Alors que Rafael Nadal vient de montrer encore une fois l’étendue de son talent face à l’Equipe de France en Coupe Davis, je viens de terminer la lecture de sa biographie « Rafa, my story » écrit avec l’aide de John Carlin (qui n’existe cependant qu’en anglais pour le moment). Je voulais en savoir plus sur l’homme, sur le champion qu’il est devenu et sur l’origine de sa détermination qu’il nous montre sur le terrain du premier point au dernier point.
En lisant ce livre, je me suis dit que la trajectoire de Nadal est un peu une trajectoire manquée. Le premier drame de Nadal est d’avoir eu envie d’être footballeur professionnel (comme l’un de ses oncles) et qu’il ait eu à faire le choix entre le tennis et le football très tôt. Cette souffrance n’est peut-être pas pour rien dans sa soif de victoire absolue. A ne pas pouvoir réaliser son plus grand rêve d’être footballeur, Nadal a mis un point d’honneur à ne pas manquer son rendez-vous avec le tennis. Car il savait que quoi qu’il ferait dans la vie, il le ferait à fond.
On apprend que Nadal est un compétiteur né et qu’il l’a hérité de son père, entrepreneur qui lui a transmis la valeur du travail et de la réussite. En tout cas, il ne supporte pas de perdre et confesse que n’importe quel jeu suscite en lui l’envie de gagner. Il dit même que parfois c’est compliqué car même dans le golf, qui est un sport de détente, il n’arrive jamais à se « lâcher ». Ceci est peut-être à trouver dans sa personnalité décrite comme « anxieuse » par sa famille et ses amis. Nadal a de nombreuses phobies et peurs qu’il canalise avec l’énergie qu’il déploie sur le court. Un de ses entraîneurs le décrit comme « quelqu’un qui a besoin de tout contrôler, mais comme c’est impossible, il s’investit dans la partie de sa vie où il peut avoir le plus de contrôle, dans Rafa le joueur de tennis ».
On se dit donc que Nadal n’en serait pas là s’il n’avait pas rencontré quelqu’un comme lui qui a raté sa trajectoire. Son oncle Toni qui voulait être professionnel de tennis et qui n’a jamais réussi à percer. Leur équation a peut-être fait qu’à eux deux ils avaient à cœur de réaliser quelque chose de grand qui viendrait combler leurs souffrances internes. Toni se montrera très dur avec Nadal dès son plus jeune âge, ne cédant à aucun de ses caprices et ne s’est jamais montré satisfait de ses performances. Quand Nadal gagne, fait des exploits, Toni reste calme et le congratule à peine. Il le remet tout de suite dans le droit chemin : l’entraînement, pour être toujours le meilleur. Cette insatisfaction permanente de Toni a été contagieuse pour Nadal pour qui râter le moindre point est impensable. De même qu’au pic de sa carrière, il n’a cessé de s’améliorer, notamment dans son service et reste conscient de ses faiblesses. Carlos Moya parle de lui dans ses termes : « C’est un assassin sur les points cruciaux ; sa concentration est absolue et il a quelque chose que je n’ai jamais eu, une ambition sans limites. J’ai gagné un tournoi du grand chelem, j’étais heureux : le travail d’une vie était fait. Rafa a besoin de gagner toujours plus et il n’en aura jamais assez ».
Nadal n’a pas été footballeur, mais champion dans un sport individuel, et comme l’esprit d’équipe lui manquait, il a créé autour de lui un cocon familial mais aussi de spécialistes avec qui il partage tout. Il leur rend hommage aussi et on découvre ses relations avec les autres de son équipe et il avoue que sans eux il ne serait rien. On découvre un Nadal qui n’est pas un homme très indépendant et qu’il ne supporte jamais d’être loin des siens depuis son plus jeune âge. C’est même pour cette raison que Toni l’a pris sous ses ailes, car Nadal ne supportait pas de s’entraîner à quelques kilomètres de chez lui en tennis-études.
