Myrha, la Goutte d’Or, Aubervilliers, Poissonniers, Flandre, les Orgues, Tanger, Château Rouge, Barbès… Pas besoin de dire « rue », les noms seuls suffisent, et le voyage qui vient avec. Un voyage pas toujours souhaité. Un mariage arrangé, monnayé. Une histoire présente.
Le roman de Dominique Dupart est surtout un voyage dans les sons, dans la musique, chanson enregistrée au Caire et traduite ici par un de ses personnages, Choucri (Les Cils de Tes Yeux Sont Des Epées Recourbées Contre Mon Cœur), et Masada ou Archery de John Zorn. On entend ces musiques dans la façon même d’écrire de l’auteur, des pauses, des ondulations. C’est l’épaisseur de la vie même, une vie dangereuse mais parce qu’elle est amoureuse, une vie colorée de sons qui franchissent les paliers des immeubles, la porte de la salle de bain. Ce sont des coups frappés, des vêtements froissés, des attentions soudaines (« un café, la seule, la vraie boisson de Paris, la moins chère, qui offre l’asile pour pas cher dans un lieu avec des tables, des chaises, des toilettes »), un Paris qu’on ne connaît qu’en y vivant au 57 ou à un autre numéro, accueillant avec ses vitrines, ses fruits, les « maïs chauds », et un Paris où « tout le monde est prêt à fuir ».
Le récit s’accompagne de la musique de John Zorn, enregistrement au Tonic, à New York, musique de la ville, qui monte jusqu’à l’appartement, ouvre le quartier « des Arabes, des Noirs et des Juifs », y fait se rencontrer le monde et sa violence et ses espoirs.