Le Mum Mam, par Pierre Alix

Par Alaindependant

A la mémoire du Docteur Jean-Pierre Decombas, qui savait lire entre les lignes

Le Mum Mam  

De douillets naïfs s’auto justifient parfois leurs carences, leurs excès ou maladresses. La surconsommation, peut leur fournir une bonne conscience de soi. Pour les esprits forts et les radins les supermarchés ont créé les caisses de moins de dix articles.

C’était un à côté altruiste du Mum Mam. Passaient là, effectivement des gens sans vindicte ou contestations suspendues aux carnets de chèques, voire aux cartes bancaires. A propos de ces dernières, certains les soupçonnaient, outre de renseignements collectés par leur agence sur leurs personnes, d’indices perçus par les Russes, la C.I.A ou de coercitifs régimes dictatoriaux.

Des SDF également y réglaient des achats de bières ou de nourritures pour animaux, avec parfois de peureuses paroles vis à vis des caissières. Elles avaient leur âge. Les glottes avalaient la salive. Les caissières des supermarchés pourraient constituer des panels de sociologues. Elles vendent, elles vendent…

Donc, si moins de dix articles, on passe à la caisse rapide, l’une des caisses rapides. D’abord une maman, avec son caddie anté- décadaire si on peut dire. Elle est la plus belle de la file. Elle a un piercing et un bec de lièvre. Les deux sont décoratifs. C’est ce que pense un monsieur dont la casquette stabilise les bons sentiments dans ses limbes cervicaux. La jeune femme est fringante. Elle pousse un bébé, assis dans le caddie.

Fleuron du lieu, il y a le caissier, intérimaire, lui. Est-ce que Dieu l’aime ?Si on pense que oui, Dieu n’a pas pu faire mieux. Oui, car une vieille fille se présente derrière le gus à casquette. Mais il y a la jeune femme au bébé. Elle doit avoir un joli museau de caniche nain en guise de clitoris. O, doigt minou, ma chérie. Mais le caissier ne dit rien. Il doit penser que la pauvreté est un péché, et il encaisse. Avec ordre de donner bonne conscience aux clients.

La femme-bébé-caddie intercale la barrette « client suivant » entre elle et la vieille fille. Celle –ci a des yeux de saurien laiteux. Aussi la jeune femme réfugie son regard sur son joli bébé assis dans le caddie. Cela lui donne bonne conscience. La bonne conscience s’attribue comme les bons points dans les petites classes d’autrefois. Elle n’est pas pour les laids. Mon bébé partons, roule, roule caddie chéri.

Aux alentours, les caisses traditionnelles finissent par enregistrer plus rapidement que la prioritaire de moins de dix articles. Car la vieille fille, sans bijou, au cou, qui puisse suggérer une connotation religieuse, explique à l’homme à la casquette qu’elle veut lui céder sa place. Or celui-ci vient de lui céder le passage. A-t-il l’air d’un « nanti » ? Il n’est nullement coupable d’une fortune illicite…ni de biens tangibles. Le péché originel ne le concerne pas…

La misère, et l’affection bafouée attirent les tracas. La vieille fille a mal à l’âme de voir que chacun joue et peut réussir à être soi-même. Ô, Monsieur, si vous saviez, vous accepteriez que je vous redonne ma place. Et que je vous explique. Je vais payer vos articles. Si, si. Non ?Oh, enfin payez-les ! Et écoutez-moi. Nous nous mettrons sur ce banc, là-bas. Il est libre.

Faudrait-il dire : « Pub pour tous, et Dieu pour personne ? ». Oh que le Catéchisme est lointain. Il en reste si peu sur le teint de parchemin biblique de cette personne. Elle se laisse expliquer par le bonhomme à la casquette, qu’il n’est ni homme politique, ni syndicaliste, ni médicastre, pas non plus curé. De toutes façons, il est athée. Si elle veut un service, qu’elle passe. Bien sûr si vous et lui-même aviez été jeunes, il ne sait pas très bien…De forts courtois gentilhommes offrent peut-être des caddies pleins à ras- bord à des jeunes femmes. Cela n’est le cas ni pour vous, ni pour moi.. Vous n’êtes encore pas contente. ? Vous voulez une fois de plus que nous changions ? Tenez ,voici la barrette ! Passez !Je n’y suis pour rien dans vos histoires Vous n’êtes pas contente de vos neveux  ? Moi c’est de mes nièces…Elles me trouvent brenneux. Si vous ne savez pas ce que ça veut dire, consultez un dictionnaire ou regardez votre chapeau…Ce qu’il a votre chapeau ? Un peu de bran !Mais passez donc. Et n’oubliez pas d’embrasser vos neveux. J’en ferai autant pour mes nièces. Non, je n’ai pas d’enfant.

Pierre Alix