La semaine dernière, j'ai ressenti un besoin compulsif d'équiper mon nouveau bureau en fournitures. Profitant de mon mi-temps et de la rentrée des classes, je suis allée à l'hypermarché du coin le vendredi matin. Accessoirement, je pensais que de bonne heure, je pourrais passer à travers les queues interminables. Mais je suis d'une naïveté sans limites, évidemment qu'il y a plein de gens qui vont faire leurs courses le vendredi matin au lieu d'être au travail (tandis que moi, je travaillais, nuance!). Tout le monde en RTT le même jour, et comme c'est la crise, les caddies sont pleins.
Justement, j'ai eu tout le loisir d'étudier les caddies pendant mes 20 minutes d'attente à la caisse. C'est Jules qui m'a donné ce goût de l'observation, on peut apprendre plein de choses sur les gens juste en regardant le contenu d'un caddie. Essaye, tu vas voir, ça vaut le détour. Il y avait un jeune couple devant moi, une petite vingtaine d'années, à peine. Tous les deux en RTT, je suppose, ils faisaient les courses alimentaires pour le week-end.
Dans le caddie, du soda, des plats préparés, quelques légumes, et tout, absolument tout à prix discount. Les premiers prix, quoi, tu sais, le pouce en l'air qui te dit que tu as bien vu le paquet tout en bas du rayon.
Je sais qu'il ne faut pas faire de généralités, mais cela génère toujours en moi des questionnements existentiels sur la façon de vivre des gens.
Tout d'abord, le culte du temple de la consommation me laisse plus que sceptique. J'aime bien faire du shopping à mes heures et flâner parfois dans les rayons, mais de là à le faire toutes les semaines, réglée comme une horloge, il faudrait me payer pour cela! Je trouve de plus en plus insupportables ces hangars où l'on trouve de tout, à profusion et où les gens se ruent juste pour le plaisir d'acheter, même à crédit, alors que certains galèrent pour payer le loyer à la fin du mois. Comprends pas.
Ensuite, je suis toujours surprise de voir à quel point les français se nourrissent mal. Mais vraiment mal. Je veux dire, il y a une époque où c'était à la mode, mais maintenant tout le monde sait que l'industrie agro-alimentaire est une vaste fumisterie qui se fiche éperdument de la santé du citoyen lambda. Comment peut-on sciemment laisser son argent à des commerçants qui vous vendent de la merde en boite, passez-moi l'expression. Je ne suis pas une ayatollah du bio et du naturel, loin de là, Picard fait encore partie de mes compagnons de fortune quand je rentre épuisée le soir et qu'il faut bien nourrir mes oisillons. Toutefois, j'essaye de faire en sorte que cela reste exceptionnel et, quitte à payer un peu plus cher et à manger moins en quantité, je préfère acheter ma viande chez le boucher, mon fromage chez le fromager, mes légumes sur le marché auprès du producteur local et mes oeufs sont bio, issus de poules élevées en plein air. Alors, c'est vrai, ça demande du temps. Pour prendre ce temps, j'ai un petit salaire, Jules aussi, je vis dans un petit appartement et je pars en vacances en France. Mais au moins, je mange BIEN et ça, ça n'a pas de prix.
Pour en finir avec mes réflexions, je ne peux m'empêcher d'imaginer que ce sont, encore une fois, les plus pauvres qui trinquent et qui n'ont pas les moyens de manger correctement. Ou peut-être n'ont-ils pas reçu l'éducation pour (moi non plus, d'ailleurs, avec ma culture ouvrière, je n'allais pas bien loin, mais j'ai eu la chance - car oui, pour moi c'est une chance - de rencontrer les bonnes personnes au bon moment, ce qui m'a permis de prendre du recul). Et ce monde qui marche sur la tête, ce foutage de gueule décomplexé de la part de ceux qui nous gouvernent me fatiguent et me pèsent de plus en plus. A l'heure où la malbouffe commence à faire des ravages sur la santé, on nous bassine avec des slogans pitoyables tout en nous balançant des publicités outrancières pleines de sucres et de graisses. Et que fait le Français? Rien, il se laisse faire, parce qu'il est devenu aussi mou du cerveau que la nourriture insipide qu'il ingurgite.
Cela me fait penser que j'ai très envie de lire le livre de Morgan Sportès, Tout, tout de suite, sur l'affaire Halimi : il y évoque un vide culturel en France et j'ai hâte de connaître son point de vue sur la question, j'ai bien peur de ressentir la même chose.
Oui, je sais, je passe du coq à l'âne. Quoi que.