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Extrait d'un article paru dans La-Croix.com« Temps de travail, durée des vacances, etc. Le métier d’enseignant a perdu son caractère exceptionnel, privilégié, analyse le sociologue François Dubet, professeur à l’université Bordeaux 1 et directeur de recherche à l’École supérieure des hautes études en sciences sociales. Il a surtout, en l’espace de quelques décennies, perdu une bonne part de son autorité. » D’où une certaine forme de crispation dans les rapports entre le corps professoral et la société. « On en demande de plus en plus aux enseignants qui, de leur côté, adoptent souvent une conception plus étroite de leurs obligations », note-t-il.Autre évolution : le thème de la souffrance au travail est de plus en plus prégnant. Christian Chevalier, le secrétaire général du SE-UNSA, n’hésite pas à parler de « profession difficile, voire anxiogène » sur fond de « démantèlement de la formation des enseignants ». Ce que constate aussi le sociologue Patrick Rayou : « On sait depuis longtemps qu’il peut être usant d’enseigner au collège, notamment parce que beaucoup d’élèves manquent d’appétence pour les savoirs et sont éloignés des connaissances scientifiques. Mais désormais, il n’est pas rare d’être confronté aux mêmes difficultés dès le primaire. »Pour certains débutants, « le rêve tourne donc au cauchemar », assure Patrick Rayou. « Les autres, et ce n’est peut-être pas plus mal, abordent leur métier avec un peu moins d’enthousiasme que leurs aînés, mais avec davantage de réalisme, voire de professionnalisme. » En d’autres termes, leur entrée dans l’éducation nationale est moins vécue en termes de vocation. Beaucoup, désormais, choisissent le professorat avec pour vague projet d’embrasser une autre carrière, après un laps de temps plus ou moins long. À l’inverse, on croise aussi dans les salles de classe des personnes qui, avant d’enseigner, ont travaillé pendant des années dans des entreprises, un phénomène assez récent.
La relative perte d’attractivité du métier d’enseignant constitue en tout cas, souligne le sociologue, une évolution qu’ont vécue, bien avant la France, d’autres pays, notamment dans le monde anglo-saxon. « En Grande-Bretagne ou aux États-Unis, le taux d’abandon du métier dans les cinq années qui suivent la prise de fonction est compris entre 25 et 50 %. Dans ces pays, le leitmotiv est “former et maintenir en emploi” les professeurs », indique-t-il. « La France, qui connaît de façon structurelle un fort taux de chômage chez les moins de 25 ans, a longtemps été épargnée par cette tendance lourde parce que les professeurs, en tant que fonctionnaires, jouissent d’une précieuse stabilité de l’emploi. Mais une rupture semble aujourd’hui possible. »
# Guy Marion @ 17:10