Jeudi 9 Mars 2006. 10h05. Arrivée à la gare de Trouville-Deauville. Deauville, matin calme. Deauville, pays du matin calme. Du soleil levant aussi. Pour quelques jours seulement. Du 8 au 12 Mars exactement. Je retrouve avec plaisir la rue centrale maintes fois parcourue, encore inanimée, ses restaurants à la mode qui s’éveillent doucement, au spectacle desquels je ne pourrai m’empêcher de contribuer ("nobody’s perfect", et puis c’est ma madeleine de Proust). Je m’étonne que la bannière étoilée ne flotte pas encore avec arrogance. Des drapeaux rouges s’y sont substitués. Certes, une petite brise de révolution souffle sur le Quartier Latin mais si Deauville était révolutionnaire, le devenait, ce serait là déjà en soi une autre révolution. Ah oui! C’est vrai, la bannière étoilée c’est en septembre. Le froid, cinglant, me rappelle que nous sommes en mars. Mars, mois du festival du film asiatique, depuis 8 ans maintenant. Deauville, ce matin est à l’image du cinéma qu’elle célèbre : paisible, ennuyeuse en apparence
mais au fond emplie de mélancolie, de poésie, de sens, suscitant de nombreuses émotions, poignantes, profondes. Vivante. Pas tonitruante, exubérante, insolente, superficielle, comme elle le sera en septembre. J’aime ses paradoxes. Mars et septembre. Festival du film asiatique et festival du film américain. L’un se dissimule, l’autre s’exhibe. L’un murmure, l’autre vocifère. L’un suggère, l’autre proclame. L’un poétise, l’autre dramatise. L’un est d’une lenteur signifiante, l’autre d’une vacuité expéditive. Vision caricaturale, je l’admets. D’ailleurs, les festivals sont aussi là pour nous affranchir des clichés et les films indépendants projetés au festival du film américain, ou la section Action Asia au festival du film asiatique en sont de parfaits exemples. La première projection est à 11H30. Je hâte le pas. Le festivalier, tout adepte du festival du film asiatique qu’il est, ne doit jamais oublier qu’il DOIT avoir l’air surmené, pourtant ce festival-là ne cède pas aux modes, pas à celle-là. Je ralentis. Je règle mon pas sur le pas de mon festival.
AV, film chinois de Pang Ho-Cheung, premier film de la compétition. Pour la poésie, il me faudra patienter. La patience est une des principales et indispensables vertus du festivalier, je patiente donc. Alors ! Alors quoi ? Ah oui ! AV. A dire vrai je ne me souviens que de ma quête inassouvie de poésie, d’un film s’apparentant à un film d’étudiants, une blague même, un court métrage devenu un long soporifique. Je l’oublie, l’ai déjà oublié.
Je passe au suivant : Yumeno, film japonais également en compétition de Yoshitaka Kamada qui nous fait suivre les parcours distincts de trois personnages que le dénouement réunira : le premier, Yoshiki, vraiment malchanceux,
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Le film suivant du coréen Hur Jin-ho a déjà un titre en forme de promesse poétique : April snow. In-su et Seo-
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Cette première journée de festival s’achève pour moi par la projection de Citizen dog du thaïlandais Wisit Sasanatieng qui nous dessine un univers délicieusement surréaliste peuplé de personnages truculents. Avant, je ne savais pas. Je ne savais pas que je pourrais un jour croiser un ours en peluche parlant abandonné qui devient SDF alcoolique. Je ne savais pas qu’une grand-mère transformée en crapaud pouvait sauver un jeune homme du suicide. Je ne savais pas qu’il existait des averses de casques. La magie du cinéma, du cinéma de Sasanatieng, un vrai cinéaste avec son propre univers, alter ego thaïlandais de Tim Burton, qui sait nous embarquer dans son univers aussi improbable puisse-t-il être, seule peut nous y faire croire. Une œuvre rafraîchissante mais pas seulement car pas totalement dénuée de sens comme cette gigantesque montagne de bouteilles en plastique finalement et malheureusement moins absurde qu’elle n’y paraît, faisant écho à des préoccupations bien actuelles, comme le réchauffement de la planète donc. Citizen dog sortira bientôt en France, distribué par Europacorp.
4 :30. Non pas l’heure indue de la projection suivante mais le titre du film suivant, film du singapourien Royston
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La séance suivante est consacrée à Ryuichi Hiroki à qui le festival rend hommage après l’avoir primé deux fois,
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Retour à la compétition avec Midnight my love, du Thaïlandais Kongdej Jaturanrasmee, dans lequel Bati, la quarantaine, travaille comme chauffeur de taxi à Bangkok. Lors d’une course, il tombe amoureux de Nual, une prostituée qui décide de le prendre comme taxi chaque soir en rentrant du « travail »… De rêve il est encore question. Dans ses rêves Bati s’isole, se camoufle, se drape, s’enfuit et s’enfouit si bien que lorsqu’un de ses rêves devient réalité, il prend peur . Bati vit dans le passé et par procuration. Il s’évade de la réalité en écoutant la radio qui passe de vieux disques et en regardant des soap-operas dont il s’imagine être le héros. Le silence, le monde dans
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De « love » il est encore question le lendemain, du moins dans le titre, celui du film du Taïwanais Wang Ming-tai , Falling…in love qui nous fait suivre la chute vertigineuse d’Alan qui tombe en enfer après être « tombé » amoureux, un amour déçu. Alan et Angel sont en effet maladivement amoureux. Belle, qui a été l’amour de jeunesse d’Alan, sort d’un mariage raté et loue une chambre à côté de celle d’Angel. Les deux jeunes femmes deviennent amies intimes et se racontent leurs vies amoureuses. Nous suivons donc l’errance et cette descente dans les bas-fonds de l'âme d’Alan qui ne parvient pas à oublier son amour pour Belle, tandis que Angel, comme son nom l’indique, l’attend sagement. Les couleurs sombres font écho au drame obscur qui se trame, à sa déchéance progressive, jusqu’à la chute fatale. Un film confus, glauque et désespérérant.
