Inondations : Islamabad montré du doigt

Publié le 17 septembre 2011 par Journalpakistan @journalpakistan

Des inondations ravagent le Sud du pays pour la deuxième fois en un an. Les autorités sont critiquées pour leur inaction. Les mauvaises relations entre le Pakistan et les États-Unis gênent l’aide humanitaire.

Emmanuel Derville / La Libre Belgique

Dès le début de l’été, les organisations humanitaires avaient prévenu : le Pakistan ne s’est pas remis des inondations de 2010 et rien n’est prêt pour un nouveau sinistre. L’ONU estime alors que la mousson risque de faire 2 à 5 millions de sinistrés cette année. Deux mois après, le cauchemar est devenu réalité. Les pluies de ces dernières semaines ont inondé 30 000 villages dans la province du Sindh, dans le Sud du pays, tuant 248 personnes et faisant près d’un million de sinistrés selon les autorités locales. Les sols n’ont plus la capacité d’adsorber l’eau et les canaux débordent.

Comme l’année dernière, les autorités pakistanaises sont critiquées pour n’avoir pas anticipé. Le 26 juillet, Oxfam publiait un rapport détaillant les risques d’un nouveau désastre. L’ONG britannique souligne alors que les travaux de réparation des digues et des canaux « sont mal exécutés et trop lents. […] Les autorités assurent que tout sera terminé avant juillet mais les observations sur le terrain indiquent le contraire, en particulier dans le Sindh. » Outre les digues, Oxfam recommandait que priorité soit donnée à l’aménagement de canaux de drainage près des écoles, des hôpitaux et des infrastructures pour minimiser les dégâts en cas de fortes pluies. En vain.

La communauté internationale avait pourtant promis de débloquer des fonds pour la reconstruction. La banque asiatique de développement par exemple avait annoncé une enveloppe de 230 millions de dollars pour financer la réparation des berges et des systèmes d’irrigation dans le Sindh. Mais l’argent a été délivré au compte-goutte. Du coup, fin juillet, les ONG internationales avaient multiplié les appels aux dons à l’occasion de l’anniversaire des inondations de 2010.

Pourquoi un tel retard dans le déblocage de l’aide ? Le problème vient des mauvaises relations entre le Pakistan et l’un des principaux donneurs, les États-Unis. Washington demande à Islamabad de mieux s’impliquer dans la lutte anti-terroriste. Léon Panetta, le secrétaire d’Etat américain, a encore protesté mercredi après les attentats de Kaboul. La veille, les talibans afghans avaient attaqué le quartier qui abrite le QG de la coalition et l’ambassade américaine. Léon Panetta a accusé les combattants de Jalaluddin Haqqani. Ce chef insurgé afghan est proche de certains chefs de tribus pakistanais, eux-mêmes soutenus par les services de renseignement locaux. Difficile dans ces conditions pour Islamabad de demander l’aide financière internationale.

Pire, les relations entre les ONG et les autorités pakistanaises sont teintées de méfiance. « L’assassinat d’Oussama Ben Laden a été un tournant », explique le cadre d’une ONG à Islamabad. Le 11 juillet, le Guardian révélait que la CIA avait monté une fausse campagne de vaccination. L’agence cherchait à se procurer l’ADN des proches de Ben Laden qui vivaient avec lui à Abbottabad pour confirmer la présence du chef d’Al Qaïda dans la région. Depuis, « les services de renseignement nous considèrent comme des espions », poursuit cet employé qui préfère rester anonyme. « On ne peut pas critiquer le gouvernement en public. Ça ne ferait qu’envenimer la situation. »

Les autorités pakistanaises ont vécu le raid contre Ben Laden comme une violation de leur souveraineté. « Leur fierté en a pris un coup, observe un responsable d’ONG. Le gouvernement veut réaliser les programmes de reconstruction lui-même et exige que l’argent lui soit versé directement. » Les donneurs hésitent. Du coup, les autorités font pression sur les ONG. Les délais d’obtention des visas sont passés de deux à quatre semaines. « Un de mes collègues américains a même attendu trois mois », témoigne un humanitaire. L’administration refuse d’accorder les permis pour se déplacer dans certaines provinces. Et il y a quelques mois, un employé pakistanais d’une ONG occidentale a été enlevé et libéré contre rançon après plusieurs semaines de captivité.


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