Des illusions sur un air de jazz
Des illusions et un air de jazz. Le festival de Deauville 2006 a débuté par des illusions sur un air de jazz. Un festival commence toujours par des illusions, souvent sur un air de jazz aussi. L’air de jazz qui précède les projections du Grand Théâtre Lumière, à Cannes. L’air de jazz qui envoûte les salons du Normandy d’une intemporelle et mélodieuse complainte. L’air de jazz de l’orchestre qui, cette année, a rythmé les pas des festivaliers le premier jour au village du festival. L’illusion de découvrir un film sublime, déroutant, magique, marquant en tout cas, voire inoubliable. L’illusion de vivre des instants insensés comme ce festival m’en a tant procurés. L’illusion que ce sera mieux encore que l’année précédente. L’illusion que le festival retrouvera son insoutenable et délicieuse légèreté, celle de ses 25 ans, celle de Cyd Charisse esquissant quelques pas de danse ou de Joel Grey chantant sur la scène du CID, celle de mes premiers pas sur les Planches, de mon regard fasciné par cette atmosphère ensorcelante de dangereuse et délicieuse confusion entre le cinéma et la réalité, il y a 14 ans déjà. L’illusion de jolies réminiscences. L’illusion que ce festival a duré une éternité. Ou un jour peut-être. Une éternité et un jour. Je ne sais plus. Après dix jours de salles obscures et de soleil de plomb, dix jours de paradoxes insolites, après 23 films vus, on ne peut plus savoir, distinguer le jour et la nuit, les 24 images par secondes des 60 secondes par minute, l’éternité et un jour donc. Les journées s’écoulent à un rythme cinématographique. Les illusions n’étaient pas seulement les miennes pourtant mais celles d’Edward Norton dans le film d’ouverture, le sombre et romanesque Illusionist de Neil Burger, (Pour voir ma critique du film, cliquez ici. Sortie du film en France : fin 2006/Début 2007) mais un tour de magie ne peut pas effacer la réalité, tout juste la faire oublier quelques instants. Alors, si dehors il faisait un soleil singulièrement et imperturbablement radieux, à l’intérieur des salles obscures deauvillaises régnait un froid glacial, oui, un froid à vous glacer le sang. On aime pourtant aussi que le cinéma nous emmène dans un ailleurs rêvé, nous transporte, et s’égarer avec lui dans des méandres imaginaires. Cette année le cinéma était dramatiquement là, dans un présent désespéré et sans espoir, passé de l’adolescence tourmentée les autres années à une enfance chaotique, comme si même le temps de l’innocence devait disparaître à peine éclos. Cinq ans, cinq ans déjà et l’empreinte du 11 septembre est plus prégnante que jamais dans la cinématographie américaine. Comme un symbole, une des premières projections et émotions de cette 32ème édition fut d’ailleurs celle du World Trade Center d’Oliver Stone (Pour voir mon article sur le film et sa conférence de presse, cliquez ici. Sortie le 20 septembre). La clef est là peut-être. Les illusions ne peuvent durer plus d’une journée. Il faut revenir à la réalité. Le monde a basculé, le cinéma avec lui. La légèreté n’est plus de mise. En 14 ans, jamais la sélection n’avait été aussi sombre.
Les films en compétition : la radiographie d’une Amérique désorientée
Comme chaque année, depuis 1995, Deauville ce sont effet désormais et surtout ses films en compétition, véritable radiographie de l’Amérique contemporaine, une Amérique désorientée, désespérée, sans illusions, elle. C’est probablement la première caractéristique commune de ces films, leurs personnages principaux n’ont pas d’illusions ou de rêves, ils se contentent de vivre, de survivre plutôt, englués dans leur triste présent. L’avenir n’existe plus. La photographie est en général volontairement terne. La beauté, même juste formelle, n’a plus sa place dans ce monde dépeint comme apocalyptique. Les antihéros vivent en général dans des quartiers difficiles où ils promènent leur incurable mal de vivre. Les thématiques sont en effet récurrentes d’un film à l’autre : drogue, prison, pédophilie, deuil. Ils sont filmés caméra à l’épaule : la caméra doit vaciller, hésiter, métaphore chaotique de leurs vies bouleversées et sans issue, Amos Kollek a fait des émules. Le dénouement est presque toujours elliptique et souvent sans espoir. Faut-il pour éclairer le présent et la réalité forcément nous y plonger avec une précision quasi documentaire ? Je n’en suis pas convaincue. Le cinéma comme disait Orson Welles est un ruban de rêve. Aussi.
Parmi les onze films en compétition, huit étaient des premiers films et huit de ces films nous plongeaient d’emblée dans une âpre réalité.
Ce fut ainsi le cas de Half Nelson, premier long métrage de Ryan Fleck. Brillant professeur dans un lycée de Brooklyn, Dan enseigne avec passion à des adolescents en difficulté. Un jour, Drew, une jeune élève le découvre « défoncé » dans les toilettes de l’école. Le frère de Drew est en prison, pour trafic de drogue justement et elle-même est sollicitée pour le remplacer. En dépit de leur différence d’âge et de situation, les destins de Drew et Dan se rejoignent au moment crucial où leurs existences peuvent basculer d’un côté ou de l’autre. Leur solitude et leur égarement sont constamment mis en parallèle. L’une est déjà plongée dans les tourments de l’âge adulte, l’autre se comporte encore comme un adolescent perdu, rongé par le mal être. Le principal intérêt réside dans la personnalité de Dan, professeur passionné et atypique, qui parle de dialectique à ses élèves alors que lui-même se trouve pris entre deux forces contraires, entre ses errements, sa solitude, sa désespérance, l’échec de sa vie personnelle même et sa vie sociale apparemment réussie et comblée. Le titre Half nelson se réfère ainsi à une prise de lutte où le combattant bloque le premier bras de son adversaire tout en bloquant le second au niveau du poignet, l’immobilisant ainsi complètement. Dan est prisonnier de ses démons et nous avec lui, la caméra de Ryan Fleck nous le faisant suivre dans ses dérives et sa descente aux enfers, ne nous et ne lui laissant guère le temps de respirer. Le jury a choisi de primer ce film pour sa « belle croyance dans le cinéma », et non certes dans l’avenir, et pour sa « capacité dans un même plan d’évoquer deux sentiments contradictoires ».
