Du rire à la haine. En une petite mi-temps. Après six sorties indigestes sous sa nouvelle tunique, Francis Gillot vient de connaitre une désillusion d’un genre nouveau, à vous filer la rage. Facile et joli à mater dans le premier acte, son Bordeaux s’est carrément tiré une balle dans le pied, en laissant les Toulousains leur remonter deux buts et prendre le large dans le money time (3-2). Ce que les médias appellent sans fondement aucun le « derby de la Garonne » a accouché d’un match rocambolesque. Bordeaux a brillé, Bordeaux a pavoisé, mais Bordeaux rumine encore ses lourdes bévues. Rien de vraiment nouveau donc, en aval du fleuve, si ce n’est une légère amélioration dans le jeu et cette émotion intensément négative ressentie au coup de sifflet final.
Cheick Tidiane Diabaté, double buteur
C’est désormais une habitude. Au Stadium ou loin de ses bases, le TFC attend patiemment les ultimes minutes de ses parties pour empocher la mise. Après l’OGC Nice et le SM Caen, les Girondins de Bordeaux ont à leur tour subi les foudres de la cruauté toulousaine. Dans le rôle du bourreau, Emmanuel Rivière, transfuge de Sainté, s’est chargé d’achever la bête à la 92e minute, sur une dernière relance consécutive à un dernier baroud d’honneur des Marines. Dans le rôle du coupable, le jeune Sertic, qui l’a joué façon David Ginola, en cherchant le but du KO au lieu de temporiser pour conserver le point du nul. L’accabler de cette prise de risque serait pourtant vain, car c’est bien le collectif girondin tout entier qui a plié sous la furia des Violets. Et la déception est d’autant plus vivace que les girondins avaient livré, une fois n’est pas coutume, une première mi-temps de haute volée. Pour cela, Francis Gillot s’était même assis sur ses principes en se privant d’une pointe pour renforcer son milieu. La composition qu’il coucha sur la feuille ressemblait étrangement à celle que Blanc affectionnait en son temps les jours de Coupe d’Europe. Seul les noms, moins clinquants qu’alors, faisaient mentir la comparaison.
Qui a parlé d'un manque de communication ?
Tandis que Plasil avait été invité à faire parler sa technique un cran plus bas, le tandem Jussie-Diabaté avait la lourde tâche d’évoquer dans les mémoires la fabuleuse paire Gourcuff-Chamakh. Disposés comme jadis en 4-5-1, les hommes de Francis ont même redonné du sens à la notion d’automatisme. Résutat : dès les premières minutes, le nouveau plan de jeu s’avère payant. Diabaté excelle – le mot est peu fort – dans son rôle d’appui, le flanc gauche caviar – Trémoulinas et NMB – régale et la défense fait bizarrement preuve de solidité. Conséquence : les Marines multiplient les belles séquences et le géant malien marque deux fois, dans le jeu. La moindre des choses ? Peut-être, mais par les temps qui courent, l’on s’en contente sans rechigner.
- Francis Gillot, circonspect
Oui mais…car il y a un mais. Tout ce jeu, ces mouvements, ces passes courtes et autres décalages, c’était avant. Avant que Cheick Tidiane ne laisse paraître une nervosité prémonitoire au micro de Canal. Avant que les Girondins ne reculent et ne relaissent éclater leur fragilité au grand jour. Avant que l’homme en noir n’accorde un pénalty généreux aux locaux dès l’entame du second acte. Avant que les Gigis ne tricotent au milieu de terrain. Avant que Capoue n’égalise suite à un cafouillage aussi moche qu’improbable. Avant que Carasso ne craque son slip et plaque sauvagement Tabanou quittant les siens prématurément. Avant que – pic émotionnel – son remplaçant Keita ne stoppe ce second pénalty. Et surtout avant cette tragique 92e minute qui vit dans la même action Sertic perdre le cuir aux abords de la surface adverse, Capoue relancer instantanément, Ciani se faire griller sur le long ballon et le toulousain Rivière libérer son nouveau jardin d’une frappe pleine de sang froid. Cruel donc.
Même si cette nouvelle déconvenue pourrait achever de décourager les quelques supporters girondins encore soucieux de mater les péripéties de leur équipe, quelques motifs d’espoir subsistent. Le principal étant que Francis Gillot avance dans son entreprise. Après avoir secoué un Haillan embourgeoisé en envoyant Modeste, FBK et Saivet se frotter aux bucherons de CFA, le gars du Nord semble avoir trouvé la formule qu’il cherchait. Son 4-5-1 est à l’évidence moins ambitieux mais les joueurs y ont davantage de repères. Reste à remédier aux lacunes défensives de ses hommes. L’on imagine que c’est là le travail de toute une saison. Dans une de ses sorties médiatiques dont il a le secret, Francis a ainsi comparé le travail qui l’attend à celui d’un pédagogue face à ses élèves. Le manque évident de maturité de ses hommes vaut bien ça. Jean Louis Triaud, lui, ne change pas de registre. Qualifiant le résultat bordelais de « désespérant », le président ne se lasse pas de rejeter la faute sur les joueurs. Un refrain qui tourne désormais en boucle et qui sonne bien creux : « C’est à eux de savoir ce qu’ils veulent faire. S’ils veulent jouer le maintien, descendre en deuxième division ou s’ils veulent essayer de figurer un peu mieux ». Essayer de figurer un peu mieux, en voilà une politique sportive.