Cette Russe, née en 1901 et morte en 1993, était une poétesse précoce. Elle a quitté sa patrie en 1921 avant son amant-homme de lettres Khodassévitch pour fuir l'étouffement qu'imporaient les Bolchéviques à la littérature.
Berlin, Prague, l'Italie, Paris: parcours d'une immigrée classique, point d'une constellation d'auteurs, d'artistes, dont Gorki, Prokoviev, Victor Serge, Nabokov... Les petits métiers littéraires se succèdent. La pauvreté, la misère sont constantes. Les amours se défont et le monde est sans lecteurs.
Dans ce milieu sans influence, coupé de tout et livré aux querelles intestines, Nina Berberova se peint comme une grande figure qui refuse la résignation, l'exclusion, le désespoir et cherche non pas le bonheur mais l'approfondissement, avec une énergie, une solidité, une constance rare.
Peu d'épanchements sur son œuvre, à peine citée et confidentielle longtemps, répandue seulement dans les milieux russes immigrés à l'époque où elle écrivait cette autobiographie (1960-1966).
Il aura fallu encore 20 ans pour que l'éditeur français Hubert Nyssen d'Actes Sud la découvre, la traduise, fasse de ses romans écrits 50 ou 60 ans plus tôt des succès de librairie. C’était dans les années 80 et 90.
Nina Berberova est alors devenue une star en France et une vieille dame très recherchée en URSS, et bientôt en Russie, où elle est retournée, pérestroïka oblige, et où la convoitait pour les souvenirs sur son enfance pétersbourgeoises et sur les gens qu'elle avait connus.
Dans son livre, très discret sur sa vie privée, évoquant à peine son intimité, décrivant un peu plus complaisamment les milieux littéraires russes immigrés qu'elle a traversés, elle cherche surtout, par l'écriture, à trouver le sens de son existence, à dégager une dynamique. On la perçoit qui s'interroge: mais qu'est-ce qui m'a poussée vers l'avant, qui m'a fait libre, qui m'a aidée à trancher des liens étouffants, à rebondir souvent, solitaire, dure, forte et compatissante?
Nina Berbevora, C'est moi qui souligne, J'ai lu