[ Critique dvd] 21/09 Le gamin au vélo

Par Gicquel

Dilemme : comment parler de ce film en ignorant la distinction cannoise ? Intrinsèquement, j’imagine que le Prix du Jury est un brin usurpé, d’autant plus qu’il ignore royalement la fabuleuse composition d’un enfant de douze ans Thomas Doret, qui tient le rôle titre et le film tout entier sur ses épaules.

Bien évidemment, j’imagine que le coup d’œil des frères Dardenne n’est pas étranger à cette interprétation sans reproche. Ils ont su construire un personnage et le mener de bout en bout dans ce quotidien si ordinaire d’un gamin qui ne l’est pas.

Dès les premières images, il nous prend par la main et nous fait partager son obstination à ne pas admettre que son père l’a abandonné.

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C’est dingue comme l’enfance est aveugle, et pleine de tendresse vis-à-vis d’un monde dont elle ignore encore l’essentiel. Mais Cyril va se battre, au propre comme au figuré pour revoir cette figure tutélaire , avant d’admettre une vérité dans laquelle il laissera toujours une petite faille , histoire d’espérer encore un peu.

C’est le moteur d’un gamin, et celui maintenant du spectateur : combien de fois, je me suis laissé prendre au jeu de la caméra qui menait notre héros dans de possibles tréfonds, ou au bord de précipices indicibles. Rien que le fait de voler son vélo, me rendait malade.

A ce stade, Jean-Pierre Dardenne, et  Luc Dardenne ont gagné, le plus simplement du monde. Leur mise en scène ne donne pas le tournis, mais l’écriture qui en découle parle d’amour, et encore d’amour, même dans le désarroi le plus intime. Entre la vie de la cité et les problèmes de société, ils effleurent plusieurs thématiques, avec beaucoup de pudeur et trop de retenue.

Le père et le fils, des retrouvailles fugaces, et une scène très émouvante

J’aurais aimé en savoir un tout petit peu plus sur l’histoire du père de Cyril que Jérémie Renier interprète avec la parcimonie que lui confère son personnage. On le devine, on le pressent, et c’est encore plus vrai pour  cette coiffeuse de banlieue qui accueille le gamin dans son intimité. Cécile de France , est parfaite dans sa posture de femme indépendante. Mais face à l’intransigeance de son nouveau pensionnaire, sa révolte sourde et menaçante, plus d’une famille d’accueil aurait baissé les bras. Samantha va se battre jusqu’au bout pour le gamin au vélo. Allez savoir pourquoi ?

BONUS

-   RETOUR À SERAING, AVEC JEAN-PIERRE ET LUC DARDENNE (30mn) -

Un an après le tournage Jean-Pierre et Luc Dardenne reviennent sur cinq décors du film et y évoquent leur travail : écriture, repérages, choix de mise en scène, travail avec les comédiens…Une leçon de cinéma en direct, passionnante, et parfois drôle quand ils évoquent par exemple leur manière de travailler avec Cécile de France.  » C’est la première fois que l’on avait sur le plateau quelqu’un de très connu, et certains dans l’équipe pensaient qu’il fallait faire plus attention, à sa première apparition dans le film. Alors que Cécile comme nous, étions d’accord pour la fondre dans le décor, ce qui se fera dans la salle d’attente, où elle se trouve parmi les autres patientes ».

Ils se mettent en situation, à la place des comédiens et de la caméra et c’est encore amusant (l’attaque du libraire), expliquent des mises en scène qui ne se feront pas (le salon de coiffure)…

-   Entretien avec CÉCILE DE FRANCE (18mn)

« On ne refuse pas un scénario des frères Dardenne, et celui là était encore formidable », dit-elle en décryptant tous les aspects de son personnage, « qui fonctionne à l’instinct comme bien souvent chez moi. » La répétition des cascades (le vélo), les scènes de bagarres avec le garçon, un stage de coiffure «  pour m’imprégner de l’atmosphère, et apprendre les vraies gestes » la rencontre permet de découvrir  beaucoup d’aspects de la préparation à un rôle . Elle aura bénéficié d’un mois et demi de répétitions « ce qui est formidable et plutôt rare dans le milieu » s’étonne la comédienne tout aussi surprise de voir les frères Dardenne au travail . «  Ils doutent, reprennent des scènes , pour la texture d’un tissu, par exemple, en s’excusant presque de s’être trompés, ils sont incroyables« .

-   Bandes-annonces