Pourquoi inventer ce qui existe déjà ? Cet article me semble bourré d’arguments intéressants sur le sujet, et de nature à en renouveler la contestation, non ? A vous de voir, c’est ici (merci Les Inrocks)
Dans les trousses de nos parents, à l’école des années 50, les règles n’étaient pas d’or, mais d’acier. En cas d’indiscipline, l’institutrice pouvait ordonner à l’élève de se présenter devant elle, mains ouvertes, et elle lui cinglait les doigts avec le rigide instrument. Ça faisait très mal. Le jeu consistait à retirer les doigts très vite pour éviter le choc.
Appliquée aux budgets des années 2010, la “règle d’or” risque elle aussi de provoquer d’intolérables souffrances. C’est ce que prouve, a contrario, l’exemple belge : la Belgique, meilleur taux de croissance du second trimestre avec 0,7% (2,8% annuel, un exploit) alors que la France et l’Allemagne ont fait du surplace. Pourquoi ce miracle belge ? Le pays, depuis plus d’un an, n’a plus qu’un gouvernement démissionnaire, réduit à expédier les affaires courantes, interdit de toute initiative budgétaire et donc de toute mesure d’austérité. Echappant à la rigueur risquant d’entraver la consommation et la croissance, l’économie belge se porte comme un charme.
Autre exemple, historique cette fois : imaginons qu’en 1661, quand il arrive au pouvoir, Louis XIV ne se contente pas de faire arrêter Nicolas Fouquet, son dispendieux ministre des Finances, mais qu’en plus il exige de son nouveau ministre Colbert de la “rigueur”. “Monsieur Colbert, il faut cesser de vider les caisses de l’Etat, d’endetter la France. Trouvez-moi un truc !” Colbert, habile financier, pose alors comme principe que le déficit du budget ne saurait dépasser 3% chaque année, et baptise sa trouvaille “la règle d’or”. Conséquences : dans le demi-siècle qui suit, la France perd toutes ses guerres contre l’Espagne, la Hollande, l’Autriche et l’Angleterre.
Dépecé par ses ennemis, le royaume est réduit à un territoire croupion dans la zone du Massif central, avec pour capitale, mettons, Vichy, et placé sous la protection des Habsbourg. Evidemment, on ne construit pas Versailles : trop cher. Excellemment géré, le minuscule Etat échappe à la dette monstrueuse (4 milliards de livres, soit 200 milliards d’euros) qui sera celle de 1788 sous Louis XVI. Conséquence : il n’y a pas de révolution en 1789, puisque c’est la dette qui conduit à la convocation des Etats généraux et aux événements que l’on sait. En 2011, la France n’est donc pas une république, elle est restée un royaume, comme la Belgique, dans des montagnes, comme l’Autriche, dont elle a à peu près la taille. Au passage, nous n’avons pas aidé les Américains à se libérer des Anglais (dans les années 1770, l’aide aux indépendantistes nous a coûté un milliard de livres), et les Etats-Unis n’existent pas.
Si, en dépit de cet affreux constat, le gouvernement Sarkozy-Fillon s’obstine à rétablir la règle d’or, opposons-lui un argument de bon sens : la règle d’or existe déjà ! Elle figure en clair dans le traité de Maastricht de 1991, complété par celui d’Amsterdam en 1997, et s’appelle “Pacte de stabilité”. Lequel pacte interdit à tout Etat de la zone euro un déficit annuel supérieur à 3%. Il suffit de respecter les traités existants. Ne pas le faire revient à dévoiler la règle d’or pour ce qu’elle est : une simple astuce politicarde dans le but de piéger la gauche.
Bernard Zekri et Léon Mercadet