La drogue était aussi un des thèmes centraux du film qui a obtenu le prix du scénario et le prix de la critique internationale : Sherrybaby, premier long métrage de Laurie Collyer. Arrêtée pour vol alors qu’elle avait 18 ans Sherry Swanson, une ancienne accro à l’héroïne, sort de prison après avoir purgé trois ans. Sevrée, elle goûte à son premier jour de liberté et décide de tout faire pour regagner la garde de sa fille, dont se sont occupés son frère et sa femme en son absence. Filmée au début comme une jeune femme libre et insouciante, sa réalité, la réalité, va la rattraper. Là encore des espoirs (elle en avait, elle) déçus. Là encore une descente aux enfers. Là encore un impossible avenir. Marie Gyllenhaal est d’une justesse remarquable, et le scénario d’une sincérité et simplicité déconcertantes.
Encore une fois c’est donc l’impossibilité de se reconstruire après un drame (inter)national -le 11 septembre- ou personnel comme ceux que connaissent tous les antihéros des films en compétition.
C’est aussi et déjà à un drame que sont confrontés les jeunes adolescents de Twelve and holding, deuxième long métrage de Michael Cuesta déjà primé à Deauville en 2002 (prix du jury) pour le dérangeant Long Island Expressway. Ainsi, dans une banlieue américaine, trois copains de douze ans quittent brutalement le monde insouciant de l’enfance à la mort accidentelle du frère jumeau de l’un d’entre eux, tué accidentellement par deux autres adolescents. Ils éprouvent des sentiments jusqu’alors inconnus : la vengeance, le chagrin devant la perte d’un ami et les premiers émois amoureux sans pouvoir compter sur leurs parents, eux-mêmes en difficulté. D’emblée, en présentant le film au CID, Michael Cuesta nous avertit : il n’a pas voulu faire un film « moral ». Les adolescents ne sont pas infantilisés et y sont en effet filmés par des adultes : même soif de vengeance et surtout besoin immodéré de l’amour fuyant de leurs parents, quelles que soient les conséquences de leurs actes pour y parvenir. Même si son dénouement est beaucoup plus sombre et non moins saisissant, twelve and holding présente un autre point commun avec le lauréat de cette 32ème édition : il mêle habilement humour caustique et peinture d’une Amérique rongée par le mal être (obésité, séparations, dépression). Les jeunes comédiens sont remarquables. Twelve and holding aurait mérité de figurer au palmarès.
La vengeance et la culpabilité étaient aussi des thèmes récurrents de cette compétition puisqu’on les retrouvait également dans Forgiven et dans Hard Candy.
Forgiven, tout d’abord, premier long métrage de Paul Fitzgerald qui interprétait lui-même le rôle principal, celui de Peter Miles, un procureur d’une petite ville américaine qui, à la veille de sa campagne pour devenir membre du sénat, apprend que le gouverneur de l’état a gracié Ronald Bradler condamné à mort après avoir été jugé coupable du meurtre d’un officier de police lors d’un procès conduit par Peter Miles, cinq ans auparavant. La dénonciation des failles du système judiciaire américain et donc de la peine de mort sont des sujets auxquels je suis particulièrement sensible et pourtant les personnages de ce film m’ont laissée parfaitement indifférente, en particulier en raison de sa morale simpliste à laquelle j’ai eu beaucoup de mal à adhérer. En effet Ronald Bradler, pour se venger, va finalement réellement commettre un meurtre et, après avoir humilié Peter Miles, tue son fils. Comme s’il n’avait pas déjà appris et retenu la rude leçon du couloir de la mort. Il retourne donc en prison pour être de nouveau condamné à mort, ce avant quoi ce cher Peter Miles, dans son immense bonté et altruisme va finalement le pardonner (de l’avoir humilié et surtout d’avoir tué son fils quand même, rien que ça), d’où le Forgiven éponyme. Le problème est qu’en voulant ne pas tomber dans le manichéisme et mettre dos à dos ces deux hommes égarés et finalement rongés tous deux par la culpabilité, il les rend aussi antipathiques l’un que l’autre, et leur sort indiffère finalement. Dommage, le début était prometteur… Quand on sait que 4 Français sur 10 (d’après un sondage édifiant publié aujourd’hui) sont pour le rétablissement de la peine de mort, on a le droit de se dire que le sujet méritait d’être traité avec un peu moins de légèreté.
L’autre film sur la vengeance, encore un premier long métrage, c’était donc Hard Candy, la sucrerie très acide de David Slade. Hayley et Jeff (Patrick Wilson) se sont connus sur internet. Hayley est une jolie et précoce adolescente de 14 ans et Jeff un séduisant photographe trentenaire. C’est elle qui a suggéré d’aller chez lui pour être plus tranquille, elle qui a voulu qu’il fasse quelques photos, elle qui lui a servi à boire …mais Hayley n’est pas aussi innocente qu’elle en a l’air, Jeff non plus d’ailleurs, et après que Hayley l’ait drogué, Jeff se réveille ligoté à une chaise. Alors que le début était particulièrement réussi par l’ambiguïté du face à face et le jeu polysémique de l’étonnante Hayley (Ellen Page), la violence psychologique fait brusquement place à une violence physique encore plus insoutenable. La caméra au plus près des visages, des corps, prend alors le spectateur en otage. L’atmosphère glaciale est parfaitement réussie : le décor de l’appartement aseptisé, presque clinique. Hard candy aurait pu se contenter d’être un huis clos éprouvant et suffocant mais la violence psychologique n’a pas duré, rapidement remplacée par une violence ostensible et je dois vous avouer que votre rédactrice n’a pas pu supporter la suite et a quitté la salle. D’après ce que j’en ai appris, la mise en scène n’était qu’un prétexte à un scénario abracadabrantesque et vain. Dommage que le talent de metteur en scène de David Slade soit ainsi gâché. David Slade a fait école dans la pub, ceci expliquant peut-être cela. A noter néanmoins que Hard Candy a été tourné en 18 jours à LA.
