Un film de Roger Allers & Rob Mincoff (1994) produit par les studios Disney avec les voix de Matthew Broderick, James Earl Jones & Jeremy Irons.
Un blu-ray Disney sorti le 24 août 2011.
1.78 :1 ; 16/9
Une chronique de Nico
N.B. Cet article est abondamment illustré par des photos volontairement réduites mais toutes "cliquables" si vous désirez les afficher en grand format. De même, et comme d'habitude, les mots en couleurs renvoient à d'autres articles de ce blog d'un simple "clic".
Comment expliquer le succès du Roi lion ? Le record de l'époque du plus grand nombre d'entrées pour un dessin animé n'a toujours pas été battu. Bon depuis, techniquement, il s'est fait devancer par d'autres films d'animation comme Nemo, tous faits par ordinateur, mais il reste tout de même le détenteur du record dans le domaine de l'animation classique avec des dessins.
Ce qui m'a toujours épaté dans ce film, c'est son aspect archi sombre et sérieux, derrière des dessins relativement enfantins. Car c'est selon moi (avec Le Monde de Nemo - certes un Pixar, mais distribué chez Disney) l'un des films du studio les plus difficiles à appréhender. D'un côté c'est un film pour enfants avec des animaux qui parlent et qui chantent (de quoi apporter de l'eau au moulin des détracteurs, ne voyant chez Disney que le côté vendeur de peluches) et d'un autre, c'est un film qui parle principalement de l'Homme et de sa place dans la vie. Contrairement aux précédents dessins animés de la firme, la présence de l'Homme n'est jamais mentionnée dans ce film. Et c'est précisément dans ce dernier qu'il en est le plus question, car l'histoire touche à quelque chose d'universel, bien plus profond que les simples histoires de princesses habituelles et traditionnelles.
Et donc on va parler ici d'apprentissage, de passage à l'âge adulte, de poids de l'héritage et du passé, de culpabilité. Pas très happy et plus "lourd" à traiter que d'habitude (peut-être est-ce pour cela que le message est transmis par les animaux ?).
Car si l'histoire est avant tout très inspirée de celle d'Hamlet (de Shakespeare), elle rassemble énormément d'éléments mythologiques et de figures obligées que l'on retrouve dans beaucoup de films au succès aussi phénoménal (Star Wars et Avatar par exemple), à la symbolique exacerbée et qui peuvent presque aisément se passer de dialogues pour être compris.
Une référence simple et directe à Hamlet
Le film fonctionne principalement sur les images, les symboles. Quoi de mieux pour un dessin animé ?
Et qui dit dessin animé dit mouvement. On en revient à l'essence même de cet art.
La fameuse chanson qui ouvre et conclu le film parle de "Circle of life", ou de "Cycle de la vie". Le "circle", le cercle, est un symbole. Le cycle quant à lui indique une notion en mouvement perpétuel. Et c'est ce que le Roi lion est : des images en mouvement, dont les assemblages sous forme de séquences vont sans cesse se faire écho.
Cette histoire d'images, de symboles en mouvement, va trouver son sens avec l'utilisation extrêmement réfléchie des astres, notamment le soleil et la lune. Les images que je vais vous montrer constituent la quasi-totalité (à un ou deux plans près, volontairement non expliqués ici car étant identiques à d’autres dont je vais parler) des plans montrant tour à tour le soleil, la lune et des étoiles filantes. 7 plans au total, que je vais essayer de commenter en insistant sur le côté "symétrique" du film.
"Le temps que passe un roi à gouverner, ressemble à la course du soleil".
Le soleil est le symbole de la vie et de l'accomplissement dans le film. Un symbole à la forme d'un cercle qui tourne et éblouit de sa lumière. Cette image va accompagner le destin de Simba (littéralement le "lion" en Swahili). Il est donc logique de commencer le film par un plan de ce fameux soleil qui se lève et qui marque la présentation de Simba aux habitants de la jungle (et qui au passage représente tout simplement le début de son entrée dans le monde).
Ce plan de soleil ouvre la première partie du film, celle de l'apprentissage du jeune lion. C'est dans cette partie que le spectateur comprend quel est le destin du lion, son devoir, et sa place. Le vieux sage Rafiki ("ami", sorte d'Obi-Wan ou de Gandalf) retranscrit dans une sorte d'image dans l'image le dessin de Simba, représenté par un symbole en forme de cercle.
Le début du film lie le soleil au lion, et le lion au symbole d'un cercle. On comprendra alors que pour que le lion soit à sa place dans le monde, il faut que le symbole du cercle soit également à sa place. Le rond et le soleil montrent ainsi le tempérament entier, complet, et chaleureux du personnage.
Pendant ce temps, Scar complote pour devenir le roi. Pas dans n'importe quel endroit. Dans un lieu recouvert par des ombres, où la lumière ne vient pas du ciel mais de la lave sous la terre. Son élément, au contraire des rois Mufasa et Simba, est la lune. Pas n'importe quelle lune : le croissant de lune. Une forme à moitié ronde, avec deux grandes pointes. Le côté vif, sournois du personnage est clairement mis en avant par l'aspect agressif de l'astre, mais qui garde logiquement la caractéristique arrondie semblable au soleil (Scar est le frère du roi Mufasa, avec un lien de parenté très fort). D'ailleurs si vous regardez bien le plan dans lequel on la voit, on trouve Scar (dont la cicatrice va dans le même sens symbolique) entouré également d'os qui ont exactement la même forme que la lune.
A partir de ce moment, celui où l'on voit l'astre visible la nuit, on sait que le destin de Simba va basculer. En effet, après la disparition de Mufasa et la réussite de Scar, Simba va devoir fuir sa terre et abandonner son destin de roi. Il devra traverser de gauche à droite un enchevêtrement de ronces, dans une sorte de confusion des sens et des sentiments. L'esprit de Simba sera aussi tourmenté que son corps lui-même, à travers ce labyrinthe.
En en ressortant, il renonce à sa destinée et laisse Scar s'emparer du pouvoir. Il est donc logique de voir Simba courant vers un soleil couchant,
faisant écho au premier plan du film.
Scar a gagné et devinez la suite : il prend le pouvoir lors d'une scène se passant de nuit, avec pour la deuxième fois la même lune en fond.
Nous passons de suite à un autre plan qui fait écho : celui de Rafiki qui efface le symbole du cercle de Simba.
La séquence suivante va démarrer la deuxième partie du film. Dans un fondu (semblable à un enchaînement d'images au début de l'histoire), on passe du dessin de Simba fraîchement gommé par Rafiki à l'image du lion, évanoui au milieu du désert.
Le plan d'après, comme pour souligner l'écrasante culpabilité qui envahit le personnage, nous y voyons un soleil éblouissant mais incomplet dans le cadre du film (très important) et dont le mouvement est amplifié par les cercles que font les vautours. Le poids de l'héritage est trop lourd pour Simba.
Que fait-il ? Et bien avec ses nouveaux amis Timon et Pumbaa ("désorienté"), il va faire en sorte de vivre en oubliant son passé. Il choisit une solution de facilité. Il s'engage sur une mauvaise voie. Il va renier tout son apprentissage. Son symbole ne sera désormais plus le soleil, mais la lune. Seulement, au contraire de celle de Scar et de son aspect agressif, la lune représentant la vie du nouveau Simba (devenu adulte) est ronde, pleine et lumineuse.
Concrètement, il vit pleinement sa vie (la lune est pleine), mais pas de la manière dont il se doit (la lune remplace le soleil). Il n'est pas à sa place.
Et puis un jour (ou plutôt une nuit - sans lune), presque par hasard, le passé fait surface. Simba se pose des questions, il repense à Mufasa. Il hurle et implore son aide. Celui qui l'entend, c'est Rafiki, qui s'empresse de redessiner le symbole du lion en lui ajoutant dans un mouvement presque circulaire sa crinière
Le passé revient, et Simba va être guidé par son ami, le sage, pour apprendre à vivre avec. Et vivre avec signifie l'affronter. Rafiki va entraîner de nouveau Simba dans un autre labyrinthe. Simba va retraverser la barrière, celle qui fait écho avec la scène des ronces de son enfance.
Dans cette séquence digne du passage sur Dagobah de l'Empire contre-attaque, Simba va être mis à l'épreuve : il va devoir se comprendre, voir en lui. Il va pouvoir de nouveau renouer des liens avec son père, ou plutôt son passé et sa réelle place naturelle dans la vie.
Ayant enfin compris quel était son devoir, la lune et le soleil vont se mêler, comme si toutes les facettes du personnages étaient enfin réunies, comme si Simba était enfin complet, et ce sera matérialisé par une nuit d'étoiles filantes.
Simba peut redevenir lui-même, sa vie va enfin être symbolisée par ce que l'on attendait : un soleil plein, cadré, brillant et tournant.
Ces images de soleil ne sont pas inutiles, ce ne sont pas de simples détails dans les arrière-plans. De toute manière, aucun décor dans le Roi lion n'est dénué de sens. Tous ont un réel intérêt. On ne place pas une jungle magnifique juste à côté d'un désert sans aucune signification.
Je ne vais pas analyser tout le film, je voulais juste parler de ces fameux plans qui me semblent essentiels pour comprendre comment les réalisateurs ont réussi à utiliser l'image et leur art au service de cette histoire.
Le Blu-ray vient juste de débarquer, avec une image magnifique et un son extrêmement bon (les musiques de Hans Zimmer font partie ce que j'ai entendu de plus beau au cinéma). Si le film n'est pas tout à fait identique à celui sorti en salles en 1994 (pas les mêmes logos, pas les mêmes bruits au début, pas le même plan avec les crocos), il nous épargne la version longue ridicule disponible sur le DVD (la scène est cependant visible dans les bonus). Ceux-ci sont excellents mais ne reprennent pas ceux de l'édition DVD de 2003. VO et VF font presque jeu égal (la VF est un peu moins bonne cependant en terme de puissance). A vous de choisir entre Jeremy Irons, James Earl Jones, Rowan Atkinson, Whoopy Goldberg et Matthew Broderick face à Jean Reno et Jean Piat.