En poursuivant notre survol des parutions musicales de la dernière année, nous pouvons difficilement passer à côté du premier disque-phare éponyme de The Soft Moon. Arrivé en catamini sur les tablettes en novembre dernier, l’album s’est rapidement imposé dans les milieux underground, salué par la critique et taillant sa place sur nombre de palmarès de fin d’année. Originaire de San Francisco, le projet évolue autour de la personne de Luis Vasquez : intialement seul dans l’aventure, le multi-instrumentiste et compositeur s’est rapidement entouré d’une groupe capable de communiquer l’énergie live que requérait l’urgence de sa musique. Il ne manquait que d’attirer l’attention d’un label de circonstance, chose faite avec Captured Tracks, étiquette brooklynoise qui fait autant dans le contemporain que la réedition.
Souvent qualifé de post-punk, cet album est actuellement une des expressions musicales les plus densément gothiques que nous ayons récemment entendues. Le ton est opressant du début jusqu’à la fin, la voix se perdant dans des méandres de réverbération et de distortion sans espoir de lumière. Les chansons se construisent en couches superposées, sons et bruits se densifiant progressivement avant d’atteindre des points de rupture, accalmies temporaires. Au sein de cette musique constamment pulsée, tout devient rythme et échos, les claquements de main dans Circles et les halètements de Sewer Sickness étant particulièrement efficaces, de même que les syllabes scandées de We Are We.
Le pot-pourri d’influences se fait évidemment sentir : on remercie Joy Division pour les batteries hypnotiques, The Editors pour les solos de guitare suraigüs en notes répétées, Bauhaus pour les lignes de basse et voix d’outre-tombe, et d’innombrables pionniers de la cold wave qui ont su intégrer des synthétiseurs acerbes et acérés à une instrumentation acoustique. Vasquez réussit toutefois à apposer une touche personnelle et moderne au produit final, notamment grâce à l’aspect un peu expérimental de la musique qui évoque (sans atteindre toutefois à leur originalité) Dark Day ou, plus près de nous, Agent Side Grinder. Le principal reproche qu’on pourrait adresser à The Soft Moon tient probablement à son uniformité – les pièces, bien que de qualité, se ressemblent fort, et cette proposition pourrait lasser si ce n’était de sa brièveté. En onze pistes et 37 minutes, l’album réussit cependant à maintenir une enérgie captivante. L’inspiration constructiviste et suprématiste du visuel appose une touche finale qui ne peut que nous réjouir.