Sommeil - Haruki Murakami

Par Emmyne

Une des nouvelles les plus énigmatiques de Haruki Murakami, superbement illustrée aux couleurs de nuit par Kat Menschik. Dans un style pur et cristallin, une plongée obsédante dans les dix-sept nuits sans sommeil d'une femme, pour pénétrer tout le mystère et la magie de l'univers du maître.

- Editions 10/18 -

- Traduit du japonais par Corinne Atlan -

C'est avec ce titre, extrait du recueil L'éléphant s'évapore, que je découvre l'univers et la plume de Haruki Murakami.

Quelle découverte, quelle belle initiation.

Un texte dense, une réflexion humaine et littéraire d'une profondeur qui n'a rien d'onirique, l'irrationnel plutôt que l'irréel. Limpidité, dureté et froideur du cristal.

" Mon corps voulait dormir, ma conscience voulait rester éveillée. "

A travers cette insomnie improbable, la narratrice se perd dans un troublant voyage intérieur. Ce qu'elle vit comme un privilège - cette impression d'un état de conscience supérieur, de revenir à un moi véritable - la détache insensiblement de son quotidien, des sentiments qui en sont les fondations, elle devient étrangère à sa propre vie. Ce qu'elle croit être une élévation par sa perception affinée la métamorphose en ombre d'elle-même, hantant son présent, son passé, les souvenirs s'imposant en force sur le mode hallucinatoire de sensations exarcerbées et retrouvées. Une obsession plus qu'une errance ou un tourment.

" Ma conscience vivait une chose, quelque part, et mon corps une autre, ailleurs. "

Refus de l'engourdissement, de cette perte de conscience si symbolique du sommeil, pour un autre goût de la vie, pour l'illusion de retrouvailles, d'une révélation, d'une forme de vitalité et de pouvoir, d'une stimulation de l'esprit par laquelle la dimension littéraire entre subtilement en scène, la narratrice s'interrogeant sur le rôle de démiurge de l'auteur, sur sa maitrise du destin de ses personnages, sur les messages, les annonces de ces destinées. La lectrice s'interrogeant. Psyché. Miroir de lectrices.

Si le prélude à la mort n'était pas le sommeil ? Si la mort était ces " ténèbres éveillées " ? Et si le sommeil était bien le régulateur d'un moi enfoui, le protecteur de l'obscur des nuits ?

Alors, quel est cet " au-delà " sans sommeil ?

" J'avais peut-être été ensorcelée ... " se demande la narratrice. C'est moi qui l'ai été, hypnotisée par ce texte et ces images.

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Cette édition poche est précieuse, un petit bonheur de papier glacé très agréable à lire aux pages claires et aérées dont les illustrations supportent parfaitement le format réduit. Je vais même écrire que je les apprécie plus ainsi, leur relief en grand format m'ayant paru agressif.

- Un merci pour ce joli cadeau à Virginie qui toujours m'accompagne ( pas seulement en librairie -) -

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