On sʼétonne que la zone euro soit attaquée par les vilains spéculateurs, tandis que le Japon, avec sa dette publique à 225% de son PIB, ou les Etats-Unis, avec leur notation Moodyʼs dégradée, semblent (pour lʼinstant) épargnés. Et dʼaucuns y voient le signe dʼun complot contre lʼEurope et lʼeuro… La vérité me semble différente.
Les marchés tiennent compte, froidement, des déterminations politiques. Ils ne doutent pas que les autorités monétaires japonaises et américaines sont prêtes à tout pour sauver leurs systèmes financiers : inonder le marché de fausse monnaie («par hélicoptère», sʼil le faut…) ; manipuler les taux dʼintérêt pour quʼils restent artificiellement bas le plus longtemps possible ; racheter directement ou indirectement des obligations dʼEtat pourries si les établissements financiers renâclent à en mettre davantage dans leurs bilans ; négliger les risques de retour de lʼinflation…
Bref, le Japon, comme les Etats-Unis, sont prêts à aller jusquʼau bout de leur stratégie monétariste, même si celle-ci est évidemment suicidaire… En Europe, les avis sont plus partagés.
Jean-Claude Trichet, homme sérieux à lʼorigine, ne sʼest engagé que la mort dans lʼâme dans la voie de la facilité et des opérations pourtant interdites par les traités et par le statut de la BCE.
LʼAllemagne reste partisan dʼune relative orthodoxie. Cʼest elle qui a poussé à lʼadoption du plan du 21 juillet de restructuration de la dette grecque qui aboutit reconnaitre une perte de 21% sur les titres de sa dette souveraine. Et ce nʼest quʼun début. 80% de décote serait plus réaliste…
Au delà de lʼadoration rituelle du totem-Euro, on commence à se dire que sauver la Grèce peut aboutir à faire sombrer lʼeuro. Sauf à mettre en oeuvre la même politique laxiste que celle des Etats-Unis, qui consiste à inonder le brasier, sans pour autant éteindre le volcan. Cʼest le sens de lʼintervention, ce week-end, du secrétaire dʼEtat américain Timothy Geithner, en visite exceptionnelle à Wroclaw, pour un sommet des 17 pays de la zone euro.
En fait, sur lʼaide à la Grèce, comme sur la gouvernance financière mondiale, deux thèses sʼopposent :
- celle défendue par les représentants du clan des manipulateurs, sʼappuyant sur lʼoligarchie occidentale, qui ne veut pas perdre son pouvoir, et qui est prêt à toutes tricheries pour sauver sa peau, du moins pour un moment encore..;
- et celle de ceux qui subissent les conséquences désastreuses de ce système, construit sur du vent (des crédits et de la dette), qui, au moins, ont conservé un certain bon sens, et qui plaident pour que les erreurs, la mauvaise gestion, voire les escroqueries soient sanctionnées. Les producteurs font face aux manipulateurs.
Parmi les responsables politiques, seuls les Allemands semblent actuellement en situation de pouvoir résister aux sirènes des manipulateurs. Les marchés financiers, constitués de quelques dizaines de milliers dʼopérateurs indépendants, souvent en charge de la gestion de lʼépargne de millions et de millions de personnes privées ou morales, observent, sans parti-pris.
Ils se demandent : tel ou tel Etat pourra-t-il rembourser ? Et quʼimporte pour eux que ce soit en monnaie de singe ! A cet égard, la capacité de faire face du Japon et des Etats-
Unis est en effet beaucoup plus grande !
Et puis il y a les individus. Emmenés par les producteurs. Qui savent, pour la plupart dʼentre eux, que lʼéconomie ne peut pas longtemps désobéir à des règles simples. Comme lʼéquilibre des comptes. La stabilité de la monnaie (donc, avec référence métallique). La vérité des prix, y compris ceux des taux dʼintérêt.
Les manipulateurs veulent rester aux commandes de la planète financière ! Voila pourquoi, à très court terme, le problème est en effet lʼeuro. Mais ensuite ce sera celui du dollar, du yen, de toute la planète finances construite sur du sable, au profit dʼune oligarchie, sʼappuyant sur les mensonges de lʼEtat-providence.
Alain Dumait – www.dumait.fr
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