Le titre mondial couronnera-t-il la magnifique saison de Philippe Gilbert ?
Même s’il reste l’un des grands rendez-vous de la saison, le championnat du monde sur route n’est plus tout à fait ce qu’il était. En fait, les championnats puisque l’UCI attribue désormais deux maillots arc-en-ciel aux différentes catégories : contre-la-montre et course en ligne. Jadis tous les grands protagonistes de la saison s’y retrouvaient dans un climat de passion qui entretenait le suspense. On s’agitait dans les rédactions et les paris allaient bon train dans le public, réveillant le patriotisme, voire le nationalisme. Sur le terrain, c’était aussi et surtout l’affrontement de grands blocs : Italie, Belgique, France, Hollande, Espagne, ce qui engendrait de belles batailles, parfois aussi des courses bloquées, avec un résultat surprenant, ou favorisait une échappée au long cours comme celle qui permit à Adorni, en 1968 à Imola, de triompher en solitaire avec 9’50 d’avance sur le Belge Van Springel !
Il se confirme une fois encore qu’après le Tour de France le soufflé retombe vite, au grand dam des organisateurs de la Vuelta qui, en guise de préparation au Mondial, n’arrivent plus désormais à attirer au départ les grands noms de juillet. Cadel Evans (titre en 2009 à Mendrisio) est rentré en Australie, Andy Schleck est forfait à cause d’un problème de dent (que serait-il allé faire au Danemark ?), Contador n’a rien à attendre d’un tel parcours et Boonen est out suite à une fracture du poignet. Beaucoup renoncent à faire l’effort de prolonger la saison pour un résultat hypothétique et l’on est loin des magnifiques affrontements de jadis : la rivalité Anquetil-Poulidor qui a profité à Altig au Nurburgring en 1966 ; le duel Merckx-Gimondi en 1971 à Mendrisio ; le choc Gimondi, Ocana, Maertens, Merckx dans un final exceptionnel en 1973 à Barcelone ; le troisième titre de Merckx au détriment de Poulidor en 1974 à Montréal ; la démonstration de force de Hinault en 1980 à Sallanches ; l’avènement de l’Américain LeMond en 1983 à Altenrhein ; le coup de poker réussi du vétéran Zoetemelk (40 ans) en 1985 à Montello del Giavera, etc.
Avec la mondialisation et le régime des quotas, tout est différent, aussi. Pour accueillir de nouvelles équipes, l’UCI a limité le nombre de coureurs par nation et impose une sélection par points sur les résultats obtenus en cours de saison. La Suisse, par exemple, ne sera représentée que par quatre coureurs, dont Cancellara qui fait figure de favori aussi bien pour glaner un cinquième titre contre la montre, malgré Toni Martin, que pour la course en ligne. Difficile toutefois d’avoir un rôle majeur avec si peu d’équipiers et de ne pas miser sur la chance pour être à l’arrivée avec les meilleurs.
Depuis qu’il a été révélé, le circuit de Copenhague, sans grand relief (où le Mondial n’est plus revenu depuis 1956, soit 55 ans !), ne fait pas rêver. Réservé aux seuls sprinters, semble-t-il, comme en 2002 à Zolder (vainqueur Cipollini). Mais depuis que Paolo Bettini, nouveau responsable de la squadra azzurra, a modifié son opinion en raison d’une arrivée en faut-plat montant de quelque six cents mètres, les actions de Philippe Gilbert, grand dominateur de la saison et nouveau n°. 1 mondial, sont à la hausse. Idem pour Hushovd, le tenant du titre, malgré un refroidissement qui ne l’a pas empêché dernièrement de gagner une étape du Tour de Grande Bretagne. Pour ce qui concerne les sprinters, ils seront nombreux à se nourrir d’illusions : le jeune Sagan, Freire, Benatti, Eisel, Galimzyanov, Goss, Farrar et Cavendish, bien que ce dernier soit privé des services de Renshaw, son habituel équipier chez HTC, remplaçant dans l’équipe d’Australie. Quant à la France, elle semble armée pour pouvoir tenir son rang avec notamment Chavanel (quatre jours leader en début de Vuelta), Voeckler, le talentueux Offredo et éventuellement Dumoulin ou le rapide Romain Feillu, malgré le handicap d’une récente fracture de la clavicule au Tour de Pologne.
Il n’y a désormais plus que les médias spécialisés qui s’intéressent de près au championnat du monde sur route. Le constat est là. Trop d’absents, d’équipes décimées par la saturation, la fatigue, les blessures et la nature du parcours. L’aura de cette épreuve, qui a couronné la plupart des grands champions du cyclisme (de Binda à Bettini, en passant par Magne, Van Steenbergen, Kubler, Coppi, Bobet, Van Looy, Simpson, Roche, Bugno, Armstrong et ceux déjà cités) s’en est allée avec la refonte du calendrier qui l’a reléguée en fin de saison. Elle est devenue une course comme les autres, comme il y en a beaucoup de janvier à octobre. Trop pour le grand public, hélas.
Bertrand Duboux