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Le retour de la droite antisociale

Publié le 18 septembre 2011 par Letombe
Le retour de la droite antisociale

La charge est passée presque inaperçue, sous la ligne d'attention médiatique. L'actualité était trop chargée. Sarkozy faisait la guerre médiatiques aux affaires judiciaires qui l'accablent à coups de petites phrases et grand voyage imprévu en Libye.
Les « pré-annonces » de secrétaires généraux adjoints de l'UMP, réputé centriste, en matière « d'accompagnement » des bénéficiaires des minima sociaux valaient pourtant le détour. Comme souvent, le Figaro était la caisse de résonance idéale pour cela.
Mercredi, quelques heures avant de filer pour Benghazi, Nicolas Sarkozy recevait le dit rapport.
Sans commentaire.
Sus à l'assistanat !
En mai dernier, Laurent Wauquiez s'était déjà distingué par une triple charge contre « l'assistanat ». La démarche, soutenue par Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy, avait marqué certains esprits et semé le trouble. Il s'agissait pourtant de tester l'un des arguments électoraux de la campagne de 2012. A l'époque, le chantre de la droite sociale énonçait trois idées: (1) « En contre-partie du RSA, il faut que chacun assume chaque semaine 5 heures de service social »,  (2) plafonner les minima sociaux, et (3) réserver l'assurance sociale aux étrangers ayant cotisé au moins cinq ans en France.
En février dernier, Marc-Philippe Daubresse, ancien ministre des Solidarités actives récemment débarqué, avait été chargé par l'Elysée de proposer des mesures pour « l'accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires [d'allocation] et [d']optimiser les politiques d'insertion ». C'était comme un lot de consolation.
Mardi dernier, le Figaro dévoilait quelques extraits de cette puissante réflexion. Comme Wauquiez, Daubresse tente de s'afficher plutôt centriste que libéral au sein de la galaxie UMP. Comme Wauquiez, Daubresse peut donc recommander quelques énormités antisociales et décomplexées. «J'ai essayé de faire un rapport sérieux en insistant sur les freins à l'incitation au retour à l'emploi» confie-t-il. La France compte quelque 4,6 millions de chômeurs totaux ou partiels. Ces gens-là manquent-ils d'incitation ?
Du rapport, on n'apprit pas grand chose par les voies officielles. Le communiqué, expédié pour cause de déplacement libyen, fut sacrément succint.

Le président de la République a reçu aujourd'hui M. Marc-Philippe DAUBRESSE, député et ancien ministre, qui lui a remis son rapport sur l'amélioration du revenu de solidarité active (RSA) et le renforcement de son volet insertion.
Au terme de nombreuses auditions, M. Marc-Philippe DAUBRESSE a formulé 22 propositions, qui doivent concourir à conforter l'objectif premier du RSA : faire en sorte que la reprise d'une activité, quelle qu'elle soit, se traduise nécessairement par une augmentation de revenus. Ces propositions portent notamment sur le renforcement de la logique de droits et devoirs, sur l'amélioration de la lisibilité et de l'efficacité du dispositif et sur le renforcement de la lutte contre les fraudes aux prestations sociales.
Le président de la République qui a remercié M. Marc-Philippe DAUBRESSE pour la qualité du travail qui a été effectué, a pris connaissance de ses principales propositions et a demandé au Gouvernement d'étudier les conditions de leur mise en œuvre. 

