Qu'est ce que vous voulez que je vous dise ? C'est la rentrée. On prend les mêmes & on recommence. Encore... Darrieussecq, Bégaudeau avec ses petits cours de soutien en lettres modernes, Nothomb, Ovaldé, Ben Jelloun... pfff... la rentrée littéraire ressemble à une journée sans fin que l'on aurait déjà vécue dans son intégralité infernale dans une autre vie. En parlant d'infernal : Foenkinos qui, comme tant d'autres n'a toujours rien de vraiment intéressant à écrire, encore moins à dire, nous lâche quand même un bout de sucre : M'enfin, mettre Gombrowicz (pour "paraître intello" en plus, le gros dingue) & Yann Moix, côte-à-côte, dans son classement des meilleurs livres du XXème a de quoi laisser mucho perplexe. En tout cas, ça calme. Qui d'autre dans La Plus Grande Discothèque du Monde de tous les Temps ? Romain Gary, Milan « Absolut Dissident » Kundera, Philip Roth_____bref. Mais on s'en fout les copains, parce qu'une audace aussi fantastique ne pourrait pas nous empêcher de voir Dédé dans tous les magazines, dans tous les journaux avant de le revoir dans une demi douzaine d'émissions télé pour finir par l'entendre blablater dans une demi douzaine d'émissions radio. Tout ceci est super. Vraiment super. Ça me donne envie de dormir ou, peut-être, d'attendre le commentaire d'un de ces gentils lecteurs qui lit pour le plaisir & qui viendra, indigné comme un madrilène, me donner du « poseur élitiste ». En fait, tant que ça gonfle les stats, je m'en fous un peu. Mais je voudrais surtout dire ceci : la littérature c'est comme le manger : c'est sacré... alors faut être un peu sérieux si on veut tenir la distance, garder la tête hors de l'eau, se réinventer. D'ailleurs, en parlant de se réinventer, mon petit doigt réactionnaire me dit que Paul Auster nous a cuisiné la même histoire que l'autre fois qui était déjà le duplicata de ses obsessions de jeunesse (LA chambre, LE hasard, LE écrivain & ses doubles, LE baseball, LE Brooklyn en y ajoutant cette fois-ci un peu de ce LE-total-effondrement-post-11-septembre qui va bien). En plus j'aimais bien Paul Auster avant, j'ai même son Thesaurus & tous ses Babel... Ce que je trouve dommage cette année aussi c'est que j'ai l'impression qu'il y a moins d'acteurs/écrivains que les autres fois. Même pas un pour nous faire un remake post Kad Merad de La guerre des boutons. Y'avait pas un nouveau Balasko de prévu ? Tiens, en parlant de « nouveau » : nouveau scénar____ pardon, nouveau polar noir de noir de Grangé, nouveau blockbuster d'Éric Emmanuel-Schmitt (« Trois époques. Trois femmes : et si c'était la même ? »), nouvelle bluette de Djian qui est, il ne le dira jamais alors je le fais pour lui, le meilleur écrivain français des 90's ex aequo avec Modiano. Large. Nouvelle nouvelle nouvelle étagère Billy de Beigbeder... C'est la rentrée quoi pffff & re-pfffff. On va perdre de l'argent, du temps, de la patience, de la cohérence intellectuelle, de la curiosité... & douze fuseaux horaires de sommeil à cause de la Coupe du Monde de rugby. Vraiment super.
Même la « nouveauté » dans la nouveauté pue la redite sans consistance. Combien de petites bourges de 17 ans qui vont encore nous expliquer comment elles ont toujours taillé des pipes & baisé à droite à gauche avec cet air blasé qu'ont les couples bronchouilles qui s'habillent chez The Kooples & qu'en plus de toutes ces conneries d'un ennui intersidéral il fallait en faire profiter tout le monde & qu'en plus on puisse trouver des éditeurs pour publier ce genre de daube & que, comble du comble, il y ait des personnes que ça intéresse. Combien de jeunes surdoués à méga mèches & noms de bobos parisiens : Clovis, Sacha, Balthazar, Gaspard ? Celui de cette année aurait au moins pu faire l'effort de s'appeler Melchior mais non, trop fastoche, il s'appellera Marien... Marien ?!? Ouais, Marien Defalvard... sans déconner. Quoi qu'il en soit c'est du bon cette fois-ci, du vrai génie littéraire, du Radiguet reloaded avec 2Go de Proust, du qui va sauver la littérature française comme les Strokes devaient sauver le rock. On va l'avoir les copains, on va l'avoir ce roman qui, mis en musique par Sébastien Tellier, servira de générique au Grand Journal où Macé-Scaron n'ira plus montrer ses tatouages.
