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La balle au centre, bien entre les deux yeux

Publié le 19 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Le centre ne fait d’ombre à personne, n’alimente aucun débat et n’a d’autre ambition que de conserver les mandats de ses élus-notables. Le seul débat qui oppose les ténors du centre – Morin, Borloo et Bayrou – est leur degré de compromission passée et envisagée à l’avenir avec Nicolas Sarkozy.

Par Aurélien Véron

La balle au centre, bien entre les deux yeux

Le centre est plus mou que jamais. L’université d’été de l’ARES (non, ce n’est pas l’Association des Résidents de l’Esplanade de Strasbourg) a tourné au vinaigre. À la première université d’été de ce rassemblement bricolé, Hervé Morin a sauté un plomb en voyant un militant du Nouveau Centre, l’une des composantes de l’ARES, arborer un tee-shirt imprimé « Le Nouveau Centre avec Hervé Morin » sur lequel il avait rajouté au feutre « et avec Jean-Louis Borloo ». L’ancien ministre de la défense a alors fait voler les noms d’oiseau pour moucher l’insolent. Cette volière de gros mots a déclenché un mini scandale, qui semble avoir eu un effet toxique et contagieux sur l’Euro l’Université d’été dans son ensemble. Heureusement qu’il y a le centre et le PS pour donner un peu d’espoir à l’UMP. Cette dynamique perverse est catastrophique pour Hervé Morin (quand se retirera-t-il de la vie politique ?), que la plupart des élus du NC ne veulent pas voir aller à la présidentielle. Elle n’est pas meilleure pour Jean-Louis Borloo, qui a de la bouteille mais ne peut finir qu’accusé d’avoir sapé le NC à son profit; surtout s’il décide de ne pas aller jusqu’au bout.

Le problème de fond, c’est que le centre n’a pas de projet pour le pays, pas de propositions courageuses démarquantes. Le seul débat qui oppose Borloo, Morin… et Bayrou (au discours intéressant, hélas inaudible depuis son île déserte Moditeem), c’est leur degré de compromission passée et envisagée à l’avenir avec Nicolas Sarkozy. Or, le centre se compose d’abord d’élus qui pensent à leur siège, donc au président de notre pays à venir en 2012. Si la gauche passe, il faudra limiter la casse; si Sarkozy est renouvelé, tout passera par lui. Sans être inutile, concentrer le débat sur ce point est stérile, c’est d’ailleurs ce piège qui a fait disparaître Bayrou des radars malgré son score retentissant de 2007. Le nom de l’alliance illustre bien cette impasse : l’ARES signifie (oubliez-le, le nom changera avant que vous vous en souveniez) Alliance Républicaine, Européenne et Sociale. En gros, c’est républicain, notion fourre-tout qui rassure les radicaux, éloigne de l’extrême droite et rappelle que nous sommes en République (pas encore populaire, c’est peut-être pour bientôt). C’est européen, donc non souverainiste ni nationaliste. C’est déjà ça d’éclairci. Mais c’est « social », autre notion ambiguë qui peut aussi bien signifier simplifier et réduire l’assistanat, le code du travail et les charges sociales afin de relancer l’emploi et l’ascenseur social. Mais qui peut aussi faire chauffer le chéquier du contribuable appelé à être taxé toujours davantage pour financer notre politique nationale de priorité à l’inactivité.

Ce centre ne fait d’ombre à personne, n’alimente aucun débat et n’a d’autre ambition que de conserver les mandats de ses élus-notables, parfois fort sympathiques au demeurant. Ce centre est aujourd’hui léthargique même s’il abrite de nombreux talents et plusieurs chapelles. Cette auberge espagnole offre un cocon pratique aux antisarkozystes de droite, souvent par dépit plutôt que par choix. Mais tant qu’il fermera les yeux devant les enjeux de plus en plus lourds et de plus en plus proches de notre pays, son avenir restera modeste. Lorsque le centre aura une idée du modèle social qu’il souhaite voir émerger du rouleau compresseur de la crise qui approche, du profil de notre économie de demain, du rapport de l’État à la société civile, du rôle de la France dans l’Europe de demain, il pourra à nouveau imposer les termes du débat politique national, et prendre le dessus sur une droite fragilisée et en panne d’idées.

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