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"Hors de prix" de Pierre Salvadori: une comédie 4 étoiles

Par Sandra.m

medium_hors.JPGAprès vous, le précèdent film de Pierre Salvadori avait un petit  air de famille avec les films de Claude Sautet. Avec Hors de prix, c’est du côté de la comédie américaine des années 40 et 50 et du cinéma de Ernst Lubitsch et de Billy Wilder que lorgne cette fois le réalisateur.

Jean (Gad Elmaleh) est un serveur timide dans un grand hôtel. C’est là qu’Irène (Audrey Tautou) le rencontre et le prend pour un milliardaire. Irène a en effet un goût très prononcé pour les milliardaires, souvent grabataires, surtout pour leurs portefeuilles. Mais rien ne va se passer tout à fait comme prévu : Jean va tomber amoureux d’Irène et le serveur timide va être prêt à tout pour séduire la jeune intrigante, même imiter son mode de vie…

Ce qui marque d’abord, dès les premiers plans, c’est l’attention avec laquelle Salvadori filme les objets, les lieux, les visages, qu’ils soient ridés, jeunes, lisses, refaits, pathétiques, ou même sinistres… Alors qu’en général dans les comédies la réalisation passe au second plan après le scénario, elle est ici un véritable outil au service de l’histoire. Cette réalisation soignée parfois judicieusement elliptique, recourant intelligemment au hors-champ, jouant sur le comique visuel, de répétition, de situation,  met aussi en valeur les comédiens, vraiment épatants, magistralement dirigés, passant d’un sentiment à l’autre à une vitesse déconcertante. Enfin, Audrey Tautou, ici flamboyante, sort des rôles de jeunes filles maussades et introverties, souvent pâles copies d’Amélie Poulain, pour jouer la femme fatale et apparemment futile. Elle a l’espièglerie et la grâce d’Audrey Hepburn, et la gouaille d’Arletty. Quant à Gad Elmaleh il fait de ce Jean un François Pignon encore plus et mieux François Pignon que celui qu’il jouait dans La Doublure de Veber. L’amour lui donne des ailes, de l’audace surtout, de l’inconscience aussi, un charme irrésistible enfin. Pour elle, l’argent est une fin, l’amour est un moyen. Pour lui, l’amour est une fin, l’argent est un moyen. Dans ce jeu de la séduction, les rôles vont néanmoins basculer. Gad Elmaleh prouve une nouvelle fois l’étendue de son talent (et son goût ancien pour le mime), avec ce personnage burlesque aux airs busterkeatoniens de clown , à la fois triste et drôle,  attendrissant en tout cas, contenant dans son regard une poésie mélancolique et une naïveté sidérante.

De l’hôtel du Palais à Biarritz à l’hôtel de Paris à Monaco, en passant par Cannes et Saint-Tropez, on se grise avec eux de luxe, de ces bons mots délicieusement cyniques, et de ces instants qui scintillent destinés à faire oublier. Eux leur solitude et le masque de bonheur que leur procurent leurs existences futiles. Nous, le froid et le temps qui passe. Salvadori brosse en effet le portrait acide de personnages cruels, cupides, seuls surtout, et finalement touchants qui croient pouvoir tout acheter même ce qui est hors de prix, même ce avec quoi repartiront Jean et Irène, sans un sou, mais plus riches que jamais .

C’est étincelant, joyeusement amoral,  cyniquement émouvant, légèrement grave. C’est pétillant comme les bulles de champagne dont ils s’enivrent, et nous avec eux. Après Chabat et Gainsbourg dans Prête-moi ta main, Carré et Garcia dans 4 étoiles, Zem et France dans Mauvaise foi (toujours à l’affiche, une comédie douce amère que je vous recommande vivement), un nouveau duo au départ improbable qui relève finalement  de l’évidence par l’imagination des cinéastes, et qui prouve la bonne santé de la comédie romantique française, et même de son existence au même titre que la comédie britannique ou américaine.

Sandra.M

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