Le cinéma américain affectionne particulièrement le film choral. C’est d’ailleurs un film choral qui avait été primé l’an passé, le très réussi Collision de Paul Haggis. Un autre film choral figurait cette année parmi la compétition : Little Children (Les enfants de chœur) de Todd Field qui avait précédemment réalisé In the bedroom d’ailleurs présenté à Deauville en 2001. Les vies, les destinées sentimentales, les secrets, les rêves, les fantasmes et les angoisses d’une demi-douzaine de personnes s’entrecroisent dans la quiétude trompeuse d’une banlieue bourgeoise de la côte Est. On y retrouve notamment Patrick Wilson, déjà présent dans Hard Candy, on y retrouve également le thème de la pédophilie (dans Hard Candy, Jeff aurait été témoin et complice d’une affaire similaire). En effet l’arrivée d’un pédophile perturbe fortement les longs fleuves trop tranquilles que sont les vies des habitants de cette petite ville, une petite ville comme il y en a tant où chacun s’épie, se juge, jauge. Dommage que cette vision moderne du bovarysme (l’une des habitantes trompe son mari avec ledit Patrick Wilson) soit gâchée par la morale simpliste (là encore) du film : ce qu’on a fait dans le passé n’est pas grave, quelle que soit la gravité de ses actes. Seul compte l’avenir. Tout est bien qui finit bien. Le mari et la femme rentrent chez leurs époux respectifs et le pédophile se repent…et le spectateur, las, se dit : tout ça pour ça !
Dans Stéphanie Daley de Hilary Brougher, c’était encore une autre forme de culpabilité. Lydie Crane, une psychologue du barreau enceinte de sept mois qui a perdu son précèdent bébé d’une fausse couche doit démêler le vrai du faux en écoutant le témoignage de Stéphanie Daley, une adolescente qui nie avoir caché sa grossesse et avoir tué son nouveau-né. L’intérêt du film est donc le face à face entre les deux femmes, l’histoire de l’une provoquant forcément un écho chez l’autre. C’est surtout une dénonciation féroce de la société puritaine américaine à travers ses conséquences, en l’espèce une jeune fille qui préfère tuer son bébé (scène insoutenable mais réussie du film, le visage de la jeune fille filmé en gros plan, sa douleur, sa détresse, sa hargne, dans ces toilettes immondes où la vie suit son cours routinier alors qu’une autre s’achève à peine éclose) et nier sa grossesse plutôt que de l’avouer, plutôt que de faire face à une société moralisatrice.
Avec A guide to recognizing your saints de Dito Montiel, c’est encore un premier film, encore un film qui met en scène des enfants et des adolescents, encore un quartier difficile : partagé entre un père malade, un ami autoritaire mais protecteur et les tentations lascives de la jeunesse, Dito vit en effet tant bien que mal à Astoria, dans le quartier du Queens où une guerre de voisinage fait rage. Il doit lutter de toutes ses forces contre son désir de s’enfuir et de quitter ainsi le seul univers qu’il connaisse. Il partira finalement laissant ses parents, ses amis. Il revient des années plus tard, le film est donc un flash-back éclairé par le recul et donc sa culpabilité, oui, encore ! (mais de quoi donc l’Amérique se sent-elle VRAIMENT coupable ?) Le film est l’adaptation de l’autobiographie de Dito Montiel. Mise en abyme, caméra nerveuse, flash forward, flash back : le film ne semble être qu’un long prétexte à une démonstration stylistique sans grand intérêt, comme si la forme illustrait ironiquement le fond : le désir de fuite de l’auteur/réalisateur.
Deux films ont néanmoins emprunté une voie différente (je précise que je n’ai pas vu l’un des films en compétition The oh in Ohio de Billy Kent) : Little miss sunshine et Thank you for smoking.
Thank you for smoking est le premier film de Jason Breitman et nous dresse le portrait d’un lobbyiste séduisant et ambitieux, Nick Naylor qui met son charme, son talent et son sourire carnassier au service de la société Big Tobacco pour contrer les ravages de la politique de prévention contre le tabagisme. De conférence de presse en talk show télévisé, il défend l’indéfendable mais a du mal à convaincre son ex-femme qu’il peut être un père modèle pour son fils. Dommage que Thank you for smoking se résume à son pitch et même à son titre pourtant délicieusement politiquement incorrecte. Dans une Amérique policée, le cynisme annoncé par le titre promettait pourtant d’être jubilatoire mais malgré les premiers sourires passés notamment à la vision de ce club des marchands de mort, l’ennui s’installe bien vite. En bref, une bonne idée qui se résume à cela.
