Max | Ailes

Publié le 17 septembre 2011 par Aragon

Ce n'était pas les pales d'un hélico dans un rêve. Trop fort ce bruit, il m'a réveillé tout à l'heure. Cinq heures pile ! C'est un battement d'ailes répété. Très fort.

Je suis allongé dans mon pieu. Sans prétention aucune, je connais toutes les ailes de la création. De celles en ferraille des zincs, jusqu'à celles en plumes de beaucoup de zoziaux. J'aime, j'ai toujours aimé "le bruit des ailes" des volatiles. Du plus léger "frrt" que font celles du rouge-gorge qui s'envole, en passant par l'exquis et quasiment inaudible bruit des rémiges des oiseaux de nuit, jusqu'au lourd et cadencé "pafpaf" des battoirs d'une autruche qui va se mettre en branle pour filer au galop dans la savane, ailes qui ne lui servent qu'à accélérer sa cadence ainsi que de gouvernail... Même les ébrouements des ailes des poules me plaisent. J'aime le bruit des ailes, c'est ainsi. Au bout de quelques secondes je me dis : Oiseau sauvage/gibier. Bizarre ? D'autant plus que le battement d'ailes - claquement presque névrotique ou frénétique - reprend par intermittence. Illumination d'un coup, je sais alors : faisan branché.

Impossible. Pas ici. Y'a pas de faisans, y'a pas d'arbres, pas de ces chênes ou de ces pins dans lesquels les faisans adorent se brancher... Pas dans ma rue, en plein village,  pas à cinq heures du mat. Intrigué, voulant savoir, je me lève, j'ouvre doucement les volets. Là, en-bas dans la rue, les yeux écarquillés, je vois alors le spectacle. Perché sur le minuscule arbuste d'une jardinière multiflorale municipale qui est en face de ma fenêtre, un gros faisan branché essaye bêtement de garder son équilibre. Impossible, trop gros pour la branche trop frêle. J'ai beau avoir été discret en ouvrant mes volets. Je ne l'aperçois pas longtemps. Il me sait, il me devine et il s'envole comme une (lourde) fusée dans un claquement d'ailes caractéristique aux faisans. Je le suis du regard,  il est éclairé par la lumière jaune des lampadaires, il est déjà au-dessus de la salle de l'Etoile. Il disparaît dans la nuit en direction du Leuy.

J'entends mon chat miauler en bas sur la terrasse. Je l'engueule et lui dis : "Tu pouvais pas aller le choper ? Bosser pour une fois... ramener ta pitance ?" Il ne comprend pas et me regarde d'un air ahuri en essayant de miauler (il est aphone ces jours-ci). Je referme les volets. Mon lit a tout d'un coup fragrance de forêt. Je revois ces dizaines de faisans de mon enfance que je faisais "se lever" exprès, après les avoir entendus chanter, les avoir repérés avec des ruses de sioux auprès des fourmilières  qu'ils adorent, dans le coeur du coeur de la forêt qui était alors mon absolu royaume...