Il fallait donc se rabattre sur un article du Figaro. Surpris ?
Les 22 propositions tonitruantes étaient donc sommairement résumées.
1. « Un contrat unique d'insertion de 7 heures (une journée) par semaine pour les allocataires du RSA socle, en état de travailler, inactifs, qui n'ont pas de perspective d'emploi ni de contrats aidés ». 380.000 bénéficiaires du RSA seraient concernés.
2. Si ces 380.000 bénéficiaires du RSA refusent ledit emploi, ils seront exclus du RSA: «un refus serait constitutif d'un manquement aux devoirs et entraînerait automatiquement une sanction prévue par la loi». Les emplois concernés devront « être utiles socialement » et « couvrir des besoins qui ne le sont pas ». Le Figaro évoque le bricolage, la collecte des déchets, ou la maintenance du patrimoine.
3. Ces heures seraient rémunérées au SMIC. C'est l'une des différences d'avec les propositions, démagogiques, de Laurent Wauquiez au printemps dernier. Le coût pour l'Etat, annonce Daubresse, serait modeste, 28 millions d'euros pour 10.000 contrats « expérimentés dans des départements volontaires ». Mais sinon, « 420 millions en cas de généralisation à 150.000 contrats ». Et donc près d'un milliard d'euros si l'on couvre le tiers des bénéficiaires du RSA comme le souhaite M. Daubresse. Le RSA coûte déjà 1,5 milliard d'euros par an.
4. Le RSA coûterait mécaniquement moins cher, mais pour qui ? Comme les rémunérations perçues sont déduites du RSA, Marc-Philippe Daubresse propose bel et bien de salarier près de 400.000 personnels précaires. Une véritable aubaine !
5. Daubresse propose de fusionner le RSA avec la prime pour l'emploi. Cette dernière concerne 9 millions de personnes « travaillant mais avec des revenus limités ». Soit 4 milliards d'euros par an. 
6. Daubresse propose de fusionner l'Allocation Spécifique de Solidarité avec le RSA. es montants sont similaires... sauf pour un couple. Il n'y a pas de petits profits en Sarkofrance.
7. Comme il est centriste, Marc-Philippe Daubresse alterne. Il préconise que « la baisse de l'allocation logement versée au bénéficiaire du RSA qui reprend une activité soit maintenue six mois », versus un mois aujourd'hui. Quelle largesse !
8. Daubresse voudrait qu'une « carte électronique » enregistre toutes les informations sur les aides sociales perçues par chaque personne. Un inévitable fichage pour mieux lutter conter la fraude. Sans rire ? Daubresse masque le sujet dans ses explications: « Elle permettrait à son titulaire de percevoir des prestations et de les faire évoluer en cas de changement de situation. Elle limiterait aussi les possibilités de versement de prestations incompatibles et faciliterait les contrôles par le rapprochement des données».
Avant de remettre son rapport, l'ex-ministre précisait au Figaro que seules le travail obligatoire et la prolongation de l'aide au logement devraient être appliquées sans délai. En revanche, « toutes les autres serviront le débat présidentiel ».
Martin Hirsch, sur son blog, a eu un commentaire assez simple mais inquiet: « Le rapport rendu au Président de la République par Marc-Philippe Daubresse sur le RSA peut clore une mauvaise séquence. Espérons qu’il en ouvre une plus constructive ». Sans rire ?
La droite recomplexée
Entre l'échec de Nicolas Sarkozy et les effets de la crise mondiale, la droite française s'est recomplexée depuis des lustres. Le bilan de l'agitation sarkozyenne est minable : les résultats promis ne sont pas là, les promesses n'ont pas été tenues, et certaines réformes ont même été déjà annulées avant une éventuelle alternance. Reste donc la bataille des idées.
Les communicants et sondeurs de l'Elysée ont organisé la campagne de leur mentor autour de deux thèmes, justice et autorité. Le président Nicolas veut s'afficher crédible et protecteur, à défaut d'efficace et réformateur.
En matière de politique sociale, le créneau semble trouvé. Il repose sur deux axes. La chasse aux fraudeurs, la culpabilisation des bénéficiaires de l'assistance sociale, sur fond de recherche d'économies.
1. La chasse à la fraude est un concept porteur, particulièrement en période de crise. Quand l'argent se fait rare, on s'agace de plus facilement du gaspillage. L'argument peut porter loin, y compris dans les classes travailleuses. Même quand il est porté par quelques élus cumulards (Copé) ou protégés (Wauquiez).
2. « Réinventer les « travaux forcés » est une proposition à vocation uniquement électorale. Sur le fond, cela ne sert à rien d'autre. Techniquement, c'est une usine à gaz, un machin administratif trop compliqué. En période de chômage massif et temps partiel, c'est même une aberration économique. Socialement, c'est une injustice.
L'idée porte deux objectifs: d'une part, il s'agit de disqualifier le concept même de solidarité sociale. L'argument est connu, répété, rabâché: pourquoi payer des pauvres à ne rien faire ? D'autre part, c'est un chantage social, une manoeuvre que l'on croirait sortie tout droit du Comité des Forges pour concurrencer le travail mal rémunérer.
La précarisation du travail est une vieille tactique. La droite sniff sniff est de retour. Protégez vos arrières !
Président protecteur ?
Laissez-nous rire.

Sarkofrance

UMP : « travailler plus pour gagner plus » nouveau slogan pour le RSA ?


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