Enfin, Little miss sunshine de Jonathan Dayton et Valérie Faris, le grand prix de cette 32ème édition, le film qui a illuminé et ensoleillé le festival dont la projection deauvillaise fut même parsemée et ponctuée d’applaudissements effrénés. Toute la famille Hoover met le cap vers la Californie pour accompagner Olive, la benjamine de 7 ans, sélectionnée pour concourir à Little Miss Sunshine, un concours de beauté ubuesque et ridicule de fillettes permanentées, « collagènées » (ah, non, ça pas encore). Ils partent à bord de leur van brinquebalant et commencent un voyage tragi comique de 3 jours. La première qualité du film est que chaque personnage existe, enfin plus exactement tente d’exister. Il y a le frère suicidaire spécialiste de Proust, le fils, Dwayne qui a fait vœu de silence nietzschéen et qui a ainsi décidé de se taire jusqu’à ce qu’il entre à l’Air Force Academy, le père qui a écrit une méthode de réussite…qui ne se vend pas, le grand père cocaïnomane. On l’aura deviné en voyant la jeune Olive au physique ingrat mais non moins charmante, la fin du voyage n’est qu’un prétexte, belle parabole de l’existence et du thème du film, ode épicurien à l’opposé des principes du père qui déifie la réussite. Trois jours peuvent changer une existence, et malgré une mort et des rêves qui s’écroulent qui jalonnent leur parcours nous continuons à rire avec eux. Ces trois jours vont changer l’existence de cette famille et de ses truculents membres qui à réapprennent à vivre, vibrer, à parler, à être, à se regarder, à profiter de l’instant présent, et qui vont peu à peu laisser entrevoir leurs failles. Progressivement, l’humour, parfois délicieusement noir, laisse place à l’émotion qui s’empare du spectateur. Cette « carpe diem attitude » atteignant son paroxysme dans la jubilatoire scène du concours de miss qui a suscité les applaudissements spontanés des spectateurs deauvillais. Ce voyage initiatique d’une tendre causticité est aussi un road movie fantaisiste et poétique dans lequel l’émotion affleure constamment, vous envahit subrepticement jusqu’au bouquet final, un film dont je vous invite à prendre immédiatement la route. Une belle leçon de vie qui a insufflé un vent d’optimisme sur une sélection bien morose, des personnages attachants, un film qui surpassait de loin le reste de la sélection, une réussite d’autant plus louable lorsqu’on sait que le film a mis cinq ans à se monter, que tous les studios de Los Angeles et New York l’avaient auparavant refusé, lorsqu’on sait enfin sa réussite inattendue aux box-office américain !
Les avant-premières : des films d’atmosphère…
Ce sont les hommages et les avant-premières (désormais appelées premières ??) destinées à créer l’évènement qui firent la réputation du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Même si cette année le festival en a été plus avare que de coutume, il n’a pas dérogé à la règle : il y eut d’abord ainsi la projection du très attendu World Trade Center d’Oliver Stone défini par son réalisateur comme un film sur le courage (voir ce qu’il en est selon moi, ici).
Le deuxième évènement fut l’avant-première, également très attendue, de l’adaptation par Brian de Palma du pavé de James Ellroy : Le Dahlia noir. Dans les années 40 à Los Angeles, les inspecteurs Lee Blanchard (Aaron Eckhart) et Bleichert (Josh Hartnett) s’attaquent à une histoire de meurtre particulièrement difficile. Une starlette a en effet été retrouvée affreusement mutilée. Si la conférence de presse a été passionnante avec un James Ellroy déjanté, aboyant (si, si) , déclarant que « l’argent est un cadeau qui ne se refuse jamais » aux questions sur les raisons de son acceptation à cette adaptation, avec un Brian de Palma expliquant les difficultés à monter le financement après ses échecs de Femme fatale et Mission to Mars mais aussi en raison de la difficulté d’adapter un roman aussi complexe, mon attente pour le film était d’autant plus forte et fut d’autant plus déçue. Certes, pas de doutes, Brian de Palma, est un vrai cinéaste avec son univers et ses propres codes, certes on retrouve cette virtuosité stylistique qui le caractérise et ses admirables plans séquences. Ainsi, dès le début il parvient à nous immerger dans une atmosphère, celle des films noirs du cinéma américain on retrouve de nombreuses caractéristiques et notamment les femmes fatales incarnées par Scarlett Johansson et, ce qui est plus nouveau pour elle et néanmoins là encore une réussite : Hilary Swank. Si l’intérêt du spectateur ne décroît pas en raison de la qualité de l’interprétation, de cette atmosphère dangereusement ensorcelante délibérément surannée, en revanche on se perd dans ces histoires labyrinthiques qui révèlent les ambivalences de chacun. Mais d’ailleurs est-ce vraiment important ? De Palma aura réussi à nous emmener ailleurs, à une autre époque en tout cas, dans son univers glamour et non moins violent. Comme il l’a expliqué en conférence de presse, De Palma a lu livre en 1992. A l’époque, le « matériau » lui « semblait trop important » mais il a « vu LA Confidential » et s’est « dit qu’on pouvait adapter Ellroy », lequel Ellroy estime que le « récit est bien centré autour de personnages compliqués ». Dommage que les spectateurs ne soient pas du même avis. L’intrigue est pourtant basée sur l'histoire vraie du meurtre d'Elizabeth Short, jeune actrice ayant quitté Hollywood à la fin des années 40 pour le Massachusetts. Elle disparut mystérieusement au début du mois de janvier 1947. Quinze jours après, son corps atrocement mutilé a été retrouvé abandonné dans le Sud de Los Angeles. Son meurtrier n'a jamais été retrouvé ou identifié. De plus, la propre mère de l’auteur, Jean Hilliker, avait été mystérieusement retrouvée étranglée quelques mois auparavant. Basée sur des faits réels, la violence du film n’en est alors que plus dérangeante et certainement pas étrangère à la fascination qu’elle a suscitée chez certains spectateurs…