A la base de ce torrent de fiel un malaise persistant, mais, plus prosaïquement, une chronique bâclée puis reportée puis annulée du dernier flan de Jean Rolin. Jean Rolin, un nom de galette bretonne pour un écrivain qui, depuis Jean-Charles Massera, ne m'avait pas montré le vide absolu de notre littérature de si près. Merci donc. C'est quoi ce roman au fait ? Qu'est ce que c'est que ce truc qui se fait passer pour un produit post-machin, roman pop (ben ouais c'est de la littérature estampillée P.O.L qui parle de Britney Spears mec) ? On va dénoncer l'inanité de nos sociétés modernes, notre fascination désespérée pour les icônes sucrées, en envoyant un espion français aux States afin de surveiller Britney Spears. Un groupe islamique aurait proposé de l'enlever, voire même de l'assassiner. Personne ne voudrait qu'une telle chose arrive. L'idée en elle-même n'est pas si bête mais bon c'est un peu comme Mazarine Pingeot qui s'attaque à l'Holocauste. Aïe. Nos pas de lecteurs suivront donc ceux des paparazzi qui passent leurs journées à traquer la star dans les rues de Los Angeles & que notre OSS117 version 2011 (faut pas rêver, la France a définitivement abandonné l'idée d'avoir des espions un tant soit peu sexy) a choisi comme guides. Le quotidien de Britney Spears étant chiant à en crever (elle fait des courses dans un centre commercial, elle mange des yaourts, elle va chez le coiffeur, elle va chercher ses gosses chez la nounou...) le livre de Rolin se perd assez vite dans le propre système qu'il a lui-même mis en place & nous on l'était déjà depuis trente pages au moins. Trop super.
L'état fébrile du lecteur, l'automne venu, est parfois intenable & il se voit entraîné souvent très loin de tout sens commun, dans les gravas périphériques d'un marketing chelouBREF ! Cette année il faudra sans doute jouer les archéologues en plus des pédants & chercher du côté des rééditions pour frémir de la tête aux pieds. JR de William Gaddis & une nouvelle traduction du Faune d'Arno Schmidt devraient, à eux deux, mettre une branlée mémorable à l'armada insipide qui va cabosser les tables de nos librairies. Autre mort, autre publication vivifiante de cette rentrée : Le désert & sa semence de Jorge Barón Biza, fils de Rosa Clotilde Sabattini (ennemie jurée d'Eva Perón) & de Raúl Barón Biza (ennemi juré de lui-même, auteur de livres pornos, démocrate roublard, psychopathe absolu qui défigurera sa femme avant de se faire sauter le caisson). Jorge Barón Biza n'utilise pas de machine à écrire ou de stylo plume mais bien un scalpel histoire d'éviscérer la légende d'une famille format Kennedy, la sienne, mythique sur les rives du Rio del Plata & dont au moins huit membres sur dix se sont suicidés, Jorge compris. Impressionnant. Ces trois romans d'outre-tombe pourraient très bien finir sur le podium 2011 du FFC les doigts dans le nez. Ce qui est assez troublant quand on y pense...
Non mais je suis d'accord, y a pas que les morts qui savent écrire, heureusement & c'est vrai, parce que de nouveautés, qui vaillent la peine, on va sans doute en trouver quelque part, cachées sous de gros cailloux. Même chez nos amis français. On vous a déjà parlé de l'excellent Providence de Juan Francisco Ferré, autre sérieux prétendant au podium selon moi. On devrait sans doute aborder dans les prochains jours So long, Luise de Céline Minard, Limonov de Carrère, L'art français de la guerre de Jenni, le rookie de Gallimard. Les Instructions d'Adam Levin a l'air d'être le grand gigot de l'année qu'on sera content d'avoir fini avant le 15 mars prochain. Stoner de John Williams avec son bandeau bien vicelard ("Lu, aimé & librement traduit par Anna Gavalda"). Bon, le type a quand même remporté le National Book Award en 73 à égalité avec... John Barth. Le nouveau François Beaune dont on avait aimé le premier roman. Pour les flemmards il y a même un nouveau Murakami avec un nom é-nig-matique. Du méga culte pour les autres avec Motorman de David Ohle enfin disponible grâce à Cambourakis, la petite maison qui monte. Du faut-que-je-le-lise-absolument avec Freedom de Franzen qui nous refait le coup du roman méta-familial parce qu'il a bien plus à dire en vrai & puis on va encore vous trouver deux trois trucs sensas en fouillant bien, promis, & finalement ça devrait plutôt bien se passer en fait.
Du moins pour certains.
Au revoir monsieur Macé-Scaron. (1) ------------------------------- (1) pour rappel ------------------------------- Illustration 1 : Bibliobs.com Illustration 2 : Thomas Allen Illustration 3 : source inconnue