Noces éphémères est le premier des films de la compétition officielle du festival Paysages de cinéastes et j'ai déjà l'intime conviction qu'il pourrait l'emporter.
Reza Serkanian nous donne à voir un paysage humain, très intime, qui révèle l'Iran d'aujourd'hui, pays tiraillé entre la modernité et la tradition.
Les thèmes abordés sont proches de ceux que traitent Radu Mihaileanu dans la Source des femmes, en particulier le poids des interdits religieux et le prix à payer pour sa liberté de penser, et encore plus pour sa liberté d'action.
Le réalisateur filme une société qui d’un coté étouffe les désirs et les aspirations individuelles et qui de l’autre a légalisé une étrange coutume : le mariage à durée déterminée dont on se demande à qui cela profite. Peut-il être une solution quand on est jeune et fougueux et qu’on éprouve des sentiments pour sa belle-sœur ? Surtout lorsque le statut de veuve de la femme pourrait lui couter son enfant… dans une société où vivre seule est péché.
Le film est traversé aussi de petits moments délicats, subversivement drôles, particulièrement quand il s’agit du respect ou du contournement des principes religieux. Cela commence avec le générique (de début et de fin) qui défile sur un tableau de Breughel montrant un couple d’amoureux derrière une fenêtre. Ce sont les petits mots que s’échangent Kazem et Maryam grâce à la complicité de la petite fille. C’est aussi lorsqu’en cuisine on s’interroge sur la question de servir ou non un plat dans lequel de l’alcool a été versé (plus ou moins par mégarde) on estime que l’alcool va s’évaporer à la cuisson et qu’il ne faut plus y penser.
Les femmes les plus âgées ne peuvent pas prendre les choses avec autant de légèreté. Elles exigent de s’en remettre au jugement du mollah, le grand-père garant de la religion. On s’aperçoit que cet homme si respecté et si craint est plus sage et plus tolérant qu’il n’y parait par son verdict plein de bon sens : ne jouez pas avec la foi des gens. Si vous êtes dans le doute servez le repas sans rien dire, mais rincez-vous la bouche après.
L’intelligence de ce jugement est emblématique de l’esprit coranique, quand il n’est pas interprété avec fanatisme ou misogynie. Car l’enfermement de la femme enferme l’homme.
La réalité et la fiction se rejoignent puisque la comédienne principale a été arrêtée pour son engagement. Ses papiers lui ont été retirés et elle a fait 30 jours de prison. Aujourd'hui elle va mieux. Et comme le dit Reza Serkanian avec lucidité à propos du cinéma : tout est possible mais difficile, en tout cas pas officiellement. Et à propos de la vie quotidienne en Iran : malgré toutes les contraintes les gens arrivent à obtenir leurs petits bonheurs.
Il a fallu quatre années au projet pour aboutir. Il a été filmé en grande partie à Téhéran et dans une ville religieuse parce qu’il tenait à des décors réels. Le cinéaste a jonglé entre autorisations et interdictions pour mener à bien la préparation d'un film impossible à envisager clandestinement mais il va de soi que le scénario n’a pas été donné sans « aménagements » et les extraits qu’il fournissait pour obtenir les renouvellements d’autorisation étaient les plus neutres possible.
Noces éphémères a été présenté au Festival du Film romantique de Cabourg où il a reçu une distinction. Il sortira en France le 9 novembre prochain.
Pour tout savoir de la 10 ème édition, horaires et programme du Festival : Le Rex, 364 avenue de la Division-Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry - Renseignements : 01.40.83.19.81 Site du Rex : http://cinema.lerex.free.fr/