Toute autre atmosphère avec une autre avant-première, ah oui pardon, première, attendue de cette 32ème édition, celle d’ Un crime avec Emmanuelle Béart dans le troisième long métrage du français Manuel Pradal, une histoire coécrite par Manuel Pradal et Tonino Benacquista. Un homme, Vincent, (Norman Reedus) a perdu le goût de la vie depuis l’assassinat de sa femme. Sa voisine, Alice (Emmanuelle Béart) est persuadée qu’elle le rendrait heureux. Alors elle décide de fabriquer un coupable, un chauffeur de taxi new yorkais (Harvey Keitel) pour qu’il se venge et tourne la page. Mais le coupable idéal n’existe pas…Le crime parfait non plus. Même si l’atmosphère est toute autre, ce film a lui aussi bel et bien une vraie « gueule d’atmosphère. » C’est là aussi son principal intérêt, les abracadabrantesques rebondissements étant finalement secondaires (Comment Harvey Keitel, le coupable « fabriqué » par Alice revient-il miraculeusement indemne d’une scène que je vous laisse découvrir ?) et ne nuisent nullement à la jubilation que procure ce film, une jubilation avant tout suscitée par la confrontation judicieuse entre Emmanuelle Béart (encore différente, impressionnante de fragilité mais aussi de détermination) et Harvey Keitel. Dès sa première apparition, derrières les barreaux d’une prison, indolente, mystérieuse, avec le regard sauvage d’un animal blessé mais aussi, défiant et résolu d’un fauve en cage, Emmanuelle Béart happe la caméra comme elle le fera avec sa proie, et elle ne la et ne nous lâchera plus jusqu’à la dernière seconde. Un crime est plus et avant tout un film de personnages, trois personnages prêts à tout par amour. A tout oublier. A tout accepter. A se perdre. A dériver. A tomber dans un gouffre dont Brooklyn est le sombre et non moins magnifique reflet : à la fois inquiétant et fascinant. L’histoire n’a alors plus vraiment d’importance. L’intérêt réside dans l’ambiguïté des sentiments et de ce face à face d’une âpreté ensorcelante, saisissant, sensuel, carnassier même et dans cette atmosphère nocturne des rues sombres et menaçantes, des bars enfumés et énigmatiques de New York, cadre oppressant, rythmé par la musique discrète et non moins essentielle d’Enio Morricone. On retrouve la métaphore de la présidente de cette 32ème édition dans son dernier film, Selon Charlie, celle du boomerang. Eh, oui, là aussi, le passé leur revient en pleine figure ! Je n'en révèlerai pas plus. On se laisse volontiers embarquer dans ce New York fantomatique et mystérieux avec cette femme qui aime à la folie, faisant fi de toute morale et de toute raison. A l’image du spectacle de danse et de feu qui a lieu dans le bar où se rencontrent Alice et le chauffeur de taxi, c’est un film incandescent, un conte (« Alice » au pays des merveilles obscures) d’une noirceur romantique qui réfute toute tiédeur et ne pourra vous laisser de glace!
C’est aussi une femme impressionnante qui mène une autre avant-première particulièrement attendue, Meryl Streep, tyrannique Miranda Priestly dans Le diable s’habille en Prada de David Frankel, satire de la mode aux couleurs acidulées. Cela faisait longtemps que le CID n’avait connu une telle effervescence, une ovation si spontanée pour celle qui a été nommée une quinzaine de fois aux Oscars, qui figure au générique de nombreux chefs d’œuvre du cinéma américain ( cliquez ici pour lire ma critique du dernier d’entre eux.) Le film de David Frankel n’en est pas un mais il révèle néanmoins une nouvelle facette de son immense talent dans un rôle que l’on devine jubilatoire, celui de Miranda Priestly donc reine du royaume de la mode à New York, dont elle laisse entrevoir les fêlures derrière sa personnalité apparemment uniquement tyrannique. Son magazine, Runway fait et défait en effet les tendances au gré de ses pages et de ses avis souverains. A priori Andy Sachs (Anne Hathaway), jeune et brillante diplômée, n’avait pas le profil pour intégrer ce milieu ultra fermé. Et pourtant, elle va devenir l’assistante de Miranda… On devine aisément la suite. On la suit néanmoins avec plaisir, surtout lorsque Miranda Priestly apparaît guettant un sourire de sa part qui surviendra peut-être, climax tant attendu. Très différente de son personnage, Meryl Streep est apparue facétieuse et particulièrement charismatique lors de la conférence de presse. Que dire de plus si ce n’est que ce film se regarde comme on feuillette un magazine féminin : aussitôt lu, aussitôt oublié mais le temps de sa lecture nous aura fait oublier la réalité. Et on n’en demandait pas davantage. Le Diable s'habille en Prada est une adaptation du roman éponyme écrit par Lauren Weisberger. Véritable best-seller narré à la première personne, il a été traduit dans 27 langues ! Le film sortira en France le 20 septembre.
Aux antipodes de ce film : The Fountain de Darren Aronofsky qui nous emmène dans la quête éternelle d’un homme pour sauver la femme qu’il aime, au 16ème, 21ème et 26ème siècle. The fountain est de ces films qui vous agace ou vous ensorcelle. Qui ne vous laisse pas indifférent. Et c’est déjà énorme. Peut-être d’ailleurs, si je n’avais vu tous ces films en compétition dramatiquement semblables et dramatiquement là, j’aurais fait partie de la première catégorie, agacée par cet imbroglio scénaristique. Oui mais voilà dix jours de films glauques sont passés par là et je me suis laissée envoûter, ensorcelée, hypnotisée par ce film fascinant au sens premier du terme d’une mélancolie sombre et lumineuse. The Fountain vous hypnotise littéralement et vous embarque dans sa folie, son utopie, sa beauté formelle indicible, sa quête vaine et d’autant plus magistrale , celle de la fontaine de jouvence, de la vie et surtout de l’amour éternels. On le regarde comme on admirerait un tableau somptueux, onirique et cauchemardesque à la fois, jusqu’à épuisement, jusqu’à satiété, avec l’envie de se fondre dans son univers, d’en percer le mystère, les yeux écarquillés, accrochée à son fauteuil, en espérant que le voyage et l’immersion dureront encore et encore, que l’amour absolu de Tommy et Izzi nous entraînera dans son tourbillon fantastique. Si le spectateur oublie le temps qui passe, Tommy aussi et à vouloir trouver sans cesse un moyen d’être avec sa femme pour l’éternité il passe à côté du présent et du temps qu’il pourrait véritablement passer à côté d’elle. C’est aussi peut-être une belle métaphore de la création : à courir après l’immortalité, l’artiste en oublie le présent. A refuser d’accepter la mort, il en oublie la vie. Une fresque intemporelle et utopique à regarder sans modération. Pour s’y fondre dans un délicieux et tortueux oubli.
