des parents d’élève, ça dure toujours trois plombes et ça se termine toujours comme dans une B.D d’Astérix le Gaulois, avec des gens bien habillés qui s’envoient des cahiers et des livres « Jésus t’apporte la Lumière » à  la gueule.

Évidemment, cette année, ça n’a pas loupé.
Avec mon copain Gégé, on s’était mis tout au fond de la salle, pour que les autres parents ne soient pas vexés de nous voir faire un tournoi de Fruit Ninja sur nos téléphones. Mon copain Gégé, c’est le seul papa de Sainte-Fistule avec qui je peux discuter du dernier film de Rob Zombie et du prochain album de Basement Jaxx. C’est aussi le seul qui ne colle pas des baffes à Ted Bundy quand il lui visse sa truffe entre les fesses pour lui montrer tout l’amour qu’il a dans le dedans de lui-même.
Gégé, il était en train de me battre à plate couture (mais c’est parce qu’il avait eu des bonus « banane de la mort » et « pastèque-qui-ralentit-le-temps ») quand la maman de Pierre-Alain s’est levée en pointant son doigt vers le directeur de l’école, qui était en train de nous expliquer le coup des cartes de cantine avec la Vierge taguée dessus (« c’est pour responsabiliser les enfants, vous voyez? », il disait, et moi je voyais pas trop, non, s’il avait fait dessiner Sangoku et des petshops dessus, là j’y aurais cru, à son truc de responsabilisation des mômes, mais la Vierge, c’est un coup à ce qu’ils échangent tous leur carte de cantine contre des vignettes Panini de Zombieland).

- Monsieur le Directeur, a dit la maman de Pierre-Alain, avez-vous pris en considération mes remarques de l’année dernière concernant l’absence trop fréquente d’entrées dans les menus des enfants?

Elle s’est retournée vers nous, les autres parents, pour voir si on était grave d’accord avec elle. Moi j’étais en train de remonter mon score pourri grâce à une poire « fruit compte triple », mais j’ai bien vu que d’autres mamans hochaient la tête avec des regards comme si Dominique Strauss Kahn venait de leur offrir des fleurs. La maman de Pierre-Alain, ça lui a fait très plaisir et elle a dit, encore plus fort:

- Les entrées qui figurent dans les menus sont une occasion quotidienne de faire consommer des crudités à nos enfants! Les jours où vous n’en proposez pas, ce sont des jours sans crudités pour eux! Est-ce que vous savez à quel point les crudités sont importantes pour le développement de nos enfants? Sans crudités, ils manquent de vitamines essentielles à leur croissance!

Moi j’étais en train de trancher un pamplemousse à trente points et je faisais un beau doigt d’honneur à Gégé pour lui signifier amicalement qu’il était en train de perdre, et elle me gonflait, la maman de Pierre-Alain, à répéter crudités-crudités-crudités comme si elle récitait un mantra de la secte Moon, alors j’ai seulement fait remarquer, sans relever la tête de mon écran, que son gamin pouvait tout aussi bien manger des crudités le soir à la maison, que c’était pas si difficile que ça en avait l’air et qu’il suffisait de se sortir les doigts du fondement pour aller acheter deux tomates et trois carottes chez l’épicier Rebeu du coin de la rue.
Je sais pas si c’est l’allusion au fondement ou à l’épicier Rebeu (la maman de Pierre-Alain, elle va jamais chez l’épicier Rebeu, c’est sans doute parce qu’il fait pas de légumes bio), mais elle a poussé un couinement comme quand on attrape une souris par la queue et qu’on l’oblige à se balancer au-dessus de la gueule d’un chat (je le sais parce que Phlegmon elle kiffe ce jeu-là, ça la fait hululer comme une hystérique).
C’est là que le papa de Théo s’est levé pour dire à la maman de Pierre-Alain que ouais, quand même, elle commençait à gonfler tout le monde avec ses exigences de bourgeoise et que si ça lui plaisait pas, elle avait qu’à inscrire son fils à Sainte-Léonie, qui est une école très riche avec seulement des enfants qui arrivent le matin accompagnés par les chauffeurs de leurs parents qui travaillent trop. La maman de Pierre-Alain, elle s’est mise à hurler que j’étais une gauchiste et que le papa de Théo, c’était rien qu’un bobo à la con qui faisait manger du boulgour Max Havelaar à ses enfants. Alors là, la maman d’Elisandre, elle a pas aimé, elle s’est levée aussi et elle a crié à la maman de Pierre-Alain qu’elle était pas très charitable et que même Jésus il avait tendu l’autre joue. Le papa de Loïc, il a fait remarquer méchamment que Jésus n’avait jamais eu affaire à des gauchistes, que si ç’avait été le cas, il aurait multiplié une autre sorte de pains.

- Qui tu traites de gauchiste, facho? a crié le papa d’Alexandre.
- Facho, moi? a hurlé le papa de Loïc. Ça m’ferait mal!
- Justement, a dit le papa d’Alexandre, ça va t’faire mal!

Le Père Gontran, il essayait de calmer tout le monde, mais comme il était un peu bourré, il titubait et il arrivait pas vraiment à poser sa main sur l’épaule des gens. A un moment donné, il s’est cassé la gueule sur le pupitre de Marc-Antoine, le fils de monsieur et madame De Lagadec (qui sont des gens qui n’aiment ni les jeunes, ni les Arabes ni les chats). Le pupitre s’est ouvert et c’est à ce moment-là que tout le monde a vu le magazine avec les gros seins sur la couverture.
Madame De Lagadec, elle a fait le signe de croix et elle s’est caché les yeux, et son mari a commencé à réciter le Notre Père en tremblant et en jurant à tout le monde que c’était pas à lui que Marc-Antoine avait chouré le magazine, vu que lui il lisait seulement Scout d’Europe et Opus Dei Semper Fidelis, deux revues très saines. Moi je venais de battre Gégé sur un score final de 856 points contre 725 et j’étais plutôt jouasse, c’est pour ça que j’ai pas tout compris quand j’ai relevé la tête et que j’ai vu tout le monde en train de se foutre sur la gueule.

- Bah c’est bête, j’ai dit à Gégé, pourquoi il faut que les gens soient aussi violents?
- Je sais pas, a dit Gégé. C’est sûrement le même problème qu’avec la Saint-Barthélémy, Dieu dit un truc dans le combiné mais tout le monde comprend de travers, à cause de la friture sur la ligne, du coup ça fait des histoires.
- Ouais, j’ai dit, c’est dommage.

Et on est partis boire un coup chez Nénesse, qui est le barman du coin de la rue juste à côté de l’épicier.


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