LUCERNE FESTIVAL 2011: Les WIENER PHILHARMONIKER dirigés par YANNICK NEZET-SEGUIN le 13 Septembre 2011 (MESSIAEN, SCHUBERT, DEBUSSY, RAVEL)

Publié le 20 septembre 2011 par Wanderer

J'ai voulu cette année faire connaître un peu mieux la génération montante des jeunes chefs, au rang desquels je compte encore (un peu)  Daniel Harding malgré une carrière déjà très engagée. Ainsi après Andris Nelsons et le Concertgebouw, j'ai entendu Yannick Nézet-Séguin, le jeune chef québécois qui semble exploser au box office des grands espoirs de la baguette avec les Wiener Philhamoniker; entendre à quelques jours d'intervalle le Concertgebouw et puis les Wiener (les Berliner étaient déjà passés fin août, c'est le privilège réservé à Lucerne).
Yannick Nézet-Séguin proposait un programme multiforme:  "Les offrandes oubliées", première oeuvre d'Olivier Messiaen, étaient suivies de la Symphonie inachevée de Schubert, et la deuxième partie était entièrement française, avec les Nocturnes de Debussy et "Daphnis et Chloé" de Ravel. Comme Charles Dutoit son compatriote, Yannick Nézet-Séguin travaille beaucoup le répertoire français. J'avais il y a quelques années beaucoup aimé son Roméo et Juliette de Gounod à Salzbourg, énergie, précision, sens du spectaculaire, avec à la clef un énorme succès.
Les qualités de ce chef sont indéniables. On y reconnaît beaucoup d'énergie, un geste très précis, un véritable accompagnement de l'orchestre. Incontestablement, on tient là un chef digne d plus grand intérêt. Les Offrandes oubliées, la première œuvre pour orchestre de Messiaen qui remonte à 1930 ouvraient la soirée. Trois moments qui s'enchaînent, le premier, la croix, lent, triste, avec des accents debussystes, le second, le péché, violent, très contrasté, très vif, le troisième, l'Eucharistie, revenant à un rythme plus retenu, le temps composant une sorte de méditation. L'orchestre de Vienne fait évidemment impression: des cordes époustouflantes, des flûtes à se pâmer, un ensemble de maîtrise technique qui accompagne les désirs du chef, de tout chef pourrait-on dire. Cet orchestre réputé très masculin affiche désormais quelques femmes, dont ce soir là le premier violon (sans doute Albena Danailova, qui n'est pas encore de fait aux Wiener, mais encore à la Staatsoper de Vienne).  C'est surtout la deuxième partie (le péché) qui ressort dans la manière d'emporter l'orchestre de Yannick Nezet Seguin. mais l'ensemble (12 min) montre un soin de la couleur et un travail approfondi des contrastes, même si la tristesse et la retenue ne sont pas à mon avis suffisamment mis en valeur.
La Symphonie Inachevée de Schubert, concession au répertoire traditionnel de cet orchestre d'exception, sonne magnifiquement, sans faire ressortir autre chose cependant que l'extraordinaire qualité de l'orchestre, l'interprétation d'un grand classicisme ne trace pas forcément un chemin nouveau. Alors on s'attarde sur les délices de l'écoute de l'orchestre, mais pas de grande surprise du côté de l'interprétation.
Même impression dans Nocturnes de Debussy, où là n'est pas vraiment dessinée une ambiance, un mystère, cela reste un peu extérieur même si l'exécution là aussi n'appelle pas de reproche (belle intervention du chœur, la Zürcher Sing Akademie sous la direction de Tim Brown). Le concert s'est terminé sur une belle interprétation de "Daphnis et Chloé" (2ème suite). Yannick Nézet Séguin est un bon spécialiste de Ravel qu'il programme assez souvent en concert et l'ensemble sonne avec vigueur, et un sens des rythmes particulièrement aigu notamment dans la partie finale. Pas de déception donc sur cette dernière pièce, mais  je reste cependant un peu sur ma faim. j'attendais de ce chef dont on parle beaucoup, dont j'avais déjà apprécié l'engagement, quelque chose de plus. Rien de comparable en termes de choc avec le concert de Nelsons. Je garderai cependant en moi l'extraordinaire son produit par les Wiener Philharmoniker, tellement maîtrisé, tellement charnu, qui laisse totalement rêveur. Beau succès du côté du public, sans excès.