A l’inverse, un autre film présenté en avant-première, dans le cadre des Docs de l’oncle Sam, cette fois, est une lutte contre l’oubli, contre une dangereuse ignorance et occultation, celle d’une Vérité qui dérange de Davis Guggenheim. A travers la présentation des données scientifiques argumentées sur le réchauffement climatique se dévoile le parcours personnel de Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, et son long combat en vue de réduire l’effet de serre. Longuement applaudi, Al Gore arrive avec sa plaisanterie favorite qui figure en ouverture du documentaire : « je suis l’ex-futur président des Etats-Unis ». Evidemment on ne peut s’empêcher d’établir la comparaison avec son vainqueur, vous savez le gnome au sourire d’imperturbable ahuri et au QI d’huître (quoique je n’ai jamais eu le privilège de converser avec une huître, c’est donc leur faire insulte, surtout qu’elles sont un peu malmenées en ce moment donc toutes mes excuses aux éventuelles huîtres qui me liraient). Evidemment, on ne peut non plus s’empêcher de trouver dommage qu’il n’ait mis sa révolte et ses connaissances au service de l’administration Clinton lorsqu’il en était le vice-président. Je l’avoue, j’ignorais l’engagement d’Al Gore pour l’écologie qui sillonne apparemment les Etats-Unis et le reste du monde depuis un certain temps pour alerter l’opinion. Au regard des programmes politiques de nos présidentiables qui méprisent dangereusement cette question au premier rang desquels les partis dits écologistes, on ne peut que se dire qu’il lui reste encore fort à faire. Une vérité qui dérange est un documentaire aussi effrayant qu’instructif. Effrayant parce qu’il nous reste dix ans, dix ans pour éviter une catastrophe écologique irréversible déjà fortement amorcée, dix ans pour que Katrina ne devienne pas un phénomène récurrent et effroyablement banal. Dix ans et pas une seconde à perdre pour agir, surtout. En filigrane, apparaît aussi le parcours d’un homme, ses blessures (l’accident de son fils, d’où sa décision d’agir pour la planète, sortez les violons), et en filigrane une critique du gouvernement Bush qui aurait « mieux dû investir pour éviter Katrina plutôt que mettre en place une politique antiterroriste absurde. » D’ailleurs Ground zero et Manhattan risquent d’être ensevelis sous les eaux, une bonne partie de l’Europe aussi, sans compter que... Bon d’accord, j’arrête là. J’arrête là mais je continue tout de même pour me joindre à l’un des membres du jury, à savoir Antoine de Caunes, qui est intervenu lors de la cérémonie de clôture pour inciter toutes les écoles à diffuser ce documentaire et une chaîne publique à le relayer estimant que « ce documentaire parle avec clarté et simplicité de l’apocalypse qui nous attend si on ne tente pas d’inverser la vapeur », qualifiant ironiquement de « film Gore pour tous les publics ». A voir absolument! Nécessairement. Sortie en France : le 11 octobre.
Avec Bobby, présenté en avant-première mondiale en version non définitive, Emilio Estevez nous fait revenir quelques années en arrière, pour nous relater un autre drame. 6 juin 1968 : Les vies de plusieurs personnes s’entremêlent le jour où le Sénateur Robert F. Kennedy, est assassiné dans les couloirs de l’hôtel Ambassador de Los Angeles. Un jour d’espoirs déchus. Un jour où tout bascule dans l’improbable. Du 6 juin au 11 septembre, il n’y a qu’un pas qu’Emilio Estevez a évidemment franchi. La qualité des portraits de ce film choral -oui, encore un !- du cuisinier de l’hôtel Ambassador à son directeur, l’étonnante distribution (de Sharon Stone en esthéticienne à Demi Moore en chanteuse alcoolique qui n’hésitent pas à se moquer d’elles-mêmes, en passant par Anthony Hopkins, Helent Hunt, Christian Slater etc : ils sont 21 au total !), le judicieux mélange des images d’archives et de la fiction en font un film à ne pas manquer. En arrière-fond la guerre du Vietnam et toute une époque qui défile en une journée déterminante. Un film sur le passé qui nous parle aussi du présent, notamment à travers un discours de Robert Kennedy en voix off, au dénouement, discours édifiant et terriblement actuel.
