Caricature de Gilles Morand (gillesmorand.blogspot.com)
Je retiens mon souffle et risque donc de bientôt ne plus être des vôtres, puisqu’il faut encore tenir jusqu’à demain. Il va s’exprimer. Le jet-setting judiciaire, des belles banlieues de Bethesda au Palace de Manhattan et à la Place des Vosges, désormais terminé, celui que Tristane Banon a décrit comme « un chimpanzé en rut », ce pour quoi elle n’a d’ailleurs pas été poursuivie en diffamation, va nous faire le cadeau de nous parler.
Pourquoi un grand fonctionnaire international surpayé et démissionnaire, autour duquel flotte un persistant parfum d’approches intempestives (ou autres, dans le cas de sa collègue hongroise) vers des femmes, doit-il nous faire une « allocution » télévisée, pourquoi une chaîne devrait-elle la retransmettre, et pourquoi devrions-nous écouter ? Mystère.
Il n’en reste pas moins que sa bande des quatre spin-doctors d’Euro-RSG, plus un ou deux autres, y bossent d’arrache-pied depuis plus d’une semaine. Attendons-nous donc à de l’impro débridée et de la spontanéité intégrale.
J’en profite pour mettre ici la question qui me turlupine depuis pas mal de temps. Qui paie quatre personnes à temps plein dans une des firmes de relations publiques les plus chères de France, pour un sans-mandat ?
Quand j’ai découvert l’existence de cette mission, je me suis dit : serait-ce le PS (donc vous et moi) ? Dans tout le cirque de l’affaire du procès de New-York, je me suis exclamé : non, ça ne doit pas être ça, ça doit être l’immense fortune personnelle de son ménage ! Et puis une autre idée m’est venue à l’esprit, désormais obsolète mais pertinente il y a quelques mois : serait-ce le FMI, pendant la durée de son CDD (puis CDE, écourtée) dans cette institution, qui lui aurait maintenu un tel train de vie communiquant ? Donc nous ?
Quoi qu’il en soit, on peut déjà se les représenter à l’œuvre, dans le coup du bisou à Tristane : « Qu’il dise que c’est une folle, elle affabule. Non, elle est trop mignonne, trop sincère, les gens ne goberont pas, la sympathie ira à elle et pas à Dominique, on va perdre des points. Bon, tactique aveu partiel à minima: le bisou; écris, c’était un poutou, voilà tout. Un poutou, voilà tout, très bon, ça, coco. »
Maintenant, on peut tout de même le penser, si ce has been qui s’est cramé lui-même de la vie publique s’exprime, c’est qu’il veut gagner quelque chose.
Quoi ? Se remettre dans la course à la présidentielle malgré son exclusion des primaires du PS (comme dirait H16, on parle des élections, pas des individus) ? Avouons que ça serait formidable et que ça nous dirait tout ce que nous avons besoin de savoir sur ce à quoi notre vie politique en est réduite. Mais non, c’est trop gros, il est trop tard, ça ne passera pas.
Quoi donc alors ? Juste laver son honneur taché par toutes sortes de fluides corporels ? Improbable, la meilleure chose à faire pour lui serait de laisser passer le temps, à la Chirac l’anosognosique.
S’il s’exprime maintenant, c’est que c’est pressé, il a donc bien une raison concrète de le faire.
Non, je ne vois pas, à part une dernière interprétation possible : il veut rejouer un rôle dans la vie politique avant mai 2012.
Je sais, lamentable. Néanmoins, comment croire autre chose ?
Et là, ça peut relever de deux approches: influer sur lesdites primaires ou se placer pour un poste dans le futur gouvernement (ou, bien sûr, les deux). La première est probable, un baiser empoisonné, une fourberie bien sentie, en plus du travail de sape sous-terrain combiné aux labyrinthiques négociations du deuxième tour – des primaires – auront leur poids pour handicaper tel ou tel, à n’en pas douter.
La deuxième semble grotesque, pour un ex-président donné gagnant avec quasi certitude, à la réputation désormais ridiculisée, et dont on imagine mal comment il pourrait remplir un fonction officielle nationale, non seulement face aux Français, mais aussi face à nos partenaires internationaux (n’évoquons pas face au miroir, on sait que ces gens-là sont opérés de la honte).
Et cependant, si c’était le cas ? S’il visait un gros ministère ? Tout ce qu’il nous reste, dans la politique, c’est sa valeur grand-guignol et piste aux étoiles pornographique pervers d’un spectacle qui vous donne le reflux tant il dégoûte, mais fascine tant il va toujours plus loin dans la déconnexion du réel.
Alors vous savez quoi ? J’y crois.
Moi, je serai dans le coma du fait de mon apnée trop prolongée. Mais vous me raconterez.
—-
L’illustration est une caricature de Gilles Morand, reproduite avec son aimable autorisation.
Retrouvez ses magnifiques caricatures sur son blog.