Le cyclisme tout obsolète qu’il soit fait encore parler de nos jours. Il est vrai que le mois de juillet y est propice avec le traditionnel défilé du tour de France sur nos départementales trop souvent galvaudées par les cohortes de touristes préférant à leur cadre bucolique les longues heures à se morfondre sur les autoroutes mazoutées (bref…). Le tour domine l’actualité et offre même une tribune à une personnalité reconnue comme Arno Klarsfeld. Cependant sa dernière chronique sur le Monde est à ranger dans les échos passéistes. Une tribune déplorant le dopage, une énième salve sur le peloton perfusionné peuplé d’indignes forçats…
Pourtant cette année, les défenseurs d’un sport propre ont vu des raisons d’espérer, et comment leur donner tort ? Pas de performances stratosphériques enregistrées. Tout juste un ballon australien, symbole d’abnégation et héraut non assumé d’un cyclisme propre franchissant en jaune la ligne d’arrivée.
Le temps d’un mois de juillet d’un renouveau espéré, le tour a retrouvé des airs héroïques. Andy Schleck sur les pentes de l’Izoard tentant une manœuvre désespérée à 60 km de l’arrivée, faisant flancher Contador, redevenu soudainement humain. Ce même Contador dont le Tribunal Arbitral du Sport dira bientôt s’il devra se cantonner à un régime sans viande bovine, après avoir chuté, douté, attaqua l’étape de l’Alpe d’Huez en s’échappant après 15km de route. Une course sortie des souvenirs de nos grands parents, vestige oublié d’une époque que l’on pensait révolue. Exploit énorme dont les plus grands détracteurs du cyclisme n’y voit pas un acte contraire aux lois biomorphique, mais exploit vain.
Car symbole d’un cyclisme peut être renouvelé, Contador à 2km de l’arrivée ne fut pas dépassé par une fusée texane mais bien par un français, lâché à la pédale dans une étape mythique par Pierre Rolland, et un cyclisme français enfin décomplexé.
En effet, largués durant les années EPO, les coureurs français se sont réveillés. Ce ne sont sans doute pas eux qui se sont améliorés, mais plutôt que la chasse au dopage organisé fini tout de même par payer, et que la France finit par retrouver sa place au rang des nations. Un Thomas Voeckler a tenu tête durant dix jours aux meilleurs et sans doute, avec une plus grande habitude et une plus grande résistance au stress, eut il pu prétendre pleinement à la victoire finale. Avec lui c’est 5 français dans les 15 premiers, inédit depuis 1991, et surtout, encore un symbole, le maillot du meilleur jeune pour Pierre Rolland.
Et comme il fallait un vainqueur, ce fut Cadel Evans. Souvent décrié et présenté comme un Poulidor en puissance, il décroche sa plus grande victoire alors que sa carrière s’approche de sa fin. Comment ne pas se réjouir de voir enfin un vainqueur que l’on ose espérer propre, que l’on sait avoir été mis au ban des équipes les plus sulfureuses parce qu’il ne s’adonnait pas aux pratiques. Un de ces anciens entraineurs disait de lui qu’il avait été longtemps sous estimé mais que l’avancée de la lutte contre ledopage le faisait enfin considérer à sa juste valeur.
Enfin, car le cyclisme le demandait, sans cesse troublé par des coureurs de laboratoires. Et le cyclisme a enfin renoué avec l’épique. Le regretté Laurent Fignon fustigeait l’année passé les petits leaders calculateurs incapables de se faire mal, cette année ils l’auraient enchanté. Les frères Schleck ont fait rêver en lançant des attaques insensées, tout comme Contador, et sont enfin entrés dans l’histoire. En effet jamais deux frères n’étaient montés sur un podium. Jamais également un second ne l’avait été trois années de suite. Nul doute qu’Andy Schleck, le nouveau Poulidor n’aura de répit qu’en gagnant ce tour un jour, comme l’a fait Evans après des années volées par des coureurs suspects.
Il ne faudra pas pour autant rester sur ce satisfecit. Les choses évoluent, les tricheurs sont pris, les moyennes baissent et la normalité revient. Mais le risque n’est pas pour autant écarté définitivement. En matière de dopage les tricheurs ont toujours des ressources insoupçonnées, mais gageons qu’ils sont en net recul. En attendant profitons du souvenir de ce Tour, qui a retrouvé son public et a offert du spectacle…