"La politique est présente dans les thèmes de mes romans. C’est une critique de la société et de la politique, de la corruption des officiels et aussi des côtés les plus sombres de tout individu quel qu’il soit… La critique n’est pas le but de ma création. L’art de l’écriture, seul, en est la source. Mais un écrivain ne vit pas hors du temps et ni hors de sa société. Je ne suis le porte-parole de personne, je réclame l’indépendance de mes héros tout comme j’exige la mienne."Ce ne sera sûrement pas le dernier livre que je lirai de cet auteurMo Yan - Le Maître a de plus en plus d’humour(Seuil, 2005, 108 pages) Traduit du chinois par Noël Dutrait
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Que faire quand on perd son travail à soixante ans, à un mois de sa retraite, après quarante ans de bons et loyaux services? Que faire surtout quand on découvre que les économies de toute une vie n’ont servi qu’à se soigner et que tout le monde autour de soi cherche un travail, bon ou mauvais, juste pour manger et ne pas perdre pied dans la nouvelle société où la débrouillardise est devenue la qualité primordiale, question de survie et on a beau avoir une morale à toute épreuve et de bonnes mœurs, il faut ce qu’il faut. C’est ce que se dit le brave Maître Ding, ancien ouvrier modèle d’une usine désormais fermée lorsqu’il découvre un drôle de manège autour d’un autobus désaffecté dans un bois proche de chez lui. Qu’à cela ne tienne se dit-il alors lorsqu’une idée géniale jaillit qui lui permettra enfin de s’enrichir, il n’hésite pas et s’investit dans ce qui deviendra sa petite entreprise où son sérieux habituel fera merveille. Après tout ne doit-on pas payer partout maintenant pour aller aux toilettes, dans cette nouvelle société devenue capitaliste à son tour?Il ne réussira que trop bien et la suite est surprenante lorsqu’à l’arrivée de l’hiver l’activité se ralentit et que l’attend une «nuit de terreur». Ce récit est délicieux et se lit d’une seule traite en moins de deux heures. Idéal lors d’un déplacement!Ce Maître Ding si naïf, si tendre et si plein de bonne volonté est à la fois touchant, attendrissant, rusé, débrouillard et la nécessité aidant, son humour se développe avec son succès. Il lui en faut d’ailleurs pour conserver la dignité à laquelle il tient tant dans cette nouvelle activité! C’est Cynthia qui m’avait permis de découvrir cet auteur chinois dont curieusement le pseudonyme signifie «Ne rien dire» et qui dénonce subtilement ici la nouvelle économie de marché de son pays.