Il fallait visiblement être un mammifère marin pour éprouver du plaisir à disputer ce France - Canada. Des trombes d'eau, une pelouse à la limite du praticable, voilà qui n'incitait pas à ses faire des passes de plus d'un mètre. Ajoutons une opposition rugueuse et encline à jouer sur ses points forts, avec une efficace simplicité pendant plus d'une heure, et on obtient un match assez pauvre et sans grand intérêt sur le plan du jeu proposé par le XV de France.
Comme face au Japon, le score relève plutôt du cache-misère. 21 des 46 points inscrits par la France l'ont été dans le dernier quart d'heure de jeu, confirmant que ce qui sépare les "grosses" équipes des "petites" tient davantage de la condition physique que des qualités techniques ou tactiques. On ne doit donc pas pavoiser, et il est à craindre que le prochain match ne soit douloureux pour l'orgueil tricolore. Même si les All Blacks ne sont pas à leur meilleur niveau, même si on peut s'interroger (pas plus de trente secondes) sur leur volonté de remporter une rencontre qui les propulserait sur le tableau le moins favorable pour leur conquête du trophée, les hommes en noir sont a priori loins devant les hommes de Marc Lièvremont.
On a vu aujourd'hui ce qui nous était présenté comme l'équipe du moment (à défaut de lui trouver une définition plus appropriée), et force nous fut de constater qu'elle n'avait pas vraiment les allures d'une équipe-type. La prestation des bleus fut, encore une fois, médiocre.
Devant, Louis Picamoles, peu en vue en début de match, a fini par afficher les qualités qu'on lui connaît : force de pénétration, conservation du ballon et jeu dans la défense. Julien Bonnaire, quoique fautif sur quelques phases défensives, a apporté sa science de la touche et une activité intéressante en attaque. En revanche, Fulgence Ouedraogo a raté son match, et la deuxième ligne Papé - Milo-Chluski n'a pas fait d'étincelles (ce qui était difficile sous la pluie, c'est entendu). Enfin, Luc Ducalcon a sans doute été le meilleur élément d'une première ligne loin d'être absolument dominatrice mais qui a assuré l'essentiel, en particulier en mêlée.
Pour la deuxième fois en deux matchs, François Trinh-Duc a déçu, multipliant les choix hasardeux (comme la chandelle dans ses 22 mètres qui amena en suivant l'essai canadien. Cela devient assez inquiétant, à tel point qu'on trouva Morgan Parra beaucoup plus intéressant que lui à l'ouverture même s'il est vrai que ce dernier, repositionné en milieu de deuxième mi-temps, a profité du travail de sape accompli par ses coéquipiers pendant la première heure de jeu.
On serait presque plus indulgent pour Maxime Mermoz, malgré une performance très éloignée de celles dont on le sait capable. De retour après sa blessure d'il y a un mois, le Perpignanais n'a pas été aidé par les conditions climatiques et le jeu de son ouvreur. Mais il faut absolument qu'il se mette au diapason rapidement. Les méchantes langues conclueront sur une note positive : il ne s'est pas blessé aujourd'hui.
David Marty a fait...du David Marty. Après avoir proposé - sans succès - deux passes en début de match (dont l'une qui fit dire à un observateur avisé que le Catalan avait peut-être profité de son temps libre pour visionner un DVD des plus belles passes de Sonny Bill Williams) il s'est ravisé pour finalement conserver tous les ballons qui lui furent adressés. On reconnaîtra qu'il ne fut pas forcément aidé par ses coéquipiers. Ainsi, Aurélien Rougerie, replacé à l'aile, fut rarement heureux dans son placement offensif et n'offrit que rarement la possibilité à ses centres de lui délivrer une passe intéressante.
Vincent Clerc a inscrit quant à lui trois des quatre essais de son équipe. Cela suffit à fermer les yeux sur les approximations dont il fut parfois coupable. Et Damien Traille, auteur d'un essai plein de décision, reste un choix par défaut à l'arrière.
On constate que les entrées de Maxime Médard et Imanol Harinordoquy furent plutôt positive, ce qui aurait tendance à nous convaincre que ces deux là ne sont pas loin de figurer dans la fameuse équipe type que nous appelons de nos voeux.
Les optimistes trouveront aux vainqueurs du jour d'indubitables qualités. Ne perdant pas outre mesure les pédales, les tricolores ont globalement évité de s'emballer inutilement quand le score était serré. Ils ont fait preuve de patience et ont alterné le jeu. Mais ils ne furent pas efficaces sur les ballons portés et les soutiens ont, une fois de plus, été souvent en retard.
Les piètres performances des autres ténors ne doivent pas nous rassurer. Car le XV de France n'a pas vraiment affiché de progrès dans sa maîtrise du ballon et sa gestion du jeu. On reste sur notre faim. Et on espère qu'on ne va pas trop déguster la semaine prochaine.