L’avant-dernier film incontournable de cette 32ème édition, présenté en avant-première mondiale, incontournable comme l’est souvent, le film qui obtient le prix Michel d’Ornano, prix dévolu les années précédentes à : Le bleu des villes de Stéphane Brizé, Filles perdues, cheveux gras de Claude Duty, Brodeuses de Eléonore Faucher et surtout La petite Jérusalem de Karin Albou (pour voir ma critique, cliquez ici). Cette année ce prix qui récompense, le meilleur traitement de scénario de long métrage d’un jeune scénariste français, est revenu à La faute à Fidel de Julie Gavras. Film écrit par Julie Gavras avec Arnaud Cathrine d’après le roman « Tutta Colpa di Fidel » de Domitilla Calamai, produit par la veuve de Pialat, Sylvie Pialat. Anna a neuf ans. Pour elle, la vie est simple, faite d’ordres et d’habitudes. Une vie qui se déroule confortablement entre Paris et Bordeaux. Sur une période d’un an, entre 1970 et 1971, Anna voit sa vie bouleversée par l’engagement politique de ses parents. Le film commence par un mariage, dans un cadre bourgeois, autour d’une table d’enfants sagement assis, bien droits, bien coiffés, respectueux des convenances, séparés les uns des autres par un silence assourdissant. Il s’achève dans une cour d’école. Les enfants portent des vêtements colorés, dansent en rond et se tiennent la main. Une année sépare ces deux scènes, une année de bouleversements pour cette petite fille qui assiste, incrédule puis furieuse puis révoltée puis complice aux bouleversements de son existence. Des espoirs, une révolte aussi, naissent pour ses parents, le monde change pour eux, le monde s’écroule pour elle. A travers son regard à la fois clairvoyant et d’une touchante naïveté pour qui tout ça c’est « la faute à Fidel », défile toute une époque : le franquisme, l’émancipation féminine, la prise de pouvoir par Allende au Chili etc. Un film qui évolue peu à peu vers la lumière portée par une musique elle aussi très lumineuse. Une cinéaste très prometteuse. Un film émouvant, intelligent, drôle aussi, aux dialogues incisifs et jamais « enfantins ». A voir absolument ! Sortie le 29 novembre.
Enfin, pour achever ce bilan des avant-premières, sur une note d’espoir, Come early morning de Joey Lauren Adams. La vie privée de Lucy (Ashley Judd) se résume à écumer les bars de nuit et à se réveiller chaque matin au bras d’un inconnu. Alors qu’elle décide de reprendre contact avec son père, elle fait la rencontre de Cal. Où est l’espoir me demanderez-vous en lecteurs attentifs et tatillons ? Si la comédienne Joey Lauren Adams a finalement renoncé à interpréter le rôle principal notamment face aux difficultés pour trouver un financement, celui d’Ashley Judd étant plus porteur, elle n’a pas renoncé à le réaliser, et elle a bien fait. Dommage que ce film n’ait pas figuré en compétition car, s’il présente la plupart des caractéristiques des films en compétition résumées plus haut, il nous emmène cependant de l’ombre vers la lumière, vers cet « early morning », un soleil régénérant plein d’espoir. Le portrait de cette jeune femme paumée, prisonnière des blessures de son enfance est mis en parallèle avec le portrait d’une Amérique profonde, l’une et l’autre filmée avec beaucoup de sensibilité par Joey Lauren Adams. Tout cela rythmé par une musique country qui nous entraîne avec elle jusqu’à ce soleil levant. De ces instants immortalisés qui vous font dire que demain est un autre jour. Pourquoi pas un jour merveilleux…et le premier du reste de votre vie.
Pour le reste des avant-premières, il y eut notamment :
- Le mafieux en colère de Sydney Lumet dans le prévisible et insipide Jugez-moi coupable de Sydney Lumet. (Giacomo « Jackie Dee » DiNorscio- Vin Diesel- est un membre de la famille Lucchese. Déjà incarcéré pour trente ans, il se voit offrir une réduction de peine s’il témoigne contre ses amis les plus proches. Dégoûté par la bureaucratie du système pénal et refusant de trahir sa « famille », Jackie décide d’aller au procès à la fois en tant qu’inculpé et en tant qu’avocat.) Sydney Lumet aurait mieux fait de s’en tenir à son chef d’oeuvre Douze hommes en colère, et ne pas remettre les pieds et sa caméra dans une salle d’audience. Parait-il que Vin Diesel y change de registre, il ne faut pas exagérer non plus, il ne joue pas vraiment Roméo !
- En guise de clôture, une héroïne dépressive dans Ma super ex de Ivan Reitman. Alors même si les supers héroïnes dépriment...¨ ! (Entre Matt et Jenny-Uma Thurman- tout allait pour le mieux jusqu’à ce qu’il décide de la quitter pour une autre. Mais Jenny est aussi G-Girl, la super héroïne. Particulièrement jalouse, elle est bien décidée à utiliser tous ses pouvoirs pour se venger.) Et dire que le festival avait commencé par une illusion sur un air de jazz, en voilà une de perdue en tout cas. Un film consternant de niaiserie. En général je trouve toujours des excuses et je n’aime pas la critique gratuite mais là, non vraiment… SVP, que nous reviennent les films de Woody Allen, souvent présentés en clôture !!
Les hommages: sous le signe de Sundance...
Deux hommages ont principalement marqué le festival cette année : le premier rendu au Sundance Institute (voir mon article sur le Sundance Institute, en cliquant ici) avec l’absence remarquée de Robert Redford, fondateur du festival de Sundance par lequel sont passés la plupart des films en compétition présentés à Deauville.