Pour comprendre le champion, il semble qu’il faille comprendre les liens extrêmement proches qui le lie à sa famille. Toute sa famille habitant la même ville, et presque confiné dans le même endroit. Nadal a été éduqué par ses parents et sa famille dans le respect de ses aînés, dans l’amour aussi et dans une famille qui l’a ainsi protégé du monde extérieur. Il parle aussi de sa petite amie, qui vient du même endroit que lui. Pour Nadal, qui a une vie aux quatre coins de la planète, et malgré son âge, vit une histoire d’amour depuis de nombreuses années avec une fille du village et il n’en saurait être ainsi. Nadal a besoin de stabilité plus qu’aucun autre et c’est ainsi que l’on comprend le ravage qu’a provoqué en lui le divorce de ses parents et les mauvaises performances et blessures qu’il associe à ce choc. Nadal découvre ainsi que ce cocon familial se fend et ne peut plus lui assurer la stabilité qu’il recherchait. A 22 ans, ses émotions ressemblent plus à celles d’un enfant qu’à un adulte qui a du mal à se confronter à la réalité de la vie.
Donc ce livre nous apporte beaucoup de réponses sur la vie de Nadal, sur les histoires avec Toni qui sont intéressantes et racontent bien l’ambiguïté de leur rapport et aussi sur les grandes victoires et défaites qu’il a vécu en parlant des matchs mythiques avec Federer ou Djokovic. Si sur le fond, il y a parfois quelques longueurs dans les descriptions de ses matchs ou de ses souvenirs qui n’apportent pas beaucoup d’informations, cette biographie nous livre quand même l’image d’un sportif hors norme et on ne peut que rendre hommage à ses énormes capacités psychologiques.
Enfin, il y a aussi un chapitre sur sa blessure au pied, celle qui a failli l’obliger à mettre un terme à sa carrière rapidement. Cette période fut cruciale, car il est tombé dans une dépression et n’avait plus le goût à la vie. On découvre un Nadal usé physiquement, qui repousse toujours plus loin la douleur physique et admet toujours jouer avec une gêne présente.
Je dirais que cette biographie de Nadal nous donne ainsi un grande leçon d’humilité et de courage, et surtout d’abnégation et j’invite de nombreux jeunes joueurs à la lire pour comprendre plusieurs leçons très importantes :
La leçon n’°1 est de toujours croire en ses chances : Après sa victoire à Melbourne sur Federer : « Pour moi, j’ai appris une grande leçon de cette victoire. C’est la leçon que Toni n’a cessé de me répéter depuis des années, mais je n’ai jamais vu combien c’était vrai jusqu’à maintenant. J’ai appris que tu dois toujours lutter, même si les chances de gagner sont minces, tu dois te pousser jusqu’aux limites de tes capacités et tenter ta chance. Ce jour-là à Melbourne, j’ai réalisé plus clairement que jamais, que la clé du jeu réside dans le mental, et si le mental est clair et fort, tu peux dépasser presque tous les obstacles, même la douleur. Le mental peut triompher sur tout le reste ».
La leçon n°2 est de rester au moment présent : « Le tennis réside dans la résolution d’urgences, une urgence après une autre sur une période de temps prolongée. Aucun point ne se ressemble, et des décisions doivent être prises constamment dans des fractions de secondes. Le joueur qui, quand il fait une faute est capable de ne pas rester fixé sur sa série de fautes, et qui, quand il fait un grand coup et qu’il est devant dans le set, est capable de contrôler son optimisme et de continuer à jouer d’une manière stable, jugeant chaque point indépendamment du moment, dans une rapidité et sous une pression brutale : ce joueur va se détacher des autres, et être un champion pas une seule fois, ni deux fois, mais pendant longtemps ».
La leçon 3/ L’abnégation:
« Le vrai test vient quand un matin, tu te réveilles après une courte nuit et la dernière chose que tu veux est de te lever et de t’entraîner, en sachant que tu vas devoir travailler dur et suer comme un fou. Il y a parfois un moment où l’esprit est divisé « Est ce que je dois zapper la séance aujourd’hui, juste une fois ? » Mais tu ne dois pas écouter les sirènes de ton esprit, parce que tu sais qu’elles t’emmèneront vers une pente descendante, dangereusement raide et glissante. Si tu flanches une fois, tu flancheras plusieurs fois »
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 28 septembre à 15:03
Hihi ^^