Il pourrait d’ailleurs être comparé au film suivant, également en compétition : The Peter Pan Formula, du Coréen Cho Chang-ho qui nous fait également suivre une autre déchéance, celle de Han-Soo, un lycéen promis à un grand
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Avec Perhaps love du Hongkongais Peter Chan Ho-sun le "perhaps" me fait craindre que ma quête de poésie ne soit encore qu’une illusion déçue, comme si ma réalité festivalière rejoignait un des thèmes principaux des films
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Les deux films suivants, projetés le dernier jour du festival, Shangaï dreams de Wang Xiaoshuaï et Dam street de Li Yu se ressemblent beaucoup. De par leur nationalité d’abord. Ce sont en effet deux films chinois. Ensuite, par le climat social répressif que l’un et l’autre relatent, cette vie quotidienne en apparence tranquille, en réalité suffocante. Le producteur de Dam street a d’ailleurs insisté sur le fait que la censure ne s’y était pas opposée, notable avancée, pour un pays qui , il y a peu de temps encore, aurait refusé ce film qui ne le glorifie pas vraiment.
Dans Dam street il s’agit donc de Xiao-Yun, une lycéenne de 16 ans qui vit dans une petite ville de Chine confrontée au climat social répressif des années 80. Elle est expulsée de l’école lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte mais elle décide néanmoins d’accoucher. La jeune réalisatrice nous dépeint les destins croisés de cette lycéenne dix ans plus tard et de l’enfant qu’elle ignore être le sien et qu’elle croyait mort. Des liens ambigus vont se tisser entre ces deux personnages en mal d’amour et de repères jusqu’à ce que la vérité éclate et rende cette belle relation impossible. Malgré la noirceur du sujet, Xiao-Yun a réussi un film empreint d’humanité mais surtout d’humour. Un portrait de femme et de la Chine émouvant et particulièrement réussi. Un film tout en nuances. A voir absolument.
Le second film chinois, présenté dans le Panorama, dont je vous avais déjà parlé lors du festival de Cannes 2005 et où lui avait d’ailleurs été décerné le prix du jury nous montre aussi un visage peu glorieux de son pays. Wang Xiaoshuai s’est ainsi réjoui qu « avec tous les changements en cours en Chine dans le milieu du cinéma les censeurs
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Heureusement le festival s’est achevé par un film magnifique et contrairement à son réalisateur, le coréen Chung Yoon-chui qui a déclaré qu’il aurait "préféré aller courir sur les Planches plutôt que de le présenter", ce film ne nous a pas fait regretter d’être là. Dans Marathon donc, vingt ans après sa naissance Cho-won, autiste, possède le niveau intellectuel d’un garçon de cinq ans. Sa mère se bat corps et âme afin d’insérer son fils dans la société et pense détenir la clef en découvrant sa passion pour la course à pied. Son ambition de voir un jour son fils courir un marathon la pousse à engager un célèbre entraîneur, autrefois champion du monde de la discipline. Cette décision marquera une rupture dans la relation fusionnelle entre
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Deauville. Lundi matin, 13 mars 2006. Les Planches sont désertes. Je repense à tous ces films qui semblaient se répondre comme une longue complainte. Celles de personnages qui n’arrivent pas à communiquer, qui errent égarés, qui courent après des rêves déchus, qui étouffent dans leur quotidien, autistes dans tous les sens du terme (deux
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A noter:
-Mes coups de coeur du festival du film asiatique de Deauville 2006: April snow, Citizen dog, 4:30, Perhaps love, Dam street, Shangaï dreams, Marathon.
-Ce festival du film asiatique de Deauville 2006 proposait cette année également un Village Asia, d'accès libre et
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- Si vous aimez le cinéma asiatique, du 14 au 28 Mars 2006, se déroulent les Reflets du cinéma coréen en Mayenne où vous pourrez notamment (re)voir le sublime Locataires de Kim Ki Duk projeté au festival du film asiatique de Deauville 2005, mais aussi des films projetés au festival 2006 comme April snow.
- Prochains festivals à suivre sur "Mon festival du cinéma":
Festival de Cannes 2006 qui se déroulera du 17 au 28 Mai 2006, au sujet duquel vous trouverez bientôt de nombreuses informations, sur ce blog.
Festival du film américain de Deauville 2006 qui se déroulera du 1er au 10 septembre 2006.
-Site officiel du festival du film asiatique de Deauville
PALMARES DU FESTIVAL DU FILM ASIATIQUE DE DEAUVILLE 2006
LOTUS DU MEILLEUR FILM - Grand Prix / Great Prize : DAM STREET de/by Li Yu (Chine / China)
LOTUS DU MEILLEUR SCENARIO - Prix du Groupe Lucien Barrière / Best Script Prize : MIDNIGHT MY LOVE de/by Kongdej Jaturanrasmee (Thaïlande / Thailand)
-Le jury composé de journalistes a décerné le prix suivant :
LOTUS AIR FRANCE - Prix de la Critique / Critic's Prize : CITIZEN DOG de/by Wisit Sasanatieng (Thaïlande / Thailand)
-Le jury Action Asia présidé par Jérôme Paillard, entouré de Ida Daussy, Julie Gayet, Olivier Megaton et Linh-Dan Pham a décerné le :
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Sandra.M