Le second en l’honneur du réalisateur qui, justement, a souvent immortalisé ce dernier, et qui, justement, fait partie des sept fondateurs du Sundance Institute : Sydney Pollack. Comédien, producteur, mais surtout réalisateur de chefs d’œuvre du cinéma américain, certes classiques, mais brillamment écrits et dirigés : Out of Africa, Les trois jours du Condor, On achève bien les chevaux, Nos plus belles années, Propriété interdite, La firme et quelques autres ! Je m’attendais à la foule des grands jours, à des applaudissements effrénés, à un enthousiasme débordant, à un CID plein à craquer… Que nenni ! Dans une salle qui peut presque en contenir dix fois plus, on ne devait pas en compter plus de 300 spectateurs sidérés d’être si peu nombreux. Etait-ce dû à l’heure ? (L’hommage eut lieu en plein après-midi) A l’absence de grands comédiens venus lui rendre hommage comme c’est souvent le cas à Deauville dans ces circonstances ? (Peut-être aurait-il fallu demander à Meryl Streep plutôt qu’à Serge Toubiana, pourtant prolifique sur le sujet mais certainement moins prompt à attirer les foules). Au choix du film projeté, un documentaire, et non une des fresques romanesques qui ont fait la renommée de Sydney Pollack ? En le voyant j’imaginais Meryl Streep murmurer d’une voix mélodieusement suave « j’avais une ferme en Afrique » et nous embarquer avec elle dans sa passion dévorante pour l’Afrique et pour Denys Finch Hatton, je revoyais les paysages à couper le souffle, les sublimes silences et regards échangés entre ces deux personnages magnifiquement libres, mélancoliques et passionnés, je revoyais et j’entendais la musique de Mozart emplissant la nuit africaine et exacerbant sa beauté à couper le souffle. Malgré l’assistance clairsemée, et bien que venant à Deauville pour la six ou septième fois (lui-même ne savait plus), Sydney Pollack était très ému de l’hommage que le festival lui rendait. C’est certainement Serge Toubiana qui a le mieux défini le cinéma de Pollack, ce que j’aime tant dans son cinéma aussi : la mélancolie c’est-à-dire cette capacité à filmer ce qui est « derrière les apparences, dans l’ombre, dans la pénombre, derrière le caractère factice de la vie. » Lors de la conférence de presse, (là aussi curieusement déserte) Sydney Pollack est aussi revenu sur cette mélancolie en évoquant la personnalité de Robert Redford qu’il a si souvent fait tourner. Pour lui Robert Redford est en effet une « parfaite métaphore de l’Amérique, une apparence parfaite derrière laquelle on devine une âme sombre ».
Un autre évènement, un hommage un peu en marge du festival a néanmoins attiré la foule : la venue de Claude Lelouch et l’inauguration de la place portant son nom (Pour voir mon article et mes photographies à ce sujet, cliquez ici.)
Et après ?
Deauville, lundi 11 septembre. Deauville, cinq ans plus tard. Rien ne semble avoir changé depuis, ici en tout cas, même si la cérémonie de clôture a été dédiée aux victimes du 11 septembre. Un autre 11 septembre est passé par là. Les tentes sont démontées. La marée humaine s’est retirée. Le drapeau ne flotte plus sur le toit de la villa Orange devenue Canal Plus devenue Cartier. Le silence a remplacé l’air de jazz. Peut-être tout cela n’était-il pas réel finalement ? Un cheval gambade sur la plage, temporairement et soudainement déserte. Deauville a retrouvé sa beauté mélancolique. Ses vieillards évidemment acariâtres ont remplacé les journalistes forcément insatisfaits. Tous exigeants. Il leur suffirait de regarder pourtant. Enfin…la quiétude ne peut jamais être parfaite. Je songe à cette expression ridicule, galvaudée, insignifiante, prodigieusement agaçante "que du bonheur" (à prononcer avec des trémolos dans la voix et l'oeil embué bien entendu)... , il faudra me l'expliquer. Il fait un soleil radieux. Une petite pointe de nostalgie. Des souvenirs enfouis. Des instants trop éphémères. Je songe à Come early morning, à son soleil empli d’espoir. Un nouveau départ. Finalement, ce n’est pas si triste "Deauville sans Trintignant". Des illusions perdues, d’autres naissantes, du cinéma et pas seulement. La vie reprend son tortueux cours… A très bientôt Deauville, avec ou sans Trintignant, mais toujours sur un air de musique. De jazz. De Francis Lai. De Delerm. Ou simplement un éloquent silence.
Palmarès du 32ème Festival du Cinéma Américain de Deauville :
Grand Prix
LITTLE MISS SUNSHINE de Jonathan Dayton & Valerie Faris
Prix du Jury
HALF NELSON de Ryan Fleck
Prix du Scénario
SHERRYBABY de Laurie Collyer
Prix de la Critique Internationale
SHERRYBABY de Laurie Collyer
Prix de la Révélation Cartier
HALF NELSON de Ryan Fleck
Prix Michel d'Ornano
La faute à Fidel de Julie Gavras
Canal + "Coup de Cœur "du doc de l'Oncle Sam"
GOD GREW TIRED OF US de Christopher Quinn
Prix Littéraire
DIDIER DECOIN pour son roman Henri ou Henry, le roman de mon père
Les films du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2006 recommandés par « Mon Festival du cinéma » :
-La faute à Fidel de Julie Gavras
-Little miss sunshine de Jonathan Dayton et Valérie Faris
-Bobby de Emilio Estevez
-The Fountain de Darren Aronofsky
-Un crime de Manuel Pradal
-Une vérité qui dérange de Davis Guggenheim
-Twelve and holding de Michael Cuesta
-Come early morning de Joey Lauren Adams
Merci aux organisateurs du Festival de Deauville d’avoir inscrit Mon Festival du Cinéma dans ses liens, on Festival du Cinéma étant le seul blog figurant dans les liens de la version française du site officiel.
Vous pouvez laisser vos commentaires et critiques suite à cet article.
Toutes les photographies figurant sur ce blog sont ma propriété exclusive. Pour toute utilisation, merci de me contacter au préalable à: festival.cinema@laposte.net .
Pour lire mes autres articles concernant ce Festival du Cinéma Américain de Deauville, cliquez ici.
Prochain festival à suivre sur Mon Festival du Cinéma :
-Le Festival du Film Britannique de Dinard 2006 qui se déroulera du 5 au 8 Octobre. J’y serai comme chaque année depuis ma participation au jury du festival, en 1999, pour vous en faire un compte-rendu détaillé.
Album photo du 32ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. (A venir)
Sandra.M