Comment se sortir des difficultés liées à la mondialisation? Pas en bloquant les frontières, ni en empêchant le libre échange.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec
Les marionnettes de Passe-Partout, série québecoise (Perlin est à droite)
Une scène classique. Visionnée hier, collé contre ma fille de 4 ans. Un père, impatient, qui s’excuse à ses enfants : « Ça va mal aujourd’hui. C’est pas de votre faute. J’ai pu de travail, pis ça m’énerve [...] Maudit chômage! »
Le gars s’appelle Perlin (jamais su son nom de famille). Un moustachu.
Ces paroles, on doit les entendre de plus en plus dans les chaumières québécoises. Surtout celles où un des deux parents (ou les deux) travaille dans le secteur manufacturier — à la « shop ».
82 000 d’entre eux ont perdu leur emploi entre 2004 et 2009. Près d’un sur quatre, selon l’Institut de la statistique du Québec.
Les robots et les Chinois
Les chiffres de Statistique Canada confirment la saignée : de 2004 à 2008, près d’un emploi manufacturier sur six a disparu au pays. Pendant que l’emploi dans les autres secteurs — comme les services — augmentait.
Les coupables? La technologie, qui permet entre autres de remplacer des humains par des robots en usine. Le dollar canadien fort. Et bien sûr, la mondialisation. Comme le déplacement d’une partie de la production en Asie et ailleurs.
Personne ne se plaignait du libre-échange quand les pays à bas salaires nous échangeaient leurs noix de coco. Mais aujourd’hui, des Vietnamiens assemblent nos iPad, des scieries brésiliennes nous vendent du bois, et les Chinois fabriquent des autos!
Il faut d’abord s’en réjouir. Des millions d’êtres humains quittent la pauvreté abjecte pour joindre la nouvelle classe moyenne dans ces pays. Le hic pour nous : nos usines peuvent difficilement payer des gros salaires comme dans le temps, avec convention collective mur-à-mur et régime de retraite béton. La concurrence est trop féroce.
Solution : l’attaque
Comment s’en sortir? Pas en bloquant les frontières, ni en empêchant les étrangers d’investir ici. Notre économie dépend des échanges avec les autres pays.
Pas en jouant défensif, mais en attaquant.
Pour les travailleurs, ça veut dire s’éduquer. S’équiper. Pour être compétitifs dans ce nouvel environnement. Collectivement, ça commence — et c’est devenu banal de le dire — par combattre le décrochage scolaire.
Pour les entreprises, c’est innover. Se spécialiser. « Quand vous vous spécialisez dans la fabrication d’une pièce, usinée au millimètre près, et que vous êtes le seul en Amérique à l’offrir, vous éliminez beaucoup de concurrents potentiels », dit Martine Hébert, VP pour le Québec à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
Pour le gouvernement, c’est fournir un filet de sûreté pour accueillir les perdants de la mondialisation. Pour les aider à se replacer rapidement. Mais surtout, alléger les taxes et la paperasse des PME. Le Québec est un des pires endroits en Amérique du Nord à ce chapitre. Pire que dans les autres provinces — dont les entreprises, rappelons-le, concurrencent aussi les nôtres.
La mondialisation et la technologie vont continuer de secouer nos entreprises manufacturières. Il faudra bien amortir le choc. Parce que derrière ces statistiques sur les emplois, il y a des familles qui souffrent. Dans Passe-Partout, on en rit. Pas dans la réalité.
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