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La piel que habito

Publié le 19 septembre 2011 par Acrossthedays @AcrossTheDays

LA PIEL QUE HABITO

A l’heure où la controverse relative aux « gender studies » semble occuper une large place dans les coulisses de l’Éducation nationale, Pedro Almodovar nous invite, à travers « La Piel Que Habito » (La peau que j’habite), à repenser les déterminants de la sexualité, du désir, de l’amour et de l’art.

La nouvelle adaptation cinématographique du réalisateur espagnol surprend, émeut, bouscule et dérange dans une société où la sexualité se meut à chaque coin de rue mais où ses interrogations (souffrances ?) sous-jacentes demeurent confinées dans les recoins de la sphère privée.

« La Piel Que Habito » est un thriller qui, aux premiers abords, n’apparaît guère original si ce n’est qu’il redécouvre à la fois le Mythe de Frankenstein (Mary Shelley) et celui du Golem (Maharal de Prague). Pourtant, Pedro Almodovar séduit par sa capacité quasi-organique de se renouveler dans le sens où il fait converger vers une histoire « simple » (a priori), toute la complexité, la noirceur et la profondeur des comportements humains.

Une intrigue morbide

Le docteur Robert Ledgard (Antonio Banderas) porte les stigmates du deuil de sa femme qui s’est suicidée après avoir subi une grave défiguration suite à un accident de voiture. Celui-ci entreprend alors de tester dans le secret absolu la création d’une peau artificielle dans un projet qu’il baptise du nom de son épouse défunte, Gal.

La victime du chirurgien fou (Vera, incarnée par la sublime Elena Anaya) est séquestrée dans sa luxueuse maison qui lui sert de laboratoire. Robert épie jour et nuit sa victime par le prisme de nombreuses caméras de surveillance et se garde de tout rapport avec elle. Vera est intrigante, résignée, vêtue d’une combinaison couleur chair qu’elle porte très serré et occupe ses sombres journées par d’interminables séances de Yoga.

A vous maintenant de découvrir dans ce puzzle entrainant, quel est le rapport qu’entretient Vera avec la mort de la femme du docteur Ledgard et le viol de sa fille, et pourquoi le docteur Ledgard témoigne t-il d’une aussi grande obstination afin de réaliser ses desseins scientifiques.

Le rapport au corps

Si pour Platon, le corps est une prison de l’âme ; pour Pedro Almodovar,  la liberté se veut beaucoup plus palpable, verace et signifiante entre les parois d’une geôle. En effet, c’est une perspective quasi-Nietzschéenne traduite par l’expérimentation du corps  que met à l’écran Pedro Almodovar dans « La Piel Que Habito ».

Autrement dit, à la sortie du film, l’on s’interroge sur la part non-réductible de l’identité  qui continue à subsister dans le regard de l’autre, quand bien même on aurait tout  perdu, y compris ses composantes physiques originelles.

Le réalisateur espagnol mettait déjà le corps à l’épreuve du désir dans « Parle Avec Elle » qui traitait de l’envie qui gagnait une personne pour une autre se trouvant dans le coma; puis dans « Volver » lorsque  le corps convoitait l’inceste et le mensonge et, enfin, dans « La Mauvaise éducation », les sévices sexuels bouleversaient la construction psychique de jeunes enfants.

Le rapport à l’art

L’enfermement de Vera servant de cobaye au docteur Frankenstein s’inscrit dans un débat artistique ne datant pas d’hier. Il s’agit justement de savoir si la souffrance est un préalable à la création artistique ou si la création artistique est le déterminant de la souffrance. Almodovar semble partisan de la première théorie, à savoir qu’en créant les conditions du repli intérieur de Vera, celle-ci découvre le Yoga, et  savoure dans un monde constellé de souffrances,  la plus précieuse des libertés irréductibles : la liberté artistique. Jugement moral que l’on peut également rapprocher du film « Fahrenheit 451 » de François Truffaut.

Il ne va pas sans dire que la transformation et l’enfermement quotidiens de Vera nous renvoie à la lecture de « La Métamorphose » de Kafka où Grégoire Samsa va de manière graduelle et au gré de ses souffrances, se voir réifié au même titre qu’un objet de sa chambre.

En bref 

La piel que habito est un film réussi qui renoue avec ce qui avait constitué le succès du réalisateur espagnol. Une adaptation qui culmine au rang de pièce-maitresse à l’orée des productions fades et des blockbusters hollywoodiens. 1h57 d’intrigue, de suspense, de rires, et de méditation crispées.

A voir rapidement en salle (pas après avoir regardé Dr House merci).

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