« Où vont les fleuves, je n’irai pas ; leur façon de descendre, très peu pour moi. Et je verrai bien si malgré tout, à la fin des fins, le canal que je creuse, si étroit et si obscur à l’origine, arrive ou non à une embouchure, à condition bien entendu qu’il y ait quelque part une embouchure ou une fin. » Et Lokenath Bhattacharya poursuit que cette affirmation l’a confronté à un torrent…
Le film d’Arun Halder, projeté lors de la rencontre poétique de septembre dans les locaux de Tiasci, fait entendre la voix du poète. Et il exprime alors cette ambiguïté qui résiste toujours entre la parole vivante et la parole morte, simultanées. Il parle du Gange et de la chambre, « espace limité, espace illimité » (c’est le titre du documentaire). Référence est faite à Rabindranath Tagore sous un arbre où il avait coutume de venir, mais il y a autre chose que de la vénération dans la poésie de Lokenath Bhattacharya. Il y a la question de la présence et de l’absence. Peu des auteurs que j’ai lus m’ont fait sentir de cette manière l’alliance du « oui » et du « non ».
Le film montre aussi Gérard Macé, traducteur de l’auteur bengali. Il dit que, pour lui, traduire c’est chercher l’esprit plutôt que la lettre, son travail partant du texte français proposé par Lokenath Bhattacharya. André Velter, quant à lui, raconte comment l’œuvre de celui-ci s’est propagée de proche en proche, soutenue par quelques éditeurs.
La soirée s’est achevée, ce soir-là, par une lecture du début d’un recueil, Le festin des mendiants, improvisée par un jeune homme qui venait pour la première fois à ces rencontres, originaire de Nouvelle-Calédonie. Lecture que l’un d’entre nous a qualifiée de mystique et qui nous a vraiment unis dans un recueillement qui vibrait de la parole de Lokenath Bhattacharya.