Magazine
Le Devoir et La Presse ont eu une grosse prise dans les derniers jours en publiant des textes sur Paul Farmer. Ici, c’est une grande vedette de l’aide. Il travaille en Haïti depuis 30 ans auprès d’une ONG qui en créole s’appelle Zanmi la sante et en anglais, Partners in Health. Une grosse ONG qui oeuvre principalement dans le département du Centre où elle ferait un très bon travail. Les données sur l’accès aux soins et certaines statistiques de santé montreraient qu’il se passe là quelque chose qui ne se passe pas ailleurs. La rumeur est forte et j’avoue n’avoir jamais fait l’effort d’aller confirmer. Le bonhomme (dont l’organisation est proche d’Arcade Fire entre autres) a lancé il y a quelques mois la fameuse expression ‘république des ONG’ en soulignant le fait que l’État haïtien n’était plus de la partie quand vient le temps de planifier ou de mettre en œuvre des ‘services à la population’. Constat que je partage. Je ne connais pas personnellement le bonhomme et j’avoue être assez heureux de plusieurs positions qu’il défend plus clairement depuis le tremblement de terre. J’imagine le gars assez lucide pour être critique de son propre travail en Haïti depuis 30 ans. Le genre de lucidité qui te permet de te questionner, par exemple, sur l’impact d’un éventuel départ de ton organisation pour les services à la population : Auront-ils le même niveau de service (accès et qualité) avec les services de l’État ? Ou encore sur l’impact de ton organisation sur la capacité du système public : Combien de médecins ou d’infirmières ont quitté la fonction publioque pour venir travailler au sin de mon ONG ? Le réel enjeu avec cette formule de la ‘république des ONG’, est de naviguer dans un contexte où la population gagne tout de suite quelque chose, alors qu’on risque d’égrainer encore davantage la capacité d’intervenir de l’État. Dans un contexte d’urgence perpétuelle (les ouragans, le SIDA, la tuberculose, le paludisme, le choléra, ..), il faut choisir entre aider la population (aide internationale), ou développer la capacité du pays (développement international) à gérer les crises. C’est un catch-22, t’es certain de perdre. Tout ça pour dire que personne ne peut être contre la proposition du bonhomme de renforcer la capacité de l’État. Le défi est d’évaluer la faisabilité réelle d’une telle proposition. Ça pourrait vouloir dire par exemple de ne pas réagir (ou de réagir différemment) à certaines urgences. Dans le contexte de compétition (au sens marketting du terme) dans lequel se trouve les ONG qui veulent vos dons, je n’y crois pas beaucoup. À moins que les gens de la publicité et des relations publiques deviennent de vrais génies. Ça pourrait vouloir dire également que nos gouvernements ne chercheront plus à se faire du capital politique avec l’aide. Merci de douter avec moi de cette éventualité … Finalement, il faudrait que tout ce beau monde s’inscrive dans une relation de confiance avec le gouvernement haïtien. Penser que ce dernier vaut la peine d’être renforcé et qu’il gèrera adéquatement les fonds éventuellement transférés. Catch-22 je vous dis !