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"Le rock français c'est comme le vin anglais".Cette phrase peu flatteuse pour nos musiciens est attribuée à John Lennon dans les années 60. Phrase cruelle, mais on peut tout de même s'empecher de se dire qu'elle est en partie justifiée.
Si on se replace dans le contexte de l'époque, John Lennon est alors le chanteur des Beatles qui remportent un considérable succès outre Manche, déchainant les passions, l'idolâtrie des foules et l'hystérie des femmes. De nombreux témoignages d'époque font état de concerts des Beatles et des Rolling Stones qui ne pouvaient s'achever devant la folie gagnant le public. La furie de cette musique commençait à se répandre. Et force et de constater que si l'émulation rock était à son paroxysme dans les pays anglo-saxons, la réplique française se faisait attendre, ou plutôt, la représentation du rock hexagonal était disons... pathétique.
La scène était occupée par des chanteurs autoproclamés rockers tels Eddy Mitchell, Dick Rivers et notre Johnny national. Car, au risque de me brouiller avec les fan de l'idole des jeunes, son élévation au rang d'icône du rock est aussi justifiée que le Chardonnay avec l'entrecôte maitre d'hôtel. Alors que les groupes se multipliaient ailleurs, le rock français était représenté par un crooner aux textes adaptés des standards américains des années 50. Avec 10 ans de retard, la France découvrait en version française les textes surannés du rockabilly. Degré zéro de la créativité, qui nous a offert de splendides reprises dont la plus fameuse aura sans doute été le "Hey Joe, dis moi comment ça va" reprise de la chanson de Hendrix par Johnny, monument de médiocrité.
Ainsi, tandis que le rock s'envole, fait sa mutation, explore de nouveaux territoires avec le psychédélique et le hard rock, la France reste cantonnée sur des standards médiocres et s'adonne aux joies des yéyés... John Lennon parlait donc sans doute en connaissance de cause. Sans doute flânant à Paris est il tombé au rayon d'un disquaire sur la production locale et en est resté étourdi... Avec raison. On a pourtant au tournant des années 80 constaté des changements. Sans doute avec l'amélioration des communications, les changements musicaux se sont plus vite propagés et la France n'a plus eu autant de retard. Il n'empêche que la production de ces 30 dernières années laisse à penser que la France ne sera jamais une place forte du rock. Aucune innovation majeure n'est jamais sortie des studios d'enregistrement français. A croire que les musiciens et les producteurs sont frileux à l'idée de proposer des projets novateurs. Pour des groupes comme la Mano Negra ou Noir Désir, combien de groupes médiocres, combien d'"artistes" prétendument rock ont alimentés le vivier inépuisable de la variété française... C'est là le mal de la musique française qui se contente de peu, et préfère la facilité à la créativité. A lire le palmarès rock des Victoire de la Musique, peu de vrais représentants de ce style y figurent...
Es-ce une fatalité? Le rock doit il éternellement rester une chasse gardée anglo-saxonne et un mystère pour nos musiciens? L'Angleterre elle a fait son choix, car en créant un diplôme d'histoire du rock, elle n'inclut aucune référence française... So long Johnny... La musique française, influencée par les chanteurs à texte, a tendance à privilégier ceux-ci au dépend de la musique. Beaucoup de musiciens de rock hexagonaux citent Brassens, Ferré, Gainsbourg dans leurs influences principales, tandis que les groupes anglo-saxons citent principalement des références rock multiples. La différence est peut être là, dans cette volonté à vouloir de manière quasi-systématique avoir un texte fort, alors que n'est pas Léo Ferré qui veut. Seul peut-être Noir Désir a vraiment réussi l'amalgame.
Finalement la phrase de John Lennon reste en partie d'actualité. Rassurons nous cependant, cela aurait pu être pire s'il avait comparé le rock français à la